Pour ce premier article de la série “La soirée type”, penchons nous ensemble sur le délit-cas de l’oiseau endurant.
L’oiseau endurant est porté par une énergie de la nature (ou pas) que tous ses proches peinent à expliquer. Souvent, il est au chômage, ou à la fac mais il dit qu’il s’est « rendu compte que c’était pas ce qu’il voulait faire ». Toujours est-il que du coup, il pionce toute la journée, et quand vient l’heure du week-end et de l’apéro, il est complètement chaud, boosté à bloc, prêt à en découdre et résolu à poncer ses APL dans tous les shots qui lui passeront sous le nez cette nuit. L’endurant est la plupart du temps généreux, il donne plus qu’il possède, tant sur le plan financier qu’humain. Il est drôle, a beaucoup d’amis et aime en prendre soin. Quand ils veulent faire la fête, c’est lui qu’ils appellent, et en général ils ne le regrettent pas (sauf le lundi matin). L’oiseau dont je vous parle est un bon vivant, épicurien, puissant. Il ne recule devant aucun verre, aucun bar ni aucun after. Il trône pas loin du sommet de la pyramide de la teuf, il est fédérateur, un peu taré, et son goût pour les festivités est extrêmement contagieux. Pour que tu puisses te faire une idée, cher lecteur, voici le genre de soirée type que pourrait passer l’oiseau endurant.
16 h – Le réveil de la force
Haleine hardcore, odeur de mort qui s’échappe du calbut et organisation capillaire frôlant l’indécence. Qu’à cela ne tienne : l’endurant sort de 12h de coma, petite douche des familles, rasage de prêt, déodorant 96h anti transpirant, petit coup de peigne, deux crocs dans un sandwich triangle de la veille et notre ami est fin prêt pour l’apéro. Il enfile ses plus belles plumes, envoie quelques messages de ralliement à sa meute et se dirige vers son pub favori.
17h – L’apéro, « les fondations »
C’est là que tout se joue, là que l’endurant pose les bases d’une potentielle soirée réussie. Il faut la jouer stratégique, pas de place pour l’improvisation. Il faut veiller à assez boire pour lancer la machine, mais pas trop non plus pour ne pas s’handicaper pour la suite. La bière est une bonne entrée en matière, pourvu qu’elle soit forte, tout est dans la bonne gestion du ratio « ventre gonflé-ébriété ». Ainsi, l’endurant commence sa croisière nocturne au Grincheux. Une bonne vingtaine de bières pressions, autant en bouteilles, un grand fumoir, et une carte éternelle de bons rhums et scotchs, idéal pour passer aux choses sérieuses et lancer les hostilités.
18H30 – L’apéro, « round 2 »
Non, cet oiseau là ne fait pas qu’un seul apéro. Il n’est pas endurant pour rien, et si sa soirée dure le double de temps que la tienne, son apéro aussi ! Deux pintes de triple belge et deux écossais ont déjà rejoint le foi de notre camarade durant son encrage au Grincheux. Frissonnant de motivation, lui et sa troupe font route vers la place d’Austerlitz et son bar à gin Supertonic. Une carte bien garnie qu’il ne prendra pas la peine de lire, qu’on lui donne le moins cher, et le plus fort !
21h : Le be-fort
Économie et taille de la meute oblige, l’endurant et sa bande se décalent dans un appart, celui de la meuf du voisin d’un mec qu’ils connaissent et qui est partie en vacances, voilà qui tombe à pic. L’endurant commence doucement à s’échauffer les chevilles. Il gère la musique, balance quelques vannes efficaces auxquelles lui aussi se marre, une clope dans une main, une bouteille de mauvais bourbon dans l’autre. Sur les coups de 22 h, notre oiseau s’accorde en général un en-cas, son unique repas du jour et le dernier avant longtemps, encore une fois, tout n’est que stratégie, il s’agit là d’éponger l’alcool, et de prendre des forces pour la suite. Ça tombe bien, le “Kebab House“, rue des bateliers est ouvert jusqu’à 00h30. Broches maison, viandes savoureuses et beaucoup d’amour on fait le succès de l’établissement depuis plus de deux ans.
Le ventre plein, notre marathonien de la teuf peut commencer sa nuit alors que quelques uns de sa bande rejoignent déjà leurs pieux.
23h – La tournée du patron
Comme une hirondelle au printemps, l’endurant va virevolter de bars en bars dans le quartier vivant de la Krutenau. Petit tour dans le caveau du Fat pour groover au rythme d’un hip-hop qualitatif, deux trois pas de danse histoire de montrer qu’il est dans la place, le tour est joué, le gin to est tombé, direction le Molly Malone’s. L’irish pub chaleureux transportera notre sujet directement dans l’esprit du célèbre quartier Temple Bar de Dublin. Petite Guiness pour tasser le tout, passage aux toilettes pour une vidange complète, – comprenez solide et liquide – car le kebab toque à la porte.
