Dans le cadre de la comédie touchante et optimiste, “Chamboultout” projetée en avant-première au cinéma l’UGC Ciné Cité Strasbourg, j’ai rencontré Eric Lavaine, réalisateur du film et Alexandra Lamy qui y tient le rôle principal. C’est dans le charmant hôtel de la Cour du Corbeau que le rendez-vous a été donné. Alexandra et Eric sont installés dans le petit salon, leur accueil est chaleureux et une bonne dose d’humour animera cette interview simple et pétillante à l’image des deux artistes.
Chamboultout, c’est une histoire de vie, une histoire d’amis, et de famille, d’amour, de déception, de pleurs, de rires, de tout. Lors d’une belle journée entre amis, Frédéric prend son scooter et se fait balayer dans un terrible accident. Après plusieurs mois de coma, il se réveille avec de gros troubles cognitifs, sans mémoire immédiate et aveugle. Quelques années plus tard, Béatrice sa femme, écrit un livre sur cette période difficile, sur le comment vivre un tel accident, sur les difficultés d’avancer malgré que la personne à ses côtés ne soit plus tout à fait la même. Sur le chamboulement. Mais ce livre en créera un second puisque réunis en vacances entre amis lors de la sortie du livre, certains s’y reconnaîtront, ou croiront s’y reconnaître, ce qui ne plaira pas à tout le monde. Un film touchant et drôle, qui nous rappelle nos tendances à ne nous concentrer que sur nous-mêmes, en oubliant parfois le plus important.
Qu’est-ce qui t’as inspiré le scénario de ce film?
Eric Lavaine: Ça m’a été inspiré par une amie qui a sorti un livre où elle parle de l’accident de son mari, elle raconte sa vie et c’est pas tant ce qu’il y avait dans le livre qui m’a marqué, mais les réactions de ses amis et de sa famille à la lecture de ce livre. C’est pour ça que le film s’appelle “Chamboultout”, car dans le film il y a eu deux grands chamboulements dans la vie d’Alexandra, le premier c’est l’accident de scooter de son mari et le deuxième c’est la sortie du livre. Elle pensait que ça allait bien se passer mais en fait ses amis vont se reconnaître dans le livre et au lieu de voir toute son histoire et le drame qu’elle vit, ils ne vont se regarder que le nombril. Ça parle d’une histoire vraie. Les personnages qu’on a mis dans le film sont des personnages de fiction, mais le couple, le fait de sortir un bouquin et que ça foute la merde dans un groupe d’amis, ça c’est autobiographique.
Alexandra Lamy : Puis ce sont des films qui ressemblent à Eric, en général il aime parler de la famille, des amis. Et c’est ça surement aussi qui l’a touché là-dedans, c’est la vision des autres. Ce qui est un peu la force d’Eric, et la raison pour laquelle j’adore son cinéma et évidemment travailler avec lui. Même si là c’est la première fois (rires), mais j’espère qu’il y en aura d’autres (rires).
Eric Lavaine : Tu es encore jeune, tu es encore tellement jeune (rires).
Alexandra Lamy : Je suis encore très jeune donc j’ai encore un peu le temps. Mais ce qu’il adore effectivement et moi c’est ce que j’adore chez lui, c’est la vie, les amis, la famille, c’est on s’engueule, on s’aime, on se déchire, on a des pépins. Et c’est pour ça aussi que je trouve ce film assez riche parce qu’il est à la fois drôle, à la fois touchant et moi je trouve que la vie c’est exactement ça : on rit, on pleure, on est avec ses amis, on se trahit, on ne pense qu’à soi. C’est ce que j’aime beaucoup dans son cinéma. Il démarre hein c’est un jeune réalisateur (rires).
Eric Lavaine : Même si il est âgé (rires).
Tu as pensé directement à Alexandra dans ce rôle?
Eric Lavaine : Très honnêtement, on avait déjà tourné deux films ensemble “Retour chez ma mère” et “L’embarras du choix”, et il se trouve qu’on a un autre film à venir qui est la suite de “Retour chez ma mère” et qui s’appelle “Un tour chez ma fille”. Josiane Balasko va s’installer chez Alex. On s’était dit, qu’on ne tournerait pas 4 films de suite ensemble, or l’année dernière je suis allé au festival de comédie de l’Alpes d’Huez et j’ai vu le film qu’elle a fait avec Franck Dubosc “Tout le monde debout”. Il y avait des professionnels du cinéma qui m’ont dit “Bah c’est bon tu prends Alex”. Tout ça semblait une évidence et du coup je lui ai fait lire le scénario et elle a accepté. C’est d’autant plus intéressant car chacun des rôles des différents films qu’on a fait sont très différents. Ce qui me plaît chez Alex c’est que c’est très facile d’être en empathie avec elle, car elle a quelque chose de vrai. Même dans sa beauté, c’est une beauté réelle et acceptable. Ce que je veux dire c’est qu’elle est belle mais qu’elle est vraie. Elle fait partie des filles qu’on peut rencontrer.
