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“C’est violent à vivre” : les commerçant(e)s strasbourgeois(es) s’inquiètent d’une hausse des incivilités

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Depuis quelques temps, les commerces strasbourgeois font face à une augmentation des incivilités, vols et violences verbales de leurs client(e)s. Pour certain(e)s, il y a même eu des agressions physiques. On est allés à la rencontre de trois commerçant(e)s, pour qu’ils nous racontent leur ressenti par rapport à cette situation.

Le 4 avril dernier, Ny Aina, gérant des Cafés Bretelles Petite France et Krutenau, publiait sur les réseaux sociaux un long post relatant une agression physique sur deux de ses employées, ainsi que des agressions verbales sur quatre d’entre elles.

Un message ayant amené beaucoup de bienveillance en commentaires de la part de nombreux commerces strasbourgeois, mais qui a également eu le mérite de libérer la parole publique sur le sujet de l’augmentation des incivilités, un sujet souvent tabou.

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Une publication partagée par Café Bretelles (@cafebretelles)

Pourtant, selon Laurent, gérant d’Élan Chaussures et des Goodvibes, mais aussi président de l’association rue Thomann et rue du Marché, il y a une nécessité d’alerter sur le sujet : « Les gens ne sont pas au courant ; et si on ne sait pas, on ne peut pas résoudre le problème ». Pour Ny Aina, « c’est important que les gens se rendent compte qu’ils se comportent mal ». Parce que ce sujet est très présent dans la vie des commerces strasbourgeois.

Comme le souligne Adèle, co-gérante du love-store (Dé)boutonné•e•s : « Des gens désagréables dans le commerce t’en as tout le temps ». Mais d’agressions verbales à agressions physiques, il y a tout de même un pas. Qui semble pourtant être franchi de plus en plus ces derniers temps.

Des agressions verbales qui deviennent physiques

Le café Bretelles de la Petite France et le love-store (Dé)boutonné•e•s ont eu des membres de leurs staffs victimes d’agressions physiques, en l’espace de seulement deux mois.

Contacté en mai dernier pour cet article, Ny Aina refait le déroulement des événements : « On a ouvert avec un peu de retard à cause de dégâts au niveau de la porte. Un client, qui indiquait être un habitué, n’était pas très content. Il a commandé un café qu’on lui a demandé de payer de suite, ce qu’on fait habituellement les week-ends, il n’était pas satisfait. Quand il s’est installé, il a ouvert son ordi ». Une pratique désormais interdite les week-ends dans les cafés Bretelles.

On ne peut pas dire qu’on en est sorti indemne. La foi en la nature humaine s’est retrouvée ébranlée.
Ny Aina, gérant des Cafés Bretelles Petite France et Krutenau

Il poursuit : « On lui rappelle donc de ne pas utiliser son ordinateur, et il s’est alors emporté envers une de mes collègues. Il les a d’abord insultées, une autre collègue s’est interposée et lui a demandé de sortir. Il s’est levé pour mettre sa main sur sa gorge pour l’étrangler, elle l’a repoussé et ensuite il est parti ».

Le récit ne s’arrête pas là : « La première collègue l’a pris en photo et il a ensuite pété un câble en tentant d’arracher le téléphone, il l’a blessée en faisant ça, des voisins se sont interposées. On a appelé la police et ensuite il s’est enfui ». Ils ont par la suite déposé plainte, puis posté le message sur les réseaux, « pour pousser un coup de gueule » selon Ny Aina.

Devanture Café Bretelles
© Bastien Pietronave / Pokaa

Pour Adèle, l’agression remonte au 30 mai dernier : « J’étais en boutique quand, dans l’après-midi, une dame rentre. On a des gens qui viennent qui sont un peu instables, on les reconnait. Elle on s’en est rendue compte de suite, elle se baladait avec 12 couches de manteau ».

Adèle a essayé d’engager la discussion : « On a dit bonjour, elle nous a ignorées. Elle a fait la tour d’une grande table avec tous les tests de produits cosmétiques, elle s’en est mise sur les gants, ça coulait de partout. Avec mon alternante, on lui a proposée de l’aide, je suis allée la voir en lui donnant un mouchoir sous le nez, elle nous a ignorées ».