Voilà la seule erreur notoire de notre oiseau cette nuit : pas de harissa dans le grec de 22h
01h00 – “On arrête pas un peuple qui danse”
Il se dirige ensuite, au trot, vers Le Rafiot, car l’heure est à l’électro. La péniche la plus célèbre des nuits strasbourgeoise lui servira, comme à son habitude, les sonorités house et techno qui feront de notre endurant un être heureux pour une bonne partie de la nuit. Il se déhanche énergiquement devant le dj booth, il ne sait pas vraiment danser mais à cette heure, et surtout dans son esprit, il est persuadé d’être excellent. Parfois, il essaie de checker le dj, mais ce dernier ne le considère pas, peu importe, son excès de confiance sera vite camouflé en pas de danse. L’endurant paie ses tournées au bar de la péniche. Plus il est ivre, plus il est riche, plus il est riche, plus il est con.
04h – On arrête pas un peuple qui danse fait des trucs chelou avec son corps
Les survivants sont rares, la fatigue et l’alcool ont décimé son armée, mais lui sent comme un regain d’énergie. Il prend son courage à deux pieds, enfourche son vélo et fonce cheveux aux vents vers le KALT. Le club techno de la rue La Fayette envoie du steak tous les samedis jusqu’à 6 h du matin, et l’endurant adore y prendre un petit vodka-mate en guise de petit déjeuner. Il paie sans sourciller les 15 euros qu’on lui demande à l’entrée, et fonce démonter le floor à coup de talon. Il saute presque, le colibri s’est transformé en aigle, voir en dindon, en aiglon disons. Il transpire beaucoup, son déo affichait pourtant 96h, étrange ! L’endurant continue de s’en coller une bonne dernières les oreilles, ce moment de la nuit qui sent la fin pour certains n’est qu’une simple étape pour lui.
6h30 – L’aphte – heure
Le soleil se lève sur Strasbourg et notre bel oiseau, du moins ce qu’il en reste, est sorti du Kalt en sautillant, le front luisant, en oubliant bien entendu ses effets personnels aux vestiaires. C’est le moment clé de sa soirée. Tel un sniper, espion, détective, il laisse traîner une oreille dans chaque groupe qui s’est formé sur le parking en face du club. En parallèle, il envoie des sms, des messages instagram, des snaps et use à outrance de Messenger pour sélectionner l’heureux élu duquel il acceptera l’invitation pour ce moment précieux. Quelques minutes plus tard, l’oiseau a fait son choix, un appartement bondé de monde, plongé dans le noir pour faire semblant qu’il fait encore nuit. Un DJ booth a été installé, une techno sombre s’échappe des enceintes et pleins de mecs et de nanas au moins aussi endurants que le notre ont investit les quatre pièces de l’appartement. Il circule de pièce en pièce distribuant des punchlines incisives, entre deux passages sur le dancefloor qui témoignent d’une énergie encore présente. Il est 9h30 quand le déchu locataire des lieux annonce la fin de la sauterie. Dans le même temps, l’endurant pulvérise goutte par goutte les dernières bouteilles qui traînent un peu partout.
10 H – La déchet – hance.
Le majestueux hibou d’il y a 20 h ressemble dorénavant à un pigeon blessé de la place Kleber. S’il paie ses excès par son apparence, il n’en demeure pas moins déterminé à se terminer aux côtés des deux autres birds de son espèce qui quittent l’after avec lui. A cette heure ci, ils n’ont plus l’embarras du choix, le PMU du coin sera de mise, c’est eux contre le reste du monde, octogone sans règles, envoie le contrat ! L’endurant s’y délectera encore de deux ou trois poirés et d’un petit Picon. Et alors que ses deux compères d’un matin s’endorment sur la table, notre oiseau se résout à rentrer chez lui. Petit crochet par la boulangerie « Les mains dans la farine », sûrement l’une des meilleures de Strasbourg même si à cette heure ci il n’en a que faire. Un poulet curry, une Carola pour la forme et la conscience, un pétard de CBD (oui, l’endurant n’aime pas les produits qui ralentissent) et il plonge aussitôt dans les bras de mort-fée.
Il se réveillera lundi matin, environ 18 h plus tard. Il se dira à lui même « belle perf mon salaud » même s’il ne se rappelle plus de grand chose passé la sortie du Kalt. La semaine, l’endurant va faire ses courses à l’épicerie bio, lit des bouquins cool et fait du sport. Notre oiseau est comme tout le monde, il est juste….endurant !