Alexandra Lamy : Et c’est bien ou c’est pas bien? (rires)
Eric Lavaine: Elle était parfaite pour ce rôle-là puis j’avais déjà l’idée de José Garcia pour jouer le rôle de ce type très brillant qui a eu cet accident. D’un seul coup, ce couple de cinéma qu’on avait jamais vu: Alexandra Lamy et José Garcia , semblait vrai. J’ai l’impression que lorsqu’on entend le terme “couple de cinéma”, on se dit tiens ce sont des choses qui n’existent pas, alors que là vraiment je sens qu’ils existent. Et comme j’essaye au maximum, même si ce sont des comédies, de rester ancré dans la vraie vie, de dire des choses, car sinon on aurait du mal à être ému ou à rentrer réellement dans l’histoire; je trouve qu’ici, ils sont très cohérents et très vrais. Je ne me dis pas que c’est fake ou fabriqué. Autre point, très égoïste de ma part, c’est que c’est super agréable de travailler avec Alex, on se comprend très facilement, puis sur un plateau de cinéma pour qu’il n’y ait pas d’ego surdimensionné, c’est généralement le premier rôle qui donne le la, et si on a quelqu’un de bonne humeur, qui arrive à l’heure, qui ne fait pas chier, d’un seul coup vous êtes obligés de vous mettre dans le mood même si ce n’est pas dans votre nature. C’est mon côté DRH qui parle, j’ai quelqu’un avec qui je sais que ça va dégouliner sur tout le plateau, tout le monde va être de bonne humeur et tout le monde va être bon. Moi ce que j’aime c’est qu’on travaille, c’est ce qu’on fait avant tout, et quand on travaille bien on peut s’amuser. Sachant que si il devait y avoir une ambiance atroce sur mon plateau et que le film soit meilleur, je préférerais l’ambiance atroce. Ce qui m’intéresse c’est le film qu’on fait. Les films que je fais qui sont des films de potes où il y a beaucoup de personnes, pour que chacun se donne à fond sur le film, il vaut mieux qu’il y ai une très, très bonne ambiance. Ça passe par plein de détails, on est tous logés à la même enseigne, on passe nos soirées ensemble, on passe beaucoup de temps ensemble.
Alexandra Lamy : On a qu’une chambre pour douze (rires).
Eric Lavaine : Ça c’est le rêve d’Alex ( rires). Du coup, ça fait 16 minutes que je répond et je ne me souviens plus de la question (rires).
C’était la première fois que vous tourniez avec José Garcia tous les deux?
Alexandra Lamy : Oui absolument.
Et comment s’est passé la collaboration?
Alexandra Lamy : Hyper bien. Ce qui était difficile pour José c’est qu’il avait un rôle très compliqué. Il s’est quand même beaucoup protégé. C’était assez drôle car comme on a crée un groupe de copains mais qu’on ne se connaissait pas tous, on était tous à l’hôtel et j’aime bien tourner en province parce qu’on se retrouvait le soir et du coup ça nous a aidé aussi encore plus pour créer cette amitié entre tous. José qui a été obligé d’être extrêmement concentré car il avait un rôle pas si évident, évitait de se joindre à nous pour ne pas se déconcentrer.
Eric Lavaine : José est un énorme fêtard, il peut partir en sucette à tout moment. Son personnage n’a pas de filtre, il dit la vérité à tout le monde, il est déjà assez barré. Il ne fallait surtout pas aller plus loin que ça, on s’était mis d’accord pour jouer quelque chose de réel. Donc il n’avait pas besoin d’agiter les bras, c’est un aveugle qui tient la route et qui malgré, ou en raison de la réalité de son propos, devient comique.
Est-ce que vous avez une anecdote de tournage un peu drôle à nous raconter? Il devait être assez marrant ce tournage.
Alexandra Lamy: C’est marrant, mais il faut encore une fois toujours faire très attention à ne pas se laisser embarquer. Les scènes les plus difficiles à faire, c’est tout ce qui est à table. Parce que le problème c’est qu’on est très nombreux, et là ça peut partir en sucette parce que je pense qu’on peut dire qu’on est quand même tous assez drôles (rires), donc ça peut partir très vite en vrille, et là on oublie nos personnages et on se marre. Ce sont des scènes qui sont extrêmement importantes, qui sont difficiles à tourner. Pour qu’il y ait du rythme il y a plein de plans. On s’amusait en dehors du tournage, mais sur le plateau on ne se laissait pas déborder. En revanche, le soir on se retrouvait et ça a constitué une vraie bande de copains telle qu’on la voyait dans le film.
