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Illkirch : rencontre avec un club alsacien qui développe le rugby féminin depuis 25 ans

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Parce que certains sports ne bénéficient pas d’une médiatisation suffisante, Pokaa continue sa série de portraits sur les sportives du territoire. Aujourd’hui, plongeons dans la mêlée avec la section féminine du CRIG (Club de rugby d’Illkirch-Graffenstaden), qui porte haut les couleurs du rugby féminin.

Malgré sa popularité au niveau national, le rugby demeure encore un sport confidentiel en Alsace. Chez les hommes, Strasbourg, Haguenau et le CRIG d’Illkirch se tirent la bourre en Fédérale 3, la sixième division française. Chez les femmes, la section féminine du CRIG est la locomotive du rugby féminin, elle évolue en Fédérale 1.

On vous a parlé des Miss [le nom de l’équipe, ndlr] en décembre dernier, lorsque celles-ci ont sorti leur traditionnel calendrier. Mais cette fois, on plonge avec Étienne Clément (entraîneur) et Lauréline L’Hotellier (joueuse et dirigeante), dans l’histoire d’un club qui porte haut les couleurs du rugby féminin alsacien, et qui se bat pour qu’il soit mieux (re)connu.

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La section féminine du CRIG : 25 ans d’histoire et de passion

Les féminines du CRIG sont issues de la fusion de trois clubs alsaciens : Mutzig, Illkirch et Sélestat [l’origine de leur nom d’équipe les MISS, ndlr]. L’équipe se crée progressivement grâce aux efforts de la Sélestadienne Richarde Munsch, et ses deux filles, Marie et Aline, mais aussi grâce à leur amie Julie. L’équipe remporte même le premier championnat alsacien de rugby féminin face à Saint-Louis et Thann, en 1999.

Le club a toujours vécu la présence des filles comme « normal », ce qui est assez agréable. Il y a des clubs où c’est plus difficile d’exister en tant que joueuses et en tant que femmes.
Lauréline L’Hotellier, vice-capitaine du CRIG Féminines

Selon Lauréline L’Hotellier, le choix d’Illkirch comme club principal a été une bonne chose : « Le club a toujours vécu la présence des filles comme « normal », ce qui est assez agréable. Il y a des clubs où c’est plus difficile d’exister en tant que joueuses et en tant que femmes. »

Cela a également permis de développer un autre rugby que celui pratiqué par les hommes : « Il fallait « créer un rugby pour les femmes », ne pas le calquer sur les hommes, mais trouver notre propre identité. Avoir un sport moins dans l’affrontement, avec des gestes techniques mieux appliqués, plus fluides et agréables à regarder. »

Être un moteur pour la discipline en Alsace

Au plus haut de son histoire, le CRIG a été jusqu’en deuxième division nationale. Un effort pas de tout repos pour Lauréline et ses coéquipières : « C’était compliqué, c’est pas le monde professionnel, on a toutes une vie à côté et il faut partir jouer à Bordeaux, Bayonne, Toulouse, Toulon… En faisant l’aller-retour dans le week-end. »

Néanmoins, ces épreuves ont permis à la vice-capitaine de forger des liens qui durent encore aujourd’hui : « C’était notre évidence à nous, on avait envie de jouer, les déplacements faisaient partie de la magie du rugby, il y a eu une complicité qui a formé l’équipe avec un grand E. Mes amies d’aujourd’hui sont celles avec qui j’ai commencé le rugby il y a presque 20 ans. »

Le CRIG a attaqué cette année avec une nouvelle saison en Fédérale 1, troisième division nationale. C’est encore la seule équipe alsacienne à ce niveau, où elle espère se maintenir une année supplémentaire. Elle est actuellement 6ème sur 8, et avec une seule équipe reléguée, l’espoir de continuer l’aventure dans cette division est grand.

Un résultat nécessaire pour accroître le développement du rugby féminin en Alsace. Car malgré les performances du CRIG, Étienne Clément le concède : « Le rugby est un sport à la marge dans le Grand Est. » En plus du club illkirchois, Thann-Mulhouse et les Cheminotes évoluent en Fédérale 2, soit la 4e division.

CRIG Féminines 3  (Passion Photo 67).jpg
© Passion Photo 67 / Document remis
J’aimerais croire que tout le monde tire dans le même sens, mais au moins nous sommes sur la bonne voie.
Étienne Clément, entraîneur du CRIG Féminines

Pour Lauréline L’Hotellier, il faut structurer les différents clubs : « Il faut que le CRIG soit locomotive du rugby féminin alsacien et que dans notre sillage suivent des clubs aux divisions inférieures. On doit valoriser cette discipline. On ne peut pas être autocentrée, il faut garder en tête qu’on existe grâce aux autres. Avoir un seul club sur l’Alsace c’est se tirer une balle dans le pied. ».

