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Après une semaine de polémique, la cathédrale de Strasbourg va retrouver ses lumières après 23h

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Après plusieurs jours d’extinction totale qui n’a pas manqué d’exalter les réactions de tout bord, Jeanne Barseghian a annoncé ce 20 octobre que la cathédrale de Strasbourg allait retrouver ses lumières. Retour sur les mécanismes d’une polémique comme notre ville aime en proposer de temps en temps.

Strasbourg retrouve son phare dans la nuit. Après avoir passé plusieurs jours entièrement plongée dans le noir, la cathédrale sera bientôt à nouveau illuminée comme avant. C’est ce qu’a déclaré Jeanne Barseghian ce 20 octobre, aux alentours de 12h30 sur tous ses réseaux sociaux.

La maire de Strasbourg a déploré une extinction totale, « ce qui ne devrait pas se produire », et met en avant un « incident technique », à régler au plus vite « pour rétablir l’illumination habituelle de la cathédrale, telle que définie depuis l’été 2022 » [c’est-à-dire une extinction de tous les monuments de la Ville dès 23h… sauf la cathédrale, ndlr].

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Des déclarations qui arrivent après une semaine de polémiques sur la question, qui a mobilisé des photographes, Acte Lumière [société en charge des illuminations, ndlr], une pétition citoyenne et tout le réseau de l’opposition, du PS à LR.

Une polémique bien strasbourgeoise comme on les aime, rappelant celles des illuminations d’été ou encore celle, ubuesque, de la liste des produits interdits pour le marché de Noël. Alors que la cathédrale retrouvera normalement bientôt ses lumières, petit retour sur l’anatomie et les mécanismes de cette polémique.

Strasbourg été illuminations spectacle cathédrale
La cathédrale en été. © Adrien Labit / Pokaa

Le point de départ : une photo

Le 15 octobre dernier, le photographe Olivier Hannauer, derrière La Chouette Photo, poste à 23h13 une photo sur son compte X : « 23h04 … d’une tristesse sans nom ». On y voit la rue Mercière éclairée de toutes ses lumières, qui baignent sur les terrasses et les pavés. Jusque là, un Strasbourg by night tout ce qu’il y a de plus banal.

Mais la photo dégage quelque chose de particulier. Au fond de l’image, c’est le noir complet : la cathédrale a complètement disparu dans l’ombre, n’étant plus éclairée. On a beau ne pas encore être à Halloween, le cauchemar des Strasbourgeois(es) se réalise : la cathédrale n’éclaire plus leurs nuits.

Un problème qui ne date pas d’hier selon le photographe, interrogé par France 3, remontant même à la mi-septembre. Selon lui, la Ville aurait alors évoqué un incident technique, la même justification avancée un mois plus tard par Jeanne Barseghian. Après le post de La Chouette Photo, les discussions se limitent d’abord aux réseaux sociaux, et fait le sel de différents groupes Facebook toujours prompts à relever ce qui ne va pas à Strasbourg.

Il en ressort surtout une grosse incompréhension, à la fois devant l’extinction du symbole numéro 1 de la Ville, mais aussi devant l’absence d’explication ou de communication de la part de la majorité, malheureusement un classique depuis l’arrivée au pouvoir de cette dernière. Puisque, la Ville n’avait jamais jusqu’alors annoncé que la cathédrale n’était plus exclue du dispositif de sobriété énergétique.

Emballement politique et symbolique, contre la majorité écologiste

Alors pourquoi cette affaire de la cathédrale plongée dans le noir a-t-elle mis plus d’un mois à se propager ? Parce que, à un moment donné, l’affaire quitte la sphère des réseaux pour arriver sur la place publique ; c’est là que l’opposition rentre en jeu. Des trois groupes d’opposition, c’est le PS et Pernelle Richardot qui tirent les premiers le 17 octobre. La conseillère municipale, anciennement chargée de cette thématique, déplore « un énorme gâchis… À l’image de beaucoup de chose défaite (par petit bout), année après année depuis 2020 ».

C’est à partir du 18 octobre que la polémique enfle davantage : très malin sur le coup, Pierre Jakubowicz publie une photo où l’on voit le centre administratif illuminé de vert, tandis que la cathédrale est plongée dans le noir. Le pouvoir symbolique est fort, le conseiller municipal demandant alors à Jeanne Barseghian de « revenir sur cette décision inutile ».

Pernelle Richardot embrayera le même soir, mettant en avant un coût économisé de « 4,8 euros TTC par soirée à la collectivité », soulignant de son point vue le ridicule d’une telle décision. Enfin, Jean-Philippe Vetter y va de son parallèle, mettant sur le même plan l’extinction de la cathédrale et le maintien de la publicité lumineuse de JC Decaux, deux problématiques d’ordre différents. Le conseiller municipal rappelle également avoir soulevé le problème dès le 30 septembre dernier, lors du conseil municipal.

Quoi qu’il en soit, là encore, ce qui compte, c’est l’aspect symbolique : les écologistes éteignent les lumières du phare de Strasbourg, comme une nouvelle preuve de l’extinction de l’attractivité de la ville. Une critique maintes et maintes fois brandie en étendard par l’opposition.

