La tête dans les étoiles, les pieds sur Terre – mais surtout dans la montagne – et les cheveux au vent… Rencontre avec un « réalisateur/photographe naturaliste poétique » : Coco Kimenau, strasbourgeois d’adoption, et curieux par définition.
22h, veille de week-end. Pendant que les gens rejoignent leurs soirées ou se posent en terrasse, je me mets en route pour un vendredi soir des plus inhabituels. Je dois retrouver Coco Kimenau, place de la Rép, pour une interview qui m’emmènera plus loin que je ne l’aurais pensé. Après l’avoir cherché un temps du regard, je le repère, son objectif à la main, la tête dirigée vers le ciel. Ce soir, nous allons regarder les étoiles.
Tu veux voir ma Lune ?
Il m’entraîne quelques mètres plus loin, sur le parvis du TNS. Au milieu de la frénésie des noctambules circulant et attendant à l’arrêt de tram, il m’invite à lever les yeux : face à nous, une Lune, presque empalée sur la flèche de notre Cathédrale. L’heure était parfaite : 10 min plus tard, la belle continuait son chemin et l’axe n’était plus le bon. Ce n’est pas une surprise… Il connaît bien son affaire. Si l’Homme a marché sur la Lune, notre homme, lui, a depuis longtemps matché avec elle et s’en est amouraché.
A bientôt 25 ans, Coco nourrit une passion pour la photographie et la réalisation de documentaires sur l’astronomie, le ciel, et plus largement, la nature. Si l’espace revêt encore bien des mystères, et qu’il aime à se perdre dans son immensité, lui, y a trouvé, au fil des années, tout de même quelques repères.
Des étoiles à la Toile
Originaire de Dabo, « à la frontière avec l’Alsace, en Moselle, mais sur le massif vosgien », Coco est, dès son enfance, entouré par une nature foisonnante, avec la forêt, la montagne, à deux pas, et une pollution lumineuse au plus bas. Le champ libre pour se plonger dans le plafond céleste.
« Tu quittes les lumières du ciel pour celles de la ville », pose-t-il dans une de ses vidéos. Mais alors pourquoi quitter la forêt pour la ville quand on aime autant les grands espaces ? …A la question de ce qui l’a fait venir à Strasbourg, Coco me répond « le travail » : « un garçon qui est intéressé par raconter des histoires en vidéo et qui reste dans une montagne, c’est compliqué ». Une formation sur la vidéo en école d’art plus tard, il débarque en agence de com, et commence à se former sur le terrain. Une de ses réalisations : une vidéo promo pour Colmar qui remporte le 2ème prix de la meilleure réalisation audiovisuelle aux 16èmes Trophées de la Communication à Cannes. Pas mal pour un début.
L’espace d’un instant
Depuis, Coco alterne vidéo-profession et vidéo-passion et a lancé une chaîne YouTube, Nébuleuses et Cacao, où on retrouve ses réalisations pleines de poésie sur ses expéditions-explorations célestes. A côté, sa page Insta, qu’il alimente régulièrement, révèle des clichés généralement nocturnes, mais pourtant très lumineux, colorés. Des tableaux. Chez Coco, les ciels sont fauves, les nuits féroces. Les couleurs chaudes, dans le froid de la nuit, les neiges magiques. Et les regards captés d’une biche ou d’un renard témoignent d’une jolie sensibilité à la faune. De ses rencontres, il me raconte : « quand un animal te regarde parce que tu as juste marché sur une branche et que tu t’es fait gauler, t’as le cœur qui bat à mille à l’heure car tu sais que tu représentes le danger et que tu ne pourras plus le photographier. […] Tu arrives à saisir une intelligence qui émane du sauvage qui est bouleversante. »
Le Petit Prince venu du ciel
Le Petit Prince comme livre de référence, on s’étonne donc peu que Coco soit à la fois un grand émerveillé de la nature qu’il explore, et un humaniste. Aux aguets dans l’environnement qui l’entoure, et en prise avec des questionnements qui dépassent la simple technique, il n’est pas seulement un astro-photographe capable de faire de la rando à 3h du mat dans la neige. Un cœur de vieux sage, la curiosité d’un jeune fou, avec ses chaussettes de la Nasa aux pieds, il est le premier à vouloir faire partager sa passion, à chercher la rencontre avec l’autre.
Cette interview en est la preuve… Las de l’éclairage de la ville, départ sur un coup de tête à 1h du mat, direction la pampa en périphérie de Strasbourg. On se gare sur un petit chemin. Zéro light, si ce n’est celle du ciel. Et là, ça tchatche encore 3h. Deux grands bavards face à l’immensité du ciel, le cul sur le capot d’une voiture, au milieu d’un champ de maïs. Mon interview la plus loufoque jusque-là. Mais ce n’était pas qu’une simple interview. Cela tenait de l’entretien, de la rencontre. En le rejoignant place de la Rép, j’ignorais vraiment encore que j’allais, quelques heures plus tard, finir en chrysalide dans un sac de couchage à chercher les étoiles filantes du regard.
