Curiosité nichée au cœur de la Petite France, tu es peut-être passé devant la vitrine ornée de feuilles de papier de l’Atelier du Bain aux Plantes. Peut-être t’es-tu déjà arrêté devant… mais y es-tu déjà rentré ? En attendant ta prochaine visite, immersion dans cet atelier pas comme les autres, tenu par des artistes qui y posent leurs crayons, leurs feutres et leurs tasses de thé depuis maintenant bientôt 4 ans.
C’est autour d’un thé fumant et après une réunion de l’Atelier pour recruter une potentielle nouvelle membre qu’Hannah Lafargue – présidente actuelle de l’association de l’Atelier du Bain aux Plantes –, Daisy Gand, Petrichor alias Farah Seddiki, MAB et Gauthier alias Anne-Charlotte Gautier – en train de dessiner, au loin, sur une des tables – m’accueillent, le sourire aux lèvres, afin de présenter leur atelier.
Petit buisson deviendra grand
L’idée d’ouvrir un atelier d’artistes a germé en 2015 dans l’esprit d’Hannah Lafargue, sortie des Arts Déco. Elle a entraîné dans son sillon d’autres anciens élèves, et illustrateurs de différentes écoles d’art, qui recherchaient un espace de travail commun comme ils avaient connu pendant leurs études « mais avec une meilleure ambiance ».
Depuis, l’Atelier n’a eu de cesse de se renouveler avec une quinzaine d’artistes, en moyenne, qui se partagent ce charmant petit espace. Petit, mais suffisant… Impossible de tous les caser ou de pousser les murs, et pourtant, personne ne se marche dessus : ils ne sont rarement plus de cinq à y travailler simultanément. Petrichor/Farah explique que le roulement se fait naturellement, que « chacun y va à sa guise, certains sont très présents, d’autres de façon anecdotique, d’autres ne viennent jamais ».
Entre les différences de rythmes de travail, les « boulots à côté » (parce qu’il est malheureusement souvent difficile de vivre uniquement de ses créations), les projets, et les « envies de bosser chez soi », l’Atelier joue avant tout le rôle de lien social. Pour s’organiser : une grosse étagère cachée dans l’arrière-boutique, à côté du café, du thé et des petites douceurs, derrière un théâtral rideau rouge. On y trouve des boîtes nominatives – contenant le matériel des uns et des autres – sagement rangées et attendant que leurs propriétaires reviennent s’installer sur une des tables de l’Atelier.
Un microcosme créatif
Question identité de ce lieu hybride, finalement, tout est dans le titre : « L’Atelier du Bain aux Plantes ». En effet, bien que l’ouverture sur la rue ait permis de rendre ce lieu polyvalent et que les vitrines invitent à la découverte, cette adresse est, avant d’être une galerie/boutique, un atelier où ça échange bons plans, réseaux et savoirs-faire. Petrichor/Farah y voit également « un formidable outil pour ne pas [la] transformer en ermite, […], [pour] tisser des liens avec des illustrateurs qui sont aussi des amis, faire émerger des projets communs ».
Recrutés principalement par bouche à oreille, amitié et réseautage sur Tumblr, qu’ils manient le crayon, la peinture, la gravure, le métal, la céramique, ou tout autre outil, les profils des résidents passés ou présents sont d’ailleurs très variés. …Un vrai vivier de talents, là-dedans ! Et si en découvrant leurs travaux, t’as l’impression qu’ils se sont bien trouvés, tu n’as pas tort. Petrichor/Farah avoue qu’il y a « des petits groupes avec des esthétiques qui peuvent se faire écho ». Des sorcières, du queer et des plantes : entre le fantastique, le végétal, les thèmes féministes et sociétaux qu’on retrouve chez quelques-uns, tu m’étonnes qu’il y a une patte commune ! Bien qu’il y ait quelques « électrons libres » : MAB, dans un rire, explique que c’est « un atelier composé uniquement de meufs, de personnes queer ET… Florian [Duchesne] [mais qu’]il se fond bien dans le reste, ça va ».
Agissant comme un microcosme créatif, l’Atelier fait éclore des influences et projets communs… Hannah Lafargue avoue qu’être confrontée aux techniques et thématiques de travail des autres lui a ouvert des perspectives, « le champ de ce que tu vois ». MAB rajoute que cela peut « renouveler [sa] créativité, tenter de nouvelles choses, et voir si ça [lui] convient ».
L’arbre qui cache la forêt
Tu l’as compris : derrière le nom de l’Atelier se cache surtout une flopée d’artistes de talent. Comme par exemple Léontine Soulier, dont l’univers coloré et poétique s’affiche désormais partout dans Strasbourg, et dernièrement dans l’exposition « Flammekueche isch Bombisch » dans le cadre du NL Contest 2019, aux côtés d’autres figures de proue de l’illustration strasbourgeoise comme Missy, Jaek El Diablo, Dan23… Il y a aussi Anne-Charlotte Gautier/Gauthier, nouvelle arrivée de l’Atelier et autrice de BD abordants – entre autres – des sujets difficiles et sensibles (les questions sur l’identité de genre et la violence dans l’enfance, etc). Elle a été le gros coup de coeur de l’illustratrice Pénélope Bagieu qui ne tarissait pas d’éloges sur son travail, en 2014. Autre spécialiste de l’anthropologie illustrée et des coups de gueule crayonnés : MAB.