Emballement médiatique local et changement de versions municipal

Comme dans une machine bien réglée, après l’emballement politique, vient la couverture médiatique. En local, les DNA ont été les premiers à publier un article sur le sujet, le 17 octobre. Le média local revient sur le début de la polémique, reprenant les paroles notamment de Pernelle Richardot, et interroge Pierre Ozenne, adjoint à l’espace public. Ce dernier explique que la cathédrale s’éteint désormais entièrement à 23 h, comme les autres monuments de la Ville. Une décision politique forte, qui n’a jamais été annoncée publiquement par la municipalité.

pierre ozenne
© Ville de Strasbourg / Capture d'écran

Le 18 octobre, avant les nouvelles réactions des élu(e)s de l’opposition, c’est France Bleu Alsace qui publie son article. Là encore, Pierre Ozenne assume pour la Ville : extinction à 23h pour tous les bâtiments, dont désormais la cathédrale. Il assure également le possibilité de laisser la cathédrale allumée jusqu’à minuit deux mois en plus, en mai et en septembre. On s’éloigne donc de l’hypothèse de l’incident technique ; on est plutôt sur un choix politique réfléchi, néanmoins pris sans prévenir ni expliquer.

De son côté, France 3 publie son article le 19 octobre. Et comme son compère de France Bleu Alsace, il reprend les fameux 4,80 € TTC d’économie avancés par Pernelle Richardot. Un chiffre que ne nie pas la Ville dans l’article, expliquant plutôt une volonté d’exemplarité « au moment où des efforts de sobriété énergétique sont demandés à l’ensemble des citoyennes et citoyens ». À ce moment-là, elle déclare que « la mise en lumière de la flèche resterait effective toute la nuit, toute l’année », mais pas l’entièreté de la cathédrale. La version continue d’évoluer, jour après jour, et on se trouve davantage sur le chemin d’un rétropédalage.

Cathédrale rosace illuminations Noël
© Martin Savail / Pokaa

Dans les médias nationaux, la polémique ne prend pas… sauf à l’extrême droite

Enfin, contrairement à d’autres polémiques strasbourgeoises, celle-ci n’a pas vraiment percé la sphère nationale. Il y a seulement deux médias nationaux qui se sont emparés de l’affaire le 20 octobre, avec une particularité : ils sont tous deux d’extrême droite.

On y trouve d’abord le JDD détenu par Vincent Bolloré, avec comme rédacteur en chef Geoffroy Lejeune, journaliste d’extrême droite précédemment à Valeurs Actuelles. Reprenant presque mot pour mot l’article de France 3, l’article insiste sur les 4,80 € d’économies, signe que c’est l’angle d’attaque qui prend le plus. De manière très cocasse, le média utilise comme couverture une photo de l’église Saint-Paul, la confondant avec la cathédrale. Pour l’exactitude historique, on repassera.

Ensuite, c’est le média d’extrême-droite Frontières (ex Livre Noir) qui publie un article titré « Strasbourg : La cathédrale plongée dans le noir dès 23h pour des économies symboliques ». Là encore, la focale est sur l’aspect économique, même si contrairement au JDD, il ne met pas le montant de 4,80 € dans son titre. Et on en reste là pour cette polémique en national.

Une communication municipale mal maîtrisée

Même s’il y aura peut-être plusieurs soubresauts dans les jours à venir, les déclarations de Jeanne Barseghian de ce 20 octobre veulent clôturer la petite séquence politique qui vient de se dérouler. Mais après être revenus sur l’anatomie de cette polémique, il convient de se pencher sur les couacs communicationnels de la majorité, une habitude qu’elle avait pourtant réussi à réduire ces derniers temps.

Entre les déclarations de Pierre Ozenne aux DNA et à France Bleu, déclarant assumer une extinction à partir de 23h, même avec quelques ajustements, et celles de Jeanne Barseghian plaidant l’incident technique, le gouffre est important. Car entre un choix politique de faire preuve de plus de sobriété énergétique et un souci technique, donc dépolitisé, le message envoyé n’est pas le même.

Et comme l’on ressort de tout cet épisode sans explication claire ni en amont, ni pendant, ni après, le message, quel qu’il soit, n’est plus audible. L‘incident technique avancé donne alors plutôt l’impression d’un rétropédalage en règle face à la grogne, après avoir tenté de mener une politique du fait accompli.

Ainsi, parler d’incident technique est selon Jean-Philippe Vetter pour Jeanne Barseghian une « manière assez peu élégante [de fuir] ses propres responsabilités ». Dans un communiqué publié peu après l’annonce de la maire, le conseiller municipal d’opposition ne s’est pas laissé prier pour enfoncer la porte ouverte du micmac de la communication de la municipalité.

Touriste cathédrale
© David Levêque / Pokaa

Quant à la cathédrale, elle devrait prochainement retrouver toutes ses lumières, comme cela était prévu dans le plan de sobriété d’octobre 2022. Le retour d’un symbole pour les Strasbourgeois(es), et une petite polémique supplémentaire à rajouter dans notre Pokédex, dans une mandature décidément bien animée.

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