Ça fait peur, c’est violent à vivre ; des clients un peu bizarre on en a parfois, mais on n’en a jamais été venu aux mains.
Adèle, co-gérante de (Dé)boutonné•e•s

À un moment, Adèle lui demande donc de sortir : « Elle m’a contournée, elle a recommencé à s’en mettre partout. Là, je lui ai dit « stop » et je l’ai frôlée ». C’est à ce moment-là que la femme pète un plomb : « Elle m’a hurlé dessus en anglais, chopé par les cheveux, la gorge et le bras et a refusé de me lâcher. Heureusement, ma collègue a réagi super vite et l’a jetée dehors. Là, elle a sorti un couteau à beurre, nous menaçant de « nous planter » et nous traitant de salopes ».

Une agression qui a laissé des traces : « J’ai perdu une touffe de cheveux dans l’histoire ». Si elle n’a pas appelé la police, Adèle a finalement prévenu les autres commerçant(e)s du quartier, dans lequel cette femme est déjà connue.

Des vols en hausse

Selon Laurent, dans le paysage depuis 30 ans, les vols semblent également en recrudescence : « Les incivilités augmentent de plus en plus. Ces derniers mois, il y a eu une amplification mais ce n’est pas un phénomène nouveau ; ça traine depuis quelques temps ».

Un sentiment partagé par Adèle : « Dans la boutique, il y a de plus en plus de vols ». Et pas n’importe lesquels : « Des gens viennent nous voler nos testeurs de plug anal ».

Il y a des gens que ça excite de venir foutre la merde.
Adèle, co-gérante de (Dé)boutonné•e•s

Selon Laurent, cette tendance à la hausse viendrait d’un sentiment de laxisme généralisé, qu’il dénonce : « La police n’intervient plus et quand elle intervient, elle ne les arrête jamais. Donc les gens ne sont plus punis ; et à force, ils le savent et c’est « open bar » ». Il déplore une porte vitrée cassée il n’y a pas longtemps, mais également plusieurs vols de la caisse, ainsi que des tentatives de cambriolages.

Une relation avec la clientèle de de plus en plus tendue

Tous ces éléments alimentent des tensions pour les commerces strasbourgeois. Et notamment dans leur rapport à la clientèle. « Depuis la sortie du Covid, c’est tendu, confirme Ny Aina. On a été obligé de contrôler des masques, des pass, notre rôle a changé. On était plus là pour fournir du plaisir mais d’abord pour contrôler. Mentalement ça crée une barrière, mais après le climat s’est également dégradé. Les gens sont plus tendus, plus impatients ».

Les gens sont pas cool, comme si le respect leur était dû quoiqu’ils disent ou fassent. Ils ont l’impression qu’on leur doit plus que le café qu’on leur sert.
Ny Aina, gérant des Cafés Bretelles Petite France et Krutenau

Un point de vue que partage Laurent, jusqu’à un certain point : « Nos clients sont très tendus, les gens sont très stressés aujourd’hui, plus qu’avant. Après, le Covid a bon dos, mais c’est aussi une situation de société : tout est digitalisé, les gens sont un peu paumés parfois, le dialogue est souvent rompu alors que le service humain est important. Il suffit de répondre pour que ça revienne à la normale ».

Avant de développer : « Le commerce est aussi un peu fautif : quand vous allez quelque part, il n’y a plus personne à qui parler, il n’y a plus vraiment de services. Ça rajoute une tension à une autre tension ».

Good vibes Strasbourgimage00046
© Bastien Pietronave/Pokaa

Adèle, elle, ne ressent pas particulièrement de tensions avec ses client(e)s : « Ça reste un sex-shop, un peu bobo ». Pour elle, il y a une raison : « Je suis commerçante depuis 2020 – année du Covid – un contexte où c’était déjà très tendu. On a de la chance aussi, que les gens se permettent un peu moins d’être désagréables parce qu’ils ont moins les codes ».

Une situation que n’expérimente pas Ny Aina et son staff, tout particulièrement à la Petite France : « Quand on les interpelle, ils nous parlent mal. Pas de bonjour, ni merci, ni un regard. Ils râlent parce qu’ils attendent trop parce qu’il y a trop du monde. Il y a vraiment un oubli de savoir-vivre ».

C’est facile de dire que les centre-villes dépérissent, mais pour les commerces de proximité c’est pas facile depuis le Covid, tout ne fait qu’augmenter.
Adèle, co-gérante de (Dé)boutonné•e•s

Si la situation dans les cafés Bretelles s’est légèrement améliorée depuis selon Ny Aina, cela n’occulte pas la difficulté d’être un commerce strasbourgeois aujourd’hui. Pour Adèle : « C’est facile de dire que les centre-villes dépérissent, mais pour les commerces de proximité c’est pas facile depuis le Covid, tout ne fait qu’augmenter. Alors que, dans le même temps, nos conditions de travail se dégradent ».

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