Mardi, c’est épidémiologie. Alors que le premier confinement fête ses un an, des bruits de couloir se font de plus en plus entendre concernant un éventuelle troisième opus de la saga la moins appréciée de 2020. Confinement, vaccins, situation sanitaire, on semble loin de pouvoir reprendre une vie pépère. Avant la prochaine intervention du duo Castex/Véran, on fait le point, pour savoir où on en est.
Un reconfinement en vue ?
C’est le mot qui est à nouveau sur toutes les bouches. Le variant anglais continuant inlassablement sa progression, les indicateurs repartent tous à la hausse. Néanmoins, pour Strasbourg et l’Alsace, la situation n’est pas catastrophique, contrairement à une Île-de-France qui ne tient plus qu’à un fil.
L’Île-de-France en sursis
Alors que Dunkerque et le littoral des Alpes-Maritimes sont désormais confinés le week-end, l’Île-de-France est curieusement passée entre les gouttes des dernières annonces gouvernementales, le 11 mars dernier. Pourtant, la situation sanitaire est tendue au mieux, catastrophique au pire. La région affiche en effet un taux d’incidence, sur la semaine du 6 au 12 mars, qui monte à 404.5 cas par habitant, selon les derniers chiffres de Santé Publique France. Soit le plus élevé de toutes les régions de France.
Au sein de l’Île-de-France, il n’y a pas vraiment de bonnes ou mauvaises situations, puisque les départements de la région voient leur taux d’incidence osciller entre 313.9 (Yvelines) et 496.8 (Seine-Saint-Denis). En tout, quatre départements dépassent même les 400 cas positifs pour 100 000 habitants (Seine et Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis et Val d’Oise) et six (avec l’Essonne et Paris même) sont représentés dans les 10 départements les plus touchés de France par l’épidémie.
Une histoire de taux d’incidence
Mais pourquoi parle-t-on de ce seuil de 400 cas positifs ? Simplement car, selon Jean Castex, invité de Samuel Étienne dimanche 14 mars sur la plateforme Twitch, c’est un indicateur qui justifierait le confinement : « Nous avons démarré [les mesures de reconfinement les week-ends] dans ces départements alors que le taux d’incidence était à 400 pour 100 000 habitants. » C’est la première fois qu’a été introduit ce seuil des 400, inconnu au bataillon jusqu’alors. Scoop sur Twitch ou bévue gouvernementale ? Matignon a d’ailleurs rapidement rétropédalé, démentant l’existence d’un “seuil de confinement“, préférant parler d’un “point de vigilance très fort », selon France Inter, évoquant également la prise en compte des entrées à l’hôpital et la tension dans les services de réanimation.
Or, on l’a vu plus haut, l’Île-de-France a déjà dépassé ce seuil. En outre, la situation hospitalière est très très tendue, avec en plus “une centaine” de patients qui seront transférés hors d’Ile-de-France la semaine prochaine selon Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, repris par France Info. Avec 1 152 patients en soins intensifs au 15 mars, toujours selon les derniers chiffres de Santé Publique France, les hôpitaux de la région ont dépassé le pic atteint au cœur du deuxième confinement en novembre 2020, qui était de 1 136.
La décision sera donc doute prise dans les jours à venir, entre confinement le week-end et confinement strict, mais il semblerait qu’elle soit lourde de sens pour l’exécutif qui pourrait y voir un aveu d’échec. De plus, alors que les beaux jours vont revenir, pas sûr que les Franciliens acceptent un troisième confinement. Et ce même si l’issue semble inévitable. À ce sujet, Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse organisée ce lundi au sujet du vaccin AstraZeneca dont on vous parlera plus bas, a annoncé que de nouvelles décisions seront prises dans les prochains jours, « pour que nous puissions redonner de la visibilité à nos concitoyens sur le calendrier ». Affaire à suivre.
