Depuis plus d’un mois, des demandeurs d’asile qui viennent principalement d’Europe de l’Est vivent dans un campement de fortune au Neuhof. Le 30 mai, ils sont environ 90 dont une quarantaine d’enfants. Grâce à une mobilisation citoyenne importante, les habitants et habitantes du campement peuvent manger, boire et s’habiller. Les services de la ville de Strasbourg n’ont pour le moment pas installé d’accès à l’eau potable, malgré une situation sanitaire qui se dégrade. Pour eux, c’est l’État qui devrait mettre les moyens pour héberger ces personnes.
Nous sommes juste à côté du dépôt CTS de la Kibitzenau, à la frontière entre le sud de Neudorf et le Neuhof. Le campement des Canonniers se situe là, sur un terrain vague, entre les rails du tram, la route et des barres d’immeubles. 90 demandeurs d’asiles dont 40 enfants y vivent dans leurs tentes. La plupart viennent d’Albanie, de Macédoine, de Serbie, de Roumanie… C’est ce qui fait la particularité de Strasbourg : beaucoup de personnes viennent d’Europe de l’Est.
J’arrive aux alentours de 15h et en même temps que moi, Marianne débarque avec deux packs d’eau. Elle aide les réfugiés du quartier depuis 3 ans (parce qu’il y avait d’autres camps dans les environs avant).
Alen, un Macédonien de 24 ans, l’accueille avec enthousiasme :
« Heureusement que les gens nous aident autant ! Tous les jours on nous apporte à boire, à manger, des jouets pour les enfants, des habits, des couvertures et même des tentes. Ce sont des personnes qui viennent comme ça, souvent des voisins ! Le restaurant turc d’à côté nous donne accès à de l’eau chaude. Il y a aussi des collectifs et des associations, comme D’ailleurs nous sommes d’ici, La Carriole, ou encore Carijou qui s’investissent beaucoup pour nous. »
Pour la ville, c’est à l’État d’agir
Si les citoyens se mobilisent autant pour ces réfugiés, c’est surtout parce que les autorités ne le font pas. Florian, du collectif D’ailleurs nous sommes d’ici, a un regard très critique de la gestion de cette situation par la commune :
« On leur demande d’installer des toilettes et de leur donner l’accès à l’eau, mais ils nous répondent que ça va créer un appel d’air, que les camps vont se pérenniser et que ça va attirer du monde. Ils préfèrent donc laisser ces personnes dans des conditions parfois très difficiles… Ils ne se rendent pas compte des dommages qu’ils font… »
Par téléphone, Marie-Dominique Dreyssé, adjointe au maire, explique que la responsabilité vient à l’Etat : « Il ne devrait pas il y avoir de personnes dehors, et ça, c’est de la compétence du gouvernement et pas celle des municipalités ! Concrètement, le mieux pour nous, ça n’est pas de pérenniser un camp mais au contraire de le démanteler en trouvant des solutions d’hébergement et c’est ce qui s’est déjà passé à plusieurs reprises. Qui gère ça et qui paye ces places d’hébergement ? C’est l’État, et nous on pousse pour qu’il le fasse ! »
« En attendant, la situation est là, il y a des camps, et rien n’empêcherait la ville de faire en sorte que les conditions de vie y soient meilleures ! Si nous ne faisions rien, personne ne le ferait ? Il faut bien que ces personnes boivent et mangent ! » s’exclame Alex, également du collectif D’ailleurs nous sommes d’ici…
Aux alentours du 20 mai, la ville a fourni des toilettes sèches. Une seule cabine, après négociations, pour 90 personnes. Mais toujours pas d’accès à l’eau… « 40 enfants, dont certains sont en bas-âge, parfois malades, des femmes enceintes, des familles, vivent sans eau potable, à Strasbourg, dans la capitale européenne, parce qu’il ne faut pas créer “d’appel d’air” », s’insurge Florian.
Une détresse psychologique
La discussion suit son cours et Alen a le regard plus grave désormais. Il explique que beaucoup de personnes ont des problèmes psychologiques à cause de cette situation. Il hésite un peu avant de m’annoncer que lui aussi, souffre de dépression. Lui et sa femme, Elisabeth, sont venus de Macédoine avec leurs trois enfants. Ils sont Roms, et donc très discriminés dans beaucoup de pays d’Europe de l’Est. Ils n’avaient pas le choix de venir :
“En Macédoine, depuis que le nouveau gouvernement est passé, nous, les Roms, ne sommes plus considérés comme des êtres humains. Nous n’avons plus le droit à l’assurance maladie, plus le droit de travailler, il y a des endroits où nous ne pouvons pas aller, et c’est la même chose dans pleins de pays là-bas. Nous voulons simplement être libres, pouvoir travailler, mettre nos enfants à l’école pour leur assurer une vie. C’est pour ça que nous avons fait une demande d’asile en France.”