Seuls face au silence de la nuit, il m’évoque – dans une prose que je lui connaissais déjà, grâce à ses publications régulières – son « vertige de lucidité » : « Le seul mot trouvé pour décrire l’émotion que j’ai quand je suis couché, le ciel au-dessus, la voie lactée qui se profile, […] les planètes, [la vie potentielle, ailleurs], […] que c’est loin, que tu es une merde… Mais prendre le revers de ça, et se sentir méga-vivant. Ça peut faire peur mais j’aime faire partie de tout ça. »
Photo-sensible
Les yeux perdus dans la nuit, nous avons discuté lumière. La fausse, celle qui nuit à la nuit. Celle au mercure, au sodium. Les laides LED. Du dôme lumineux, orangé, qui surplombe Strasbourg, quand on l’observe depuis l’horizon alsacien. Puis, on a rêvé de la vraie lumière. Celle des étoiles. Du soleil. De son bonheur de « se lever tôt pour voir le monde se lever » : « De façon très candide, je considère que les 15 min de lever et de coucher de soleil sont plus bénéfiques que les 12h de soleil en journée. Pour moi. ».
Puis nous avons parlé des lucioles. Oui, les lucioles. Te rappelles-tu, lecteur, du temps où, enfant, tu cherchais peut-être avec tes grands-parents ou tes potes en colo, les lucioles ? Y as-tu repensé depuis tes 10 ans ?
Coco, en fouillant dans les trésors de son grenier, a retrouvé un de ses premiers films. Sur un vieux caméscope, une vidéo sombre, où l’on ne distingue qu’une faible lueur. Une luciole. Le tout jeune Coco, déjà en quête de lumière, et de nature. Dans les tréfonds de ses cartons de jouets d’enfant, on trouve aussi un microscope et une petite lunette. « Je n’y ai jamais vu grand chose ». Mais on avait là, déjà, les prémices d’une passion qui ne le quittera plus.
Mais dans ses cartons, Coco garde aussi plusieurs projets de réalisations. Des docus qui s’inscriront dans la lignée de celles déjà présentes sur sa chaîne Youtube. Une série appelée « Lettre ouverte à l’infini » (et soutenue par le CNC Talents : une aide aux talents émergeant du web… Belle perf !). Cela nous invitera à chercher les lucioles, éclairera notre chandelle sur la pollution lumineuse, convoquera la foudre… Alors, ne t’éloigne pas trop, lecteur… Avec des voyages au pays des aurores boréales, ou dans l’immensité du désert marocain sous l’un des plus beaux plafonds célestes que la Terre peut offrir : le plus magique reste à venir.
« Planter des petites graines »
Cette passion pour la nature, Coco la doit en grande partie à son grand-père paternel. Un homme fascinant, à ses yeux. Un ancien sculpteur sur cristal, « un artiste » et « un mec qui a passé sa vie dans la forêt [qui le] touche tellement par sa sensibilité à la nature ». Cette sensibilité, Coco a choisi, depuis, de la partager tant dans ses photos, ses réalisations, que lorsqu’il embarque avec lui son télescope pour se poser dans un parc.
Cet été, il a offert à quelques passants et curieux strasbourgeois, l’opportunité de capter la Lune et Saturne, entre deux trams, ou au détour de Rivétoile. Et quel beau spot, non, Rivétoile pour rêver des étoiles ?
De ses rencontres nocturnes, il en a tiré de jolis souvenirs, des conversations passionnantes ainsi qu’une vidéo.
Petit extrait d’une belle initiative :
Parce que Coco s’est donné cette mission : « sensibiliser au merveilleux ». Il me confie vouloir « qu’après [ses] films, il y ait une mise en mouvement [du spectateur] : [d’avoir] envie de faire ça, de [se] barrer dans la forêt pour faire une photo, d’aller dans la neige, regarder le ciel, juste d’être vivant, de [se] sentir vivant. De passer du virtuel au réel. »Que son amour pour la nature se transmette, de « planter des petites graines ».
Il y aurait encore tant à dire, mais je m’arrête là, vous laissant découvrir son univers… En 6h, je n’en ai effleuré que la surface. A vous donc de vous plonger dans ses vidéos, ses photos. Et si vous croisez sa route, au détour d’un parc, son télescope braqué vers l’infini et au-delà, arrêtez-vous, prêtez attention, et il sera le plus heureux des hommes. Et puis : ouvrez les yeux, levez la tête et cherchez les lucioles.
Pour suivre son travail : Nébuleuses et Cacao
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>>Fanny Soriano<<
Wahouuu !!!
MERCI pour cette découverte et ces étoiles plein les yeux !
Bravo reportage hyper intéressant bel artiste à découvrir
Est il ts les soirs place de la république ou près de la cathédrale ?