Plus léger et enfantin : le travail de la Japonaise Chihiro Shiomi tombée en amour de Strasbourg, ou de Daisy Gand, qui pose un regard tout en douceur et fleurs sur le monde qui l’entoure. Et pour rester dans les plantes et la nature : la singulière Clothilde Garnier, artiste plasticienne, qui travaille autour des textures végétales, minérales, dans un style épuré et léché.
Dans un autre registre : Béatrice Revel, avec ses personnages adolescents et ses références à la culture pop et fantastique, l’inclassable Florian Duchesne, la polyvalente Hannah Lafargue, Lune Day et son univers peuplé de loups, d’ombres et de chimères, Sophie Guillemin et ses petites gargouilles malicieuses et colorées à encadrer ou magnétiser ou encore Lidwine Lavergne et ses monstres colorés en céramique ou en papier. Et bien sûr, les illustrations et broderies de Petrichor dont on te parlait déjà il y a quelques temps, et l’univers magique et divinatoire de Gulliver l’aventurière, qu’on avait eu le plaisir de rencontrer l’année dernière.
Mais quel que soit le sujet de prédilection de chacun des artistes de l’Atelier, on retrouve chez nombre d’entre eux la volonté de bouger les choses et les mentalités par le dessin. Notons en effet la participation de Gauthier, MAB, Béatrice Revel, Hannah Lafargue, Léontine Soulier, Lune Day et Sophie Guillemin au projet militant « Aimons-nous tou.te.s ! », créé en février 2019 en opposition à « Strasbourg, mon amour », afin de représenter l’amour dans toute sa diversité (de corps, de sexualité, etc). Une campagne d’affichage coup de poing et à la pointe du crayon, et dont tu peux encore voir les traces dans les rues de Strass.
Des projets à la pelle !
Les initiatives, justement, ce n’est pas ce qui manque. Depuis 2015, le petit atelier a pris racine dans le paysage créatif strasbourgeois et s’est illustré dans nombre de projets dont des partenariats avec le FEFFS (Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg), Nimbostratus, un recueil de bandes-dessinées (dont on te parlait l’année dernière), des événements chaque année pendant le festival Central Vapeur, ou encore les 3-4 expositions annuelles dont celle de Noël – une des plus importantes pour l’Atelier – à deux pas du Marché Off, place Grimmeissen. Au sein de l’Atelier, quelques collectifs ou collabs ont éclos. Et en actu toute fraîche : l’expo « Studio Bara & Friends » pendant Central Vapeur, et le lancement d’Équinoxe, une BD de 196 pages à l’initiative de Guy Pradel et MAB, et regroupant dix-huit histoires et seize artistes venus de Strasbourg et d’ailleurs.
La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre
Si tu as noté que cet article abusait du champ lexical végétal, bravo, tu ne t’es pas planté. Alors si t’aimes pas les jeux de mots ou le jardinage : pas de pot. Mais pour la petite anecdote, dis-toi qu’à cause d’une erreur de géolocalisation au moment de sa création, du fait de son emplacement à proximité de la rue Adolphe Seyboth, l’Atelier – situé au final rue du Bain aux Plantes – a failli s’appeler « Seyboth / C’est beau ». Oui, car les jeux de mots, c’est aussi la marque de fabrique de certains membres de l’Atelier. Après quelques tasses de thé, et une réflexion sur les noms de rues de Strasbourg (rue des Trois Gâteaux, rue du Poumon, rue des Cheveux), les languent se délient : « ça aurait pu être rue du Rectum*…L’Atelier du Rectum ! » (*non, ne te fatigue pas à la chercher sur Google Maps).
Sur la même lancée, ça commence à blaguer sur des potentiels noms de prochaines expos. L’Atelier regorgeant de gourmands, les buffets végé bien garnis de leurs vernissages sont une bonne excuse pour s’aventurer dans leur univers (à bon entendeur). On sent donc la fin de l’interview quand, à la volée, entre deux éclats de rires et de réflexions autour des cakes, émerge un « Bouffi contre les vampires ». Hannah Lafargue conclue d’ailleurs que c’est « clairement l’atelier des jeux de mots pourris ».
Alors pour découvrir les artistes pleins d’humour, et surtout de talent, qui se cachent derrière l’Atelier du Bain aux Plantes, tu peux aller par ici :
> Site de l’Atelier <
> Page Facebook de l’Atelier <
Mais comme l’art se vit en vrai, lâche ton feed, et pousse les portes de la cabane au fond du jardin !
L’ATELIER DU BAIN AUX PLANTES
Où ?
8, rue du Bain aux Plantes, Strasbourg
Quand ?
Ouverture tous les premiers week-ends du mois, entre 14h et 18h, lors des expos, et si tu loupes les rendez-vous mensuels : toque ! Si tu montres patte blanche, quelqu’un.e t’ouvrira peut-être.
>> Fanny SORIANO <<
Bonjour Pokaa !
Malheureusement quand on clique sur le nom de Chihiro Shiomi on tombe sur le tumblr de Daisy Gand.
Y aurait moyen d’arranger ça ? J’aurais bien aimé voir ce qu’elle fait !
Merci ! 🙂