Pendant deux jours, des visites thématiques, des ateliers botaniques et des représentations de spectacle vivant feront vivre la riche histoire de ce « musée végétal ».
Mercredi, 16 heures. Sur un banc, deux jeunes retraitées regardent trois bambins jouer entre les bambous. Derrière eux, sur le bassin, une poule d’eau marche à la surface, au gré des nénuphars, tandis qu’un dessinateur dessine depuis le ponton. Au loin, le chant des grenouilles se mêle aux exclamations des visiteurs sortant de la serre tropicale, terrassés par sa chaleur qui ferait presque apprécier les 30 degrés moites de l’extérieur.
Sorti de terre en 1619, le Jardin botanique de Strasbourg a connu un déménagement, la Terreur durant la Révolution française et plusieurs guerres. Les strasbourgeois y ont enterré leurs morts, mais aussi des trésors (dont de nombreuses statues de la Cathédrale !). Ils s’y posent aujourd’hui à l’ombre de 6.000 espèces de plantes, qui font par ailleurs l’objet d’études scientifiques. Zoom sur cette pépite universitaire à l’occasion de son 400ème anniversaire.
Avant le campus impérial, un lopin quartier Krutenau
L’histoire commence en 1619. L’académie de Strasbourg, qui existe depuis 1566 (et deviendra une université en 1621), cherche un lieu en ville pour y installer un jardin botanique, notamment dans le but d’y faire pousser des plantes médicinales. Au terme de négociations entre le Sénat et le couvent Saint-Nicolas aux Ondes, ce dernier accepte de rétrocéder une partie du cimetière de la Krutenau à cet effet. Le Jardin botanique de Strasbourg naît ainsi, à l’endroit de l’actuelle Haute école des arts du Rhin (ex-Arts décoratifs). C’est le deuxième en France après celui de Montpellier, créé en 1598. Au fil du temps, plusieurs serres sont construites afin d’accroître la diversité des plantes que l’on peut y étudier. Géré par les professeurs de la faculté de médecine, le Jardin compte déjà 1.600 espèces végétales lors de son premier inventaire en 1670.
Ce premier Jardin botanique strasbourgeois, installé à la Krutenau, traversera le temps sans trop d’encombres jusqu’au XXème siècle. Après la Révolution française, de nombreux jardins sont démantelés, leurs collections de plantes exotiques étant jugées trop aristocratiques par le peuple. Le directeur du Jardin botanique de l’époque, Jean Hermann, lui sacrifie toute sa fortune pour le sauver. Il sauve aussi de la destruction de nombreuses statues de la Cathédrale de Strasbourg en les enterrant dans le Jardin durant la Terreur. Aujourd’hui, on trouve au Musée zoologique une reproduction de son cabinet d’histoire naturelle ; sa reproduction de cire y est encore assise, étudiant quelques curiosités… Mais arrive le siège de la ville de Strasbourg, pendant la guerre franco-prussienne de 1870.
Un jardin de taille pour l’université wilhelmienne
La ville étant assiégée, les strasbourgeois n’ont plus accès aux cimetières situés en périphérie. Le Jardin botanique est réquisitionné pour redevenir un lieu de sépulture. Les corps ont depuis été exhumés, à l’exception des dépouilles non-identifiées qui ont été placées sous le monument aux morts de 1874, visible dans le jardin de la HEAR.
À l’issue du conflit en 1871, l’Allemagne impériale annexe l’Alsace et la Moselle. L’empereur Guillaume Ier ayant pour ambition de faire de Strasbourg la vitrine scientifique et culturelle de l’Allemagne, il entreprend la construction du campus wilhelmien. Les travaux sont titanesques : sortent de terre le Palais universitaire, dit Palais U, les bâtiments de la faculté des sciences, mais aussi l’Observatoire et le Musée Zoologique. À cette occasion, le nouveau Jardin botanique est créé à son emplacement actuel, sur le site des anciens remparts de la ville. Sous la direction du botaniste Anton de Bary, des serres monumentales y sont construites et inaugurées en 1884. Toutes ont été détruites en 1963, trop abîmées par un épisode de grêle, à l’exception de la serre dodécagonale, dite « la serre de Bary ». Classée, elle est en cours de réhabilitation.
Au cœur du futur Pôle Science
Aujourd’hui, le Jardin botanique a la même superficie qu’à sa création mais abrite plus de 6.000 espèces de plantes. Les serres disparues ont fait place à un Institut de botanique d’architecture plus moderne (du moins à sa création), ainsi qu’à une serre froide et une serre chaude construits entre 1964 et 1967. En plus de sensibiliser le public à la biodiversité, le jardin a deux grandes missions universitaires : enseigner la biologie végétale et collaborer à la recherche botanique. Ses plantes, dont l’origine et le développement sont précisément connus, présentent un avantage considérable pour le travail scientifique.
Une expertise au long court que vient féliciter tout un weekend de portes ouvertes, à l’occasion des 400 ans du Jardin botanique. Au programme, une exposition grand public pour retracer la riche histoire de ce lieu strasbourgeois, composée d’images d’archives et d’objets de collection, mais aussi des visites thématiques, des ateliers végétaux et des représentations de musique, de danse et de théâtre. L’occasion de découvrir, aussi, le projet qui unit le Jardin à ses voisins dans le cadre de l’Opération campus. Sous quelques années, il formera avec l’Observatoire, le Musée Zoologique et le Musée de Minéralogie de Strasbourg le Pôle Science, une vitrine scientifique pour l’université, qui a imaginé un planétarium d’envergure pour lui donner corps… Avis aux strasbourgeois mordus de botanique, ou simplement amateurs d’espaces verts, l’événement s’offre comme une belle promenade dominicale.
Les 400 ans du Jardin botanique de Strasbourg
Portes ouvertes les 8 et 9 juin de 10h à 19h (programme détaillé ICI)