Situé au 18 quai Saint-Nicolas depuis septembre dernier, le collège alternatif privé Les Pinsons se distingue facilement des établissements dits « traditionnels ». Si d’un côté, le programme suit majoritairement celui de l’Éducation nationale, les devoirs et les notes ont quant à eux laissé place à l’apprentissage de l’estime de soi. À l’heure où l’éducation des citoyens de demain doit faire l’objet de plusieurs réformes, on a rencontré ceux qui ont décidé de changer de système.
Elle est professeure de lettres certifiée, il est ingénieur diplômé en gestion d’entreprise. Amandine Urso et François Peroz se sont lancés depuis quelques mois dans un pari un peu fou : celui d’ouvrir un établissement scolaire « atypique » à Strasbourg. Ce qui n’était qu’un projet au départ s’est concrétisé le 6 septembre dernier, date de la rentrée scolaire.
L’enseignement alternatif, qu’est-ce que c’est exactement ?
Comme bon nombre d’établissements, le collège Les Pinsons se base sur des aspects de la pédagogie Montessori, utilisée notamment dans la politique éducative finlandaise et qui repose essentiellement sur une éducation sensorielle de l’enfant. En France, on compte en 2017 environ 200 établissements, dont 110 reconnus par l’Association Montessori de France. Ici, pas de notes ni de devoirs, mais le souhait de rendre responsables et autonomes les élèves, et faire de leurs différences une force. Les matières sont réparties au sein de thèmes et de projets, où des activités ludiques sont proposées. Cette organisation permet aux 13 élèves d’appréhender les matières classiques, comme le français, les maths, les sciences et les langues à travers l’étude de l’architecture, d’Harry Potter, de l’art dramatique ou encore de l’histoire – mouvementée – de notre région. Bref, on est loin des codes habituels d’une salle de classe traditionnelle. La finalité est quant à elle simple : soutenir les élèves, réduire le stress et encourager la créativité. L’évaluation de l’élève existe néanmoins, mais elle ne s’exprime pas par des chiffres sur une copie, mais par la validation de compétences.
« Certains élèves ne s’adaptent pas au fonctionnement classique d’une salle de classe. »
Si Amandine et François partageaient le souhait de changer de métier, la genèse du projet était essentiellement un constat personnel. En tant qu’ancienne professeure dans un collège classique et mère d’un jeune garçon qui a souffert dans sa scolarité, Amandine a eu l’occasion de se rendre compte que les élèves « atypiques » étaient moins réceptifs au système de l’Éducation nationale. Qu’ils soient intellectuellement précoces, hyperactifs, dyslexiques, porteurs de handicaps ou victimes d’un harcèlement scolaire, ces jeunes nécessitent un accompagnement structuré. Si des aides existent depuis plusieurs années, notamment par le biais d’auxiliaires de vie scolaire, les méthodes alternatives d’enseignement font petit à petit leurs preuves sur la scène éducative.
« La journée débute à 9h, par une séance de yoga, de méditation ou un moment de lecture. »
Sur place, l’ambiance est détendue et les élèves arrivent calmement. Autre force de l’établissement, les repas sont pris en commun dans le restaurant universitaire qui se trouve juste à côté. Des sorties sont également organisées en Alsace, les élèves découvrent les professionnels qui participent au dynamisme de la région. À partir de cette exploration, c’est l’orientation des collégiens qui est ici mise en avant, comme dans des établissements plus classiques.
Changer le système, mais à quel prix ?
Preuve d’un système traditionnel qui peine à évoluer en France, l’ouverture et le fonctionnement de ces établissements se basent également sur le modèle finlandais. Un bon exemple à suivre quand on sait que notre pays est 26e du classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), et que la Finlande est quant à elle première des nations européennes, 5e du classement, et qu’elle privilégie aujourd’hui le bonheur et le bien-être des étudiants. Les enseignants sont également bien payés, le métier est valorisé et la voie pour y accéder et très sélective. Les professeurs ont une grande autonomie dans la pédagogie. Rien à voir donc avec notre système, où un français sur deux considère que les professeurs sont « mal payés ». (sondage Odoxa/Dentsu Consulting pour Le Figaro et France Info). Ce sondage est aujourd’hui le résultat d’une Éducation nationale qui peine à avancer, notamment sur des questions de fond liées à l’éducation, à l’apprentissage ou encore à une forme d’abandon ressentie par les enseignants.
Cependant, plusieurs voix se font fait entendre pour tenter d’intégrer à l’ADN de l’Éducation nationale un vent de modernité. Dernière en date, l’avis favorable donné par notre ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, sur la proposition de débuter les cours au lycée, à 9h. De même, en territoire strasbourgeois, les choses évoluent vers la bonne voie depuis quelques années. Outre l’ouverture de plusieurs établissements alternatifs, d’autres solutions ont été pensées pour moderniser les techniques pédagogiques. On notera notamment l’initiative du collège Erasme à Hautepierre, situé dans un quartier d’éducation prioritaire, où une nouvelle organisation de certaines salles de classe a été mis en place. De nouvelles chaises sur roulettes avec tablettes intégrées ont notamment remplacé les tables fixes, permettant aux élèves de se déplacer plus facilement au sein de la salle, notamment pour des travaux de groupe.
« Le prix reste malheureusement la bête noire. »
En effet, malgré le fait que ces collégiens suivent le même programme que les 12 millions d’élèves français, le collège reste hors contrat. Comme nous le confis Amandine, l’établissement ne reçoit pas de subventions publiques, ni de prise en charge des frais de fonctionnement comme c’est le cas pour les établissements privés sous contrat. Ils ont une gestion totalement autonome et peuvent embaucher qui ils souhaitent en guise d’enseignant. Pour les Pinsons, chaque élève coûte environ 7000€ par an à l’établissement. De leur côté, les parents payent en moyenne entre 450 et 850€ chaque mois, malgré l’existence de certaines réductions d’impôts. Le coût reste donc très élevé et malheureusement peu accessible...
Malgré cette grosse limite financière, de plus en plus d’établissements alternatifs de ce type ouvrent en France. En 2017, 73 000 élèves français n’étaient pas dans la voie classique de l’Éducation nationale. De plus, le modèle finlandais est très peu remis en question. Sa 5e place, est uniquement dû aux pays asiatiques, qui raflent les premières places. Un véritable paradoxe quand on sait que le Japon, 2e du classement Pisa, est aussi le pays où les élèves vivent le plus mal leur scolarité.
Au final, il sera intéressant de voir comment le fonctionnement de ces structures alternatives s’intégreront dans celui de l’Éducation nationale : quand on voit ces élèves « atypiques », on ne peut qu’espérer que l’Éducation nationale développe des outils pour faciliter leur intégration, et réduire les inégalités. Personnellement, je vous invite vivement à lire et/ou voir le film-documentaire Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent pour mieux appréhender le modèle finlandais, mais également dans le même genre, l’œuvre Le maître est l’enfant, où le réalisateur Alexandre Mourot a suivis pendant un an une classe de 28 enfants de 3 à 6 ans, dans la plus ancienne école Montessori de France, l’école Jeanne d’Arc à Roubaix.
Alors à vos crayons, et prenez des notes !
Le collège alternatif Les Pinsons
18 quai Saint Nicolas – Strasbourg
Portes ouvertes : le 30 mars de 10h à 13h
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