Eric Lavaine : Il y avait énormément de bienveillance, une osmose entre chacun, l’esprit de camaraderie.
Alexandra Lamy : On a une anecdote, drôle hors plateau. Avec toutes les filles, je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais ça a été formidable, un coup de cœur amical, on était vraiment une bande. En plus, moi j’avais ma fille qui tournait pas très loin et on a fait une soirée où le seul mec c’était Eric. A qui on a toutes donné et nos manteaux et nos sacs.
Eric Lavaine : Je faisais un jogging, j’essayais de faire un peu de sport pendant le tournage parce qu’à vrai dire on avait une alimentation un peu déséquilibrée. Je crois qu’on a pas bu d’eau pendant deux mois, et Alex m’appelle et me dit: ” Viens nous rejoindre on est en plein apéro en bas de la Côte des Basques.” J’arrive en short, y avait toute la bande des filles; et elles étaient déjà bien allumées, donc j’ai essayé de rattraper le truc. Énorme erreur puisqu’évidemment du coup j’y suis allé trop fort. A partir de 23 h, le froid tombe et Diane Ducret m’a refilé son espèce de veste en mouton retourné. J’étais en mouton retourné, en short et on est allé danser dehors sur la plage.
Alexandra Lamy : Et en fait on lui a toutes donné nos sacs, j’ai une image tellement drôle d’Eric, c’est-à-dire que c’était le seul mec au milieu de toutes ces filles avec tous les sacs et les vestes sur lui. C’était notre petit porte-manteau.
Eric Lavaine : C’était global, c’était un tournage amical, sympathique, on a passé de bonnes soirées.
Alexandra Lamy : Après c’était pas un tournage facile , parce qu’on est dans le Pays basque et que le temps change énormément. Ça c’était très compliqué, mais sinon on a pas vraiment de trucs … hum attend qui a couché avec qui?
Eric Lavaine : Y a zéro dossiers.
Tu te trouves des points communs avec le personnage de Béatrice?
Alexandra Lamy : Hum… roh je sais pas…
Eric Lavaine : Tu as un point commun avec ce personnage de Béatrice qui est très inspiré de l’amie qui a écrit ce livre. Elle est basque, d’un côté ses frères étaient rugbymens professionnels et elle fonce. Alex a un peu ce côté là où d’abord elle est d’humeur égale et elle a tendance à avancer quoiqu’il arrive, elle peut faire des erreurs dans la vie, par exemple mes films (rires) , parce qu’elle avance. Ne le prend pas mal, mais tu n’es pas une cérébrale, ce n’est pas que tu ne sois pas intelligente, mais tu as tendance à faire les choses et je pense que dans la vie, trop souvent si on se pose trop de questions on avance pas. Vous avez ce caractère-là en commun. Qu’est ce qu’elle a d’autre? Bah elle a des amants un peu comme toi (rires). Et également le point commun c’est qu’Alex a beaucoup d’amis, et dans ce métier, entre gens “connus”, il y a énormément de gens seuls, parce qu’ils sont trop sur eux-mêmes et à un moment ils commencent à croire qu’ils sont le centre du monde et vous n’avez plus des amis mais des bénis oui oui. Alex a de vrais amis, du métier ou non, et qui lui disent les choses , ce qui lui permet de rester “normale”. Je ne cherche pas la normalité chez un comédien, mais l’intérêt c’est que lorsque vous avez des amis, des relations normales, ça vous permet de construire vos personnages, car vous savez ce que c’est la vie, ça n’est pas inventé. L’équilibre que peut avoir Alex en retournant souvent dans sa région natale, auprès d’amis qui j’ai pu le voir ne sont pas des bénis oui oui par rapport à ce qu’elle fait, je suis sûr que ça l’aide par rapport à tous ses rôles et quand elle joue des rôles dramatiques par exemple, il y a une réalité. Voilà, elle connaît un peu la vie.
Alexandra Lamy : Bah ça c’est…
Eric Lavaine : A la prochaine interview je vais te sortir de belles saloperies. Je me réserve pour le 20 h.(rires)
>>Propos recueillis par Emma Schneider<<
Merci à Eric Lavaine et Alexandra Lamy, à l’équipe de l’UGC et à celle de l’hôtel de la Cour du Corbeau, à Bastien pour les photos et aux 3 Petits Cochons pour leurs excellentes bretzels.