Une volonté de préparer le futur pour la vice-capitaine : « Il faut qu’on puisse exister aux yeux des petites filles pour qu’elles s’inscrivent et puissent nourrir les équipes séniors de demain ». Plus facile à dire qu’à faire selon l’entraîneur, qui déplore le départ de nombreuses jeunes.

On est tellement dans une niche qu’il faudrait s’entraider.
Étienne Clément, entraîneur des CRIG Féminines.

Néanmoins, l’atmosphère semble parfois tendue entre les clubs selon Étienne Clément : « J’aimerais croire que tout le monde tire dans le même sens, mais au moins nous sommes sur la bonne voie ; le seul fait qu’on ne puisse pas organiser un match amical ou un entraînement contre d’autres clubs alsaciens, ça montre que c’est difficile. On est tellement dans une niche qu’il faudrait s’entraider ».

Une médiatisation compliquée

Pour ne rien arranger, le rugby féminin souffre d’une médiatisation bien moindre par rapport à son homologue masculin. « Nous sommes coincées dans un système : jouer au rugby en Alsace c’est compliqué, et faire du rugby quand t’es une fille c’est encore moins facile et il faut faire valoir notre place », explique Lauréline L’Hotellier. Les joueuses de rugby souffrent également des idées reçues datant de l’âge de pierre : « On a du mal à recruter car il y a des préjugés et des a priori sur le rugby féminin ».

Résultat, les recrutements sont compliqués. Lauréline L’Hotellier développe : « Nos joueuses découvrent souvent le rugby quand elles s’octroient l’autorisation, donc souvent à la majorité. Et on n’apprend pas de la même manière à 18 ans, qu’à 9 ans. La culture du rugby n’existe pas chez les femmes, en tous cas en Alsace ».

Le rugby féminin a de l’intérêt, il faut juste mieux le mettre en avant.
Lauréline L’Hotellier, vice-capitaine du CRIG Féminines

Néanmoins, selon Étienne et Lauréline, les choses semblent aller doucement dans le bon sens : « Les mentalités évoluent, on le sent, même au niveau des instances, des arbitres et des bénévoles qui se féminisent. Illkirch est un club très mixte et ça fait du bien, parce que ça peut inspirer des jeunes filles à essayer ».

En outre, les récents exploits de l’équipe de France féminine [notamment 3e à la dernière Coupe du Monde en 2022, ndlr] sont encourageants : « Ça a aidé à la crédibilité du rugby féminin aux yeux du grand public, mais aussi aux yeux des amateurs de rugby. Le rugby féminin a de l’intérêt, il faut juste mieux le mettre en avant ».

Une ambiance chaleureuse

Surtout que l’ambiance du rugby, à Illkirch comme dans les autres clubs de la région, reste très chaleureuse. Dans le cas du CRIG Féminines, c’est une équipe qui accueille des personnalités extrêmement différentes : « On a des filles de 18 à 41 ans, certaines sont amies depuis une éternité, d’autres ne connaissaient presque pas le rugby… Maintenant faut réussir à articuler tout cela, que les nouvelles donnent un deuxième souffle aux anciennes, et que les anciennes accompagnent les plus jeunes ».

On est amoureuse de notre club, on emmène nos couleurs n’importe où.
Lauréline L'Hotellier, vice-capitaine du CRIG Féminines

Les niveaux sont donc forcément hétérogènes, ce qui ne gêne pas trop Étienne Clément et Lauréline L’Hotellier, qui préfèrent y voir une force : « Ça fait tout de même la richesse d’un club, dans la réalité du match, on a besoin de filles qui sont capables de donner des conseils, pour faire progresser les plus jeunes. Il y a une envie et un plaisir dans la transmission ».

Mais surtout, ce qui anime Lauréline L’Hotellier, c’est l’amour des couleurs : « C’est très dur, mais c’est une richesse sans nom. On est amoureuse de notre club, on emmène nos couleurs n’importe où ». Et les Miss du CRIG peuvent compter sur l’ambiance des supporters/trices au stade Schweitzer : « Lors du dernier match contre Bourgoin-Jallieu [remporté 19-18, ndlr], 200/300 personnes ont poussé les filles, le stade a bougé, c’était fou. Il y a une culture du supportérisme qui en train de naître. C’est hyper chaleureux ».

Si jamais cela vous tente de venir essayer le rugby, le CRIG accueille les débutantes et les nouvelles de 19h30 à 21h00 les mardis et jeudis, mais surtout sur les réseaux sociaux. Il y aura aussi le prochain match à domicile le 28 janvier contre Bron à 13h30, décisif pour le maintien.

Les Miss attendent leurs supporters/trices, surtout que le club avance dans la bonne direction selon Étienne Clément : « Il y a une bonne dynamique, un nouveau staff, ça va dans le bon sens. C’est juste que ça prend du temps ».

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