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Chose promise, chose due.
Une semaine après la sortie du 1er épisode sur «les métiers de l’Opéra National de Strasbourg», voici le second épisode, rien que pour toi et tes beaux yeux.
Roulement de tambours et petits fours.
Certains y vont de temps en temps pour déjeuner à la terrasse de leur café par jour ensoleillé. Certains y vont pour assister de façon habituelle, ou seulement pour de grandes occasions, à l’une des centaines de représentations données. D’autres passent devant sans y prêter attention. Chacun a son histoire qui la rattache à l’Opéra. Vous, moi, toi, nous. Mais aussi toutes celles et ceux qui y travaillent au quotidien.
Car l’Opéra, ce ne sont pas que des solistes, des bourgeois gentilshommes tout de costume vêtus et des danseurs en tutus. Ce sont plus de 200 personnes à temps plein et le triple d’intermittents qui interviennent ponctuellement. Tous participent à la frénésie de cette institution, où quasiment toutes les représentations ne sont que pures créations.
C’est une fourmilière, une grande famille où tout le monde se connait plus ou moins de loin, se salue et partage des moments de leurs vies. Tous sont passionnés, qu’ils soient sur scène, dans les coulisses où les bâtiments juxtaposés, pour distribuer le courrier, établir les budgets ou encore produire décors, perruques, costumes ou souliers.
Maquilleuse, chef comptable ou contrôleur. Je suis allée les rencontrer pour en savoir plus sur leurs métiers et tirer leur portrait.
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Véronique / Chef de l’atelier “Costumes” et coupeuse / 52 ans
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▲ Qualités requises ▲ Avoir le sens du détail et de la précision.
▼ COORDONNÉES GPS ▼ Annexe de l’Opéra, 3ème étage.
Après plusieurs escaliers montés et de longs couloirs traversés, j’arrive enfin au sein de l’atelier. Une véritable caverne d’Alibaba où des milliers de tissus, paillettes et boutons, machines à coudre et ciseaux ornent les moindres recoins. Je rencontre dés lors Véronique, une bonne femme dynamique et déterminée. Pendant que je lui pose des questions, elle ne peut s’empêcher de travailler sur une de ses dernières créations. Quand elle était plus jeune, elle rêvait d’être styliste pour de grands couturiers. Et puis la vie en a décidé autrement. Elle a travaillé plusieurs années chez un artisan-tailleur, avant d’intégrer l’Opéra. Cela fait désormais 15 ans qu’elle est là. Et elle ne changerait pour rien au monde d’endroit. Le costumier travaille en direct avec le metteur en scène. Celui-ci lui présente les maquettes des costumes qu’il souhaite voir dans sa pièce. Il doit ensuite apporter les moyens techniques à son équipe pour les réaliser. Coupes, essayages, démontages, réglages, découpes et finitions (détails, poches et décorations), voici au quotidien leur chanson. Chaque coupeuse est responsable de son spectacle. Elles assistent à la première répétition afin de voir leur travail sur scène dans les longueurs & mouvements et effectuer les potentiels réajustements. Tous les costumes sont des pièces uniques, au même titre que les accessoires, les perruques ou encore les décors, même s’il arrive parfois de récupérer des morceaux pour en créer de nouveaux. La fabrication d’un costume est plus ou moins fastidieuse, tout dépend de la complexité de la pièce. Certaine demande 35 heures, d’autres beaucoup plus. À la Meinau, il y a une réserve faisant office de « dressing » qui renferme plus de 90.000 costumes. Encore plus impressionnant que celui de Carrie Bradshaw. Contrairement à certains de ses collègues qui ont voyagé en Asie, à Paris, Londres ou Berlin pour chiner dans les friperies, Véronique n’a pas eu l’opportunité de bouger. Cela ne l’a pas pour autant empêché de s’imprégner des façons de faire rapportées. Les intermittents qui viennent en renfort vadrouillent beaucoup. Ils apportent ainsi de petites techniques, de nouvelles matières, de nouveaux savoirs-faire, qui font évoluer ceux de l’OnR. Comme les épices qu’on ramène d’un voyage à l’étranger, qu’on utilise ensuite pour cuisiner. « On a tous nos aspirations, notre créativité. »
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▲ TRUE STORY ▲ Chaque costumière a ses préférences & ses spécificités. Pour Véronique, ce sont les costumes d’hommes car elle apprécie sans plus les tissus fluides comme les pavalas. Sauf qu’une fois, elle s’est retrouvée à devoir épingler en dessous de la jupe d’un homme qui faisait du bronzarium.
