Quelques semaines avant les élections européennes du 9 juin, Une affaire de principe, film tourné en grande partie au Parlement européen de Strasbourg, tombe à pic ! Avec son deuxième long-métrage, Antoine Raimbault réussit un pari risqué : donner à voir la complexité et l’opacité de notre système européen, tout en redonnant ses lettres de noblesse au combat politique. Avant sa diffusion en salle dès ce 1er mai, on a rencontré une partie de l’équipe du film dans la capitale alsacienne, avec José Bové himself, ancien député européen.
Après l’immersion dans un procès avec Une intime conviction, film sorti en 2019, Antoine Raimbault est de retour sur grand écran avec Une affaire de principe. Tourné principalement au Parlement européen de Strasbourg, ce thriller institutionnel suit un personnage atypique et attachant, qui existe dans la vraie vie : José Bové, ancien député européen et figure du mouvement altermondialiste.
Pour raconter comment notre député moustachu a réussi à démasquer un complot de l’industrie du tabac au sein de cette institution européenne, le réalisateur a mis en scène un trio de choc. Bouli Lanners en José Bové, Thomas VDB en assistant parlementaire à qui on ne la fait plus et Céleste Brunnquell en jeune stagiaire idéaliste. Et pour connaitre les coulisses de la réalisation de ce film, on a discuté avec une partie de ses têtes d’affiche !
・Le film traite d’un sujet complexe et sérieux mais la réalisation amène régulièrement un ton décalé, comment est venu ce contrepoint qui n’est pas classique dans un thriller politique ?
Antoine Raimbault : J’ai écrit le film avec mon co-scénariste, Marc Syrigas, avec une envie de cinéma assez sérieuse, autant que le sujet effectivement. La tonalité ludique est venue de notre rencontre avec José Bové et son assistant parlementaire de l’époque, Jean-Marc Desfilhes, qui a inspiré le personnage de Thomas VDB.
José Bové : Ou l’inverse maintenant on ne sait plus…
Thomas VDB : J’ai beaucoup d’influence sur sa personnalité aujourd’hui, c’est vrai.
Antoine Raimbault : Quand ils nous racontent l’histoire, on sent qu’ils se sont beaucoup amusés dans la bagarre, il y a beaucoup de blagues sarcastiques de Jean-Marc qui sont arrivées dans les dialogues, et le sourire en coin de Bouli Lanners, c’est celui de José. On voulait bien sûr assumer la complexité mais j’avais très envie que le spectateur prenne du plaisir, qu’il y ait du rythme et que, tout d’un coup, au détour d’une scène, cela devienne une comédie d’action, notamment pour les jeunes : pour éviter qu’ils aillent voir l’Homme qui tombe à pic, qui sort le même jour, avec Ryan Gosling (rires).
Thomas VDB : Quand Antoine m’a proposé le rôle, il m’a parlé des Hommes du président, film très dense, très sérieux et quand il m’a dit : « On va faire un peu la même chose mais avec José Bové », cela m’a fait rire ! C’est un peu une histoire de « sales gosses » qui arrivent de la Confédération paysanne [syndicat fondé par José Bové en 1987, ndlr] pour bousculer le Parlement. On est loin des Hommes du président.
・Le cinéma a l’habitude de montrer des hommes/femmes politiques qui trahissent les institutions démocratiques, mais ici, c’est l’inverse. On a un système censé être démocratique mais qui se révèle opaque et corrompu avec des personnes qui luttent pour la démocratie. C’est compliqué de montrer cela ?
Antoine Raimbault : C’est l’enjeu du film. Souvent, lorsqu’on représente le politique, on est du côté du pouvoir : les assassinats politiques, la violence de la politique… Ici, j’ai cherché à être du côté du contre-pouvoir. On ne voit pas grand-chose du pouvoir, qui reste derrière des portes closes, mais on est avec les parlementaires qui sont aussi des politiques : ce sont nos élus et ils se bagarrent. Au sein même des institutions, il y a cette lutte entre pouvoirs et contre-pouvoirs : il fallait réussir à aller contre cette idée du « tous pourris ».
José Bové : Cela fait seulement 15 ans que le Parlement a pris cette place pour travailler à égalité avec la Commission et le Conseil au sein de l’Union européenne. Il y a aujourd’hui une co-responsabilité avec la Commission pour rédiger les textes de lois mais cela a été une bataille face aux États. Le Parlement ne rédige pas encore seul les lois, mais c’est vers cela qu’il avance. Le film montre également ça : comment les députés, s’ils s’en donnent les moyens, peuvent gagner.
・Qu’est-ce que cela fait d’être incarné par un acteur ?
José Bové : D’abord, je pense que c’est beaucoup mieux que si je l’avais fait moi-même ! Cela ne peut fonctionner que s’il y a une entente avec celui qui va vous représenter. Voilà je commence à parler de moi à la troisième personne… Grâce à Antoine, qui est venu avec Bouli à la maison, on a beaucoup échangé et je leur ai fait totalement confiance. Ce n’était pas évident pour Bouli car les acteurs interprètent généralement des gens qui n’existent plus et moi, je ne suis pas mort !
Thomas VDB : Non seulement tu n’es pas mort mais tu as débarqué dès le deuxième jour du tournage. Bouli a un peu flippé : « Il est déjà là José ? Je n’ai pas eu le temps de me mettre dans ses godasses ! » (rires)
・Le tournage s’est fait principalement à Strasbourg, plus simple pour tourner qu’à Bruxelles ?
Antoine Raimbault : La Région nous a très bien accueillis et c’était effectivement plus compliqué à Bruxelles. On a beaucoup tourné dans les anciens bâtiments du Parlement de Strasbourg. La Commission européenne de Bruxelles, dans laquelle nous ne sommes en fait jamais rentrés, c’est sept décors différents. Nous avons passé un super tournage à Strasbourg, on résidait dans le quartier du Parlement, on faisait tout à pied et à vélo.
・Vous, José, quand vous étiez député européen de 2009 à 2019, où aimiez-vous passer du temps à Strasbourg ?
J’habitais à Schiltigheim, je rentrais par le canal, le parc, les jardins ouvriers… à pied, cela me relaxait ! Sinon, j’étais un fanatique de la librairie Kléber et j’allais de temps en temps voir un film au Star, quand on pouvait. J’ai beaucoup visité la cathédrale, jusqu’à ce que je trouve, enfin, le « trou du cul » sur le fronton…
・Comment appréhendez-vous les élections du 9 juin ?
José Bové : On a un ennemi prioritaire, c’est l’abstention. En France pour l’instant, l’Europe n’est toujours pas un enjeu. On espère que le film donnera envie d’Europe, que ça amènera les gens à voter pour des listes qui défendent l’Europe et non pour des gens qui croient que tout se passe en France. Si on veut faire face aux défis de demain, il faut agir dans l’Union européenne. Donc sans donner de consignes, j’en ai quand même donné deux. (rires)
Rédactrice : Manon Charbonnier
Élections européennes : 4 façons (simples) de s’inscrire pour voter à Strasbourg
Événement
Sortie au cinéma d'« Une affaire de principe »
Quoi ?
Sortie cinéma
Quand ?
Mercredi 1 mai
où ?
À l’UGC Ciné Cité, 25 avenue du Rhin, Strasbourg
Au Star Saint Exupéry, 13 rue du 22-Novembre, Strasbourg