En attendant, ces enfants passent leur temps-là, sur ce camp. Amar, son fils, est malade. Il tousse beaucoup et il n’a pas pu voir de médecin. Kemal, son autre fils, souffre d’un strabisme sévère qui altère beaucoup sa vue. Il aurait eu besoin d’un traitement mais en Macédoine, il n’a pas été pris en charge à cause de ses origines roms. Mélanie, son unique fille, n’a rien “grâce à dieu”.
Tout à coup, Mehdin qui écoutait la conversation court vers la route pour arrêter un enfant qui était sur le point de se faire écraser. Alen explique qu’il a déjà sauvé la vie de son fils Kemal in extremis à deux reprises comme ça. C’est leur quotidien.
Un rêve : vivre normalement
Toutes ces personnes attendent des papiers pour pouvoir vivre normalement. Elles ont fui leur pays, parce qu’elles ne pouvaient pas y construire leur vie, ou parce qu’elles y étaient en danger. Ici, elles demandent l’asile dans le but d’obtenir le statut de réfugié. Mais les procédures sont longues et sévères, et ces personnes doivent prouver que leur demande est justifiée, notamment selon le pays dont ils viennent. Certains sont exclus d’office à cause de cela.
Alex explique que malheureusement, les demandes d’asile de ces familles ont très peu de chances d’être acceptées : “Pour les personnes qui viennent d’Europe de l’Est, seul 10% reçoivent une réponse positive. La France considère que des pays comme la Macédoine, l’Albanie ou la Serbie sont sûrs et que leur demande n’est pas justifiée. Mais ces gens ne peuvent pas construire leur vie là-bas.”
En 2018, sur 122 743 demandes d’asiles, 33 380 ont été attribuées, soit 27% de réponses positives. Pour les 73% restants, c’est une procédure d’expulsion qui commence. En attendant la réponse, en théorie, des solutions d’hébergements doivent être trouvées par l’OFII (L’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) mais la plupart du temps, dans les faits, ces personnes sont livrées à elles même.
C’est la situation de la plupart des habitants du camp des Canonniers. Pour Alex, tant que l’État ne changera pas sa politique en matière d’accueil, vu les flux migratoires pronostiqués, la situation ne pourra pas s’améliorer, bien au contraire.
>> Thibault Vetter <<
Les Français me font rire… D’abord – Roumanie est un pays de l’UE! Ils n’ont pas besoin d’asile! Après – ces gens, ils vous racontes des histoires sur leurs vies et vous croyez comme des enfants… Vous vous demandez pourquoi ils n’ont pas droit á la sécurité sociale de leurs pays? Probablement parce-qu’ils n’ont jamais travaillé et donc jamais cotisé. Pourquoi le petit ne peut pas se faire operer? Probablement parce-que ce traitement n’est pas remboursé dans son pays mais ses parents ne trouvent pas normale de payer de leurs poche. Pour ceux qui passent à coté de ce camps tous les jours – vous croyez une minute qu’à l’avenir ils vont apprendre la langue? Travailler tous les jours? Payer des impôts? Vous croyez une minute qu’un homme qui fait vivre cette situation a sa femme et ses enfants – il est capable de ‘reconstruire’ sa vie?!!! Ils sont vraiment venus uniquement parce-que la Françe a ce système sociale formidable qui attire… J’ai vu ce camps se construire: une tante d’abord, puis deux au bout de deux semaines. Pourtant le bivouac est interdit en ville! Pourquoi la police n’a pas réagi a ce moment? Et je vous écrit tous ca parce-que je suis une étrangère, venue en France il y a 18 ans. Sans permis de séjour ni de travail. Mais, mes premiers pas n’étaient pas á la CAF! J’ai trouvé des solutions, j’ai travaillé comme une malade, en trois mois j’ai parlé la langue et ma famille n’a jamais eu a vivre dans de telles conditions. Je connais beaucoup des étrangers et croyez moi – le français naif qui pense pouvoir sauver le monde – fait bien le grand sujet de leurs blagues.
Contrairement à ce que dit l’adjointe les communes en Alsace-Moselle doivent aussi assistance aux indigents selon une loi d’empire du Kaiser Guillaume II