« On ne s’en rend pas compte sur le moment, on est dans le travail. Mais après on y repensant, je me suis retrouvée la tête là-dessous… C’était un peu gênant comme situation. Sinon, il est déjà arrivé qu’un costume n’aille pas du tout. Je me souviens de costumes en papier qu’on avait fait pour un ballet. Tout au long de la première représentation, ça craquait de partout. J’étais en pleine décomposition. »
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Hubert / Chef comptable
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▲ Qualités requises ▲ Être un mordu de chiffres et aimer le café décafeiné serré.
▼ COORDONNÉES GPS ▼ Annexe administrative de l’Opéra, 3ème étage sur la gauche. 1ère porte.
Derrière un grand bureau sur lequel est exposé classeurs, calculettes et cahiers, se trouve Hubert, chef comptable de l’Opéra. En général, on ne peut pas le nier. La comptabilité, ce n’est pas ce qu’il y a de plus fun comme métier. Et pourtant Hubert a mille et unes anecdotes à raconter. Oui, car 21 millions de budget annuel, ça ne se gère pas en claquant des doigts. Pour s’en occuper, ils sont cinq personnes à temps plein. À mon grand étonnement, 3/4 de celui-ci est dispatché pour payer les 240 employés et les plus de 600 intermittents, solistes, metteurs en scène, décorateurs, costumiers. Le quart restant est dédié aux autres dépenses : aux décors, costumes, accessoires, mais également à la communication, à la location des lumières, à l’achat du matériel bureautique ou encore des partitions. Mais d’où provient tout cet argent ? L’OnR qui est une collectivité locale, a la chance d’avoir de nombreux partenaires. 80 % du budget alloué provient des financements publics. Ministère de la Culture, Région ou encore Département du Haut-Rhin, tous soutiennent les subventions pour préserver cette institution. La Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, les villes de Mulhouse et Colmar contribuent également. Malheureusement, depuis deux ou trois ans, ces financements diminuent, ayant des conséquences comme la réduction du nombre de représentations. Ainsi, au service comptabilité, ils font tout pour ne pas impacter le coût des spectacles. Mon oeil est vite interpellé par une vieille affiche publicitaire collée au mur : « Ringue ? Bourge ? Élitiste ? Toujours plein ? Trop cher ? Mon oeil, moi j’y vais. ». Mais est-ce bien toujours d’actualité ? Savez-vous ce qu’un fauteuil coûte réellement ? Environ 200 euros. Certaines places pour les jeunes reviennent à 6,50 € avec des cartes de réduction. Même si les aprioris sont très présents, l’affiche qui a bien quelques années n’est pas si démodée.
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▲ TRUE STORY ▲ Hubert dés son plus jeune âge, adule les voix et l’Opéra. Après avoir exercé quelques années dans le secteur privé, plus exactement dans une société de décaféination de café, le voilà à la tête du service compta de l’OnR. Un rêve pour lui qui se réalise, car à défaut de chanter, il se retrouve à gérer tout son budget. Enfin pas tout à fait…
” Car en juin 1995, le régisseur général a débarqué dans mon bureau… Les représentations du fameux opéra Tosca allaient bientôt commencer. Le jour de la toute dernière répétition, le figurant qui devait annoncé l’exécution de Mario Cavaradossi, l’amoureux de Tosca a déclaré forfait. Il avait trop le trac. Du coup j’ai accepté de le remplacer. J’ai tout laissé tomber et je suis rentré chez moi pour répéter. Pendant deux heures, j’ai écouté en boucle le moment précis de l’exécution. La première fois, ça a été une catastrophe ! Mais j’ai beaucoup travaillé entre les représentations, et ça a été une expérience incroyable.”
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Suzanne / Peintre des décors
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▲ Qualités requises ▲Avoir une très bonne connaissance des oeuvres, maîtriser les différentes matières et ne pas avoir peur d’avoir de la peinture sur son pantalon.
▼ COORDONNÉES GPS ▼ Atelier de la Meinau, premier entrepôt.
Cet après-midi, par un temps tout gris, je me dirige vers l’annexe où les décors sont fabriqués. Direction la Meinau pour rencontrer Suzanne, peintre de décors et pro du pistolet. Après avoir terminé ses études de peintre-décorateur à l’École des Beaux Arts de Dresden en Allemagne, elle rejoint directement l’OnR. C’était en 2000. Depuis le temps est passé, mais elle conserve toujours un petit accent chantant. À l’atelier, ils sont cinq à plein temps. Trois peintres-artistes et deux autres qui préparent les surfaces, en les protégeant avec des produits spécifiques. Ils se répartissent le travail en fonction des opéras, mais ils s’entraident énormément et tous sont en contact direct avec les décorateurs. Ensemble, ils réfléchissent, analysent, préparent des échantillons, afin de reproduire au mieux, les maquettes apportées. Certains décorateurs laissent plus ou moins d’espaces de liberté et de créativité, mais les peintres doivent toujours respecter les commandes de ces derniers. Depuis le début de sa carrière, les décors à l’Opéra ont beaucoup évolué. Avant, ils peignaient directement les paysages sur des toiles et chaque corps de métier était dans son coin de l’atelier. Désormais, ils travaillent beaucoup plus main dans la main. Le rendu est aussi plus réaliste, car il s’opère une véritable recherche et imitation de la matière pour que les scènes apparaissent en trois dimensions. Cela est amplifié par l’augmentation des effets spéciaux, nécessitant une forte exigence quant-aux éléments produits. Fort heureusement, leur équipe est complémentaire et très soudée car ils travaillent ensemble depuis des années. Le dernier arrivé était laqueur de voiture. Il a apporté un savoir-faire du pistolet, qui facilite leur quotidien. Toutes ces évolutions ont comme effet de théâtraliser l’opéra. Cela a impacté par conséquent le rôle des chanteurs sur scène, puisqu’à présent, ils doivent davantage s’approprier leur environnement. Son seul regret c’est d’être à distance de la scène. Même si cela ne l’empêche pas d’assister à toute les représentations, car pour Suzanne, c’est l’aboutissement de leur travail et de sa passion.
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▲ TRUE STORY ▲ Les répétitions apportent très souvent de la nouveauté. À l’Opéra, les peintures sur toile, comme celles qui étaient faites autrefois, sont très contrastées. Beaucoup plus que les tableaux que l’on peut voir dans les musées. Des fois, ils travaillent sur une surface très importante, mais avec les lumières et l’éclairage utilisés, le rendu est totalement différent.
« Radu Boruzescu est un célèbre décorateur qui a dernièrement produit Don Carlos à l’OnR. Pour son décor, il ne voulait pas d’imitation “pierres” comme on a l’habitude de faire. En cherchant dans l’atelier, il est tombé sur de la fibre de verre. En général, c’est une base qu’on utilise comme protection. Il nous a dit qu’il voulait ça. On a eu des doutes sur la faisabilité, mais mélangé avec de la résine, on a réussi à avoir un très bon rendu. Et pourtant ce n’était pas gagné d’avance. À la fin des représentations, il nous a quand même avoué qu’il y avait quelques nuits où il n’avait pas réussi à dormir. »
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Eddie / Responsable du courrier / 62 ans
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▲ Qualités requises ▲ Ne pas être trop curieux, être mobile.
▼ COORDONNÉES GPS ▼ Bâtiment administratif, RDC, bureau en face de l’Opéra.
Dans les bâtiments administratifs se trouvent un bureau entièrement dédié au courrier. C’est Eddie, qui depuis quasiment plus de trente ans, travaille dedans. Alors que son père était machiniste, il a intégré l’Opéra lorsqu’il était encore étudiant pour se faire un peu d’argent. À l’époque, il travaillait à la billetterie. Désormais, il gère tout le courrier et les transmissions. Même si la musique classique n’est pas son dada et qu’il préfère le Rock’n’Roll, il ne partirait pour rien au monde. Tous les matins, il cherche le courrier à la poste, Avenue de la Marseillaise, l’ouvre et le distribue à ses destinataires. À bord de sa voiture, il vadrouille entre les différents services de l’OnR, la Ville de Strasbourg et les ateliers de la Meinau. Il s’occupe également du mailing, du service presse et de poster les invitations. Il a clairement observé l’évolution de son métier depuis l’arrivée du numérique et la diminution des courriers papiers. Désormais, il profite de ses trajets pour rendre des services aux personnels, comme chercher des billets ou apporter du matériel. Il a toujours quelque chose à faire, quelqu’un à dépanner. Eddie, c’est un peu l’homme à tout faire de la maison.
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▲ TRUE STORY ▲ Dans une simple enveloppe blanche peut se cacher mille et un secret. Des mots doux de notre amoureux, un rendez-vous de la plus haute importance, une demande en mariage du voisin, l’annonce d’un célèbre événement. Bref, le courrier, c’est un outil confidentiel.
À ses débuts, Eddie ouvrait tous les courriers et les dispatchaient. Sauf qu’un jour, par inadvertance, il a ouvert une lettre qui apprenait qu’une personne de la Direction était virée… Il s’en souvient encore maintenant. Depuis, il fait bien attention avant de les ouvrir. Mais chut, c’est un secret.
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Mireille / Chef habilleuse et couturière / 58 ans
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▲ Qualités requises ▲ Être patiente et souriante, avoir le sens de l’écoute et toujours avoir une culotte de rechange.
▼ COORDONNÉES GPS ▼ Dans les loges de l’Opéra, au 1er étage.
Mireille est la doyenne de l’OnR, puisqu’elle y travaille depuis maintenant, plus de 39 ans. Elle a commencé à l’atelier de couture qui se trouvait à l’époque près de la gare pendant un mois. Deux jours avant la fin de son contrat, le directeur de l’atelier demande à sa chef si elle n’avait pas une habilleuse sous la main. Elle a sauté sur l’occasion et n’est jamais repartie. Au quotidien, elle participe à la création des costumes à l’atelier couture. Mais dès que les répétitions et représentations commencent, c’est dans les loges des solistes femmes qu’on peut la trouver. Chaque étage a son habilleur. Au total, il y en a cinq : les choeurs hommes et femmes, idem pour les solistes et les figurants. Mireille, elle, est responsable des solos dames, qui sont entre deux et cinq selon les oeuvres. Le matin, elle récupère les costumes et les met en loge, aidée par ses collègues et l’assistante régie-costume. Cette dernière qui a suivi le début des répétitions, prépare également un conduit avec le déroulement de l’opéra. Toutes ensemble, elles accueillent et installent ensuite les solistes, les habillent, les suivent lors des représentations, surtout s’il y a des changements rapides à faire entre deux scènes dans les coulisses. Il y en a qui préfère se débrouiller seule. D’autres ont besoin d’un coup de main pour enfiler leur collant. Certaines veulent être suivie avec une serviette ou de l’eau. Bref, chacune a ses habitudes et sa façon d’être, que les habilleurs remarquent de suite. Dans tous les cas, Il faut être à leurs petits soins. Il faut être très attentif et prêt à tout moment. Mireille est également médiatrice entre l’atelier couture et les loges, permettant ainsi de faire le relais et de simplifier la communication entre ces deux parties. Car entre les exigences du metteur en scène en terme d’habillement et la réalité sur scène, il y a des fois un grand fossé. En effet, ce n’est pas toujours facile pour les chanteurs de porter certains costumes, du fait de leur forme ou des matières utilisées. Trop grand, trop serré, trop fluide, pas assez long. Les habilleurs et couturières doivent être présents pour apporter des solutions aux problèmes rapidement, ou bien pour écouter les plaintes des artistes tout simplement.
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▲ TRUE STORY ▲ « Il y a toujours des demandes un peu particulière. Certains artistes veulent qu’on les suive constamment avec un verre d’eau, une serviette. Mais un jour, c’était il y a longtemps, le Chef d’orchestre est sorti de sa loge complètement paniqué ! Alors que la représentation devait bientôt commencé, il m’a demandé si je n’avais pas une culotte à lui prêter. Il avait complètement oublié d’en mettre une. Heureusement qu’il avait une queue de pie. »
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