La situation sanitaire à Strasbourg
Ces rumeurs de reconfinement, troisième édition, peuvent paraître inquiétantes, encore plus dans une Alsace qui a payé le prix fort de l’épidémie, d’abord sanitairement puis psychologiquement. Néanmoins, la situation épidémique reste très hétérogène dans le pays, puisque le taux d’incidence national sur la semaine du 6 au 12 mars au niveau national est de 243,9 cas positifs pour 100 000 habitants. Ce qui est élevé, ce qui est en hausse, mais ce qui reste très loin des pics épidémiques de Paris, de Nice ou de Dunkerque. C’est important à prendre en compte, alors que l’exécutif semble de plus en plus approcher le problème de l’épidémie de façon territorialisée.
Dans le cas de Strasbourg et son Eurométropole, le taux d’incidence est de 249.1, soit légèrement au-dessus de la moyenne nationale. Pour le Bas-Rhin, il est de 199.2, soit moins que la moyenne nationale et celle du Grand Est. Dans les deux cas, on se retrouve encore très loin du seuil, artificiel ou non, des 400 cas positifs pour 100 000 habitants. Dans le même temps, 441 personnes sont hospitalisées au 15 mars dans le Bas-Rhin, dont 73 en réanimation. Une semaine avant, c’étaient 451 personnes hospitalisées pour 69 en réanimation. On fait donc face à une tendance relativement stable, loin de l’hypertension hospitalière de l’Île-de-France. Et peut-être que notre région accueillera des patients franciliens dans ses hôpitaux.
Le point sur les vaccins
Alors que la situation sanitaire est encore préoccupante dans notre pays, il est de bon ton de revenir sur la vaccination, censée représenter la lumière au bout du tunnel de toute cette crise. La campagne avance à son rythme peu rapide, mais on commence tout de même à repérer ses premiers effets.
Une campagne de vaccination qui avance
Petit à petit, la vaccination fait son nid. En France, au 14 mars, ce sont 5 128 872 personnes qui ont reçu au moins une dose d’un vaccin, selon les derniers chiffres du ministère de la Santé, soit 7,66 % de la population. En outre, 2 239 389 personnes ont reçu les deux doses de vaccins, soit 3,34 % de la population. Du côté de chez nous, c’est 7,4 % de la population générale qui a été vaccinée dans le Bas-Rhin, dont 37,6 % de plus de 80 ans. Des chiffres à chaque fois un tout petit en-dessous de la moyenne nationale, montrant que notre département avance moins vite dans sa campagne vaccinale que prévu.
Peut-être que les accélérations prochaines vont régler ce problème. En effet, à partir de ce lundi 15 mars, puisque, comme annoncé par Jean Castex le jeudi 4 mars dernier, les 22 000 pharmacies de France sont désormais habilitées pour vacciner. Pour prendre rendez-vous, c’est encore plus simple que chez son médecin généraliste, puisqu’il n’y a plus besoin d’ordonnance, juste de prendre rendez-vous chez son pharmacien. Pour cela, soit on prend contact directement avec sa pharmacie habituelle, soit on prend rendez-vous via un nouvel outil nommé Ordoclic, le Doctolib de la pharmacie. Enfin, toujours dans cette optique d’accélération de la vaccination, la Haute Autorité de santé (HAS) a homologué, ce vendredi 12 mars, le vaccin contre le Covid-19 de l’entreprise pharmaceutique américaine Johnson & Johnson. Ce vaccin, plus pratique que ses confrères car ne comportant qu’une seule dose, étend la couverture et les possibilités vaccinales de la France.
Le cas AstraZeneca
Il se pourrait bien que le vaccin AstraZeneca représente un sacré grain de sable dans le roue de la campagne de vaccination française et mondiale. En effet, ce lundi 15 mars dans l’après-midi, la France a pris la décision de suspendre la vaccination avec AstraZeneca “par précaution” jusqu’à cet après-midi, dans l’attente de l’avis de l’Agence européenne des médicaments (EMA), a déclaré Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse à Montauban à l’occasion du sommet franco-espagnol. Le chef de l’État précise que « l’autorité européenne, l’EMA, rendra mardi après-midi un avis sur le recours à ce vaccin et donc, sur la recommandation du ministre des Solidarités et de la Santé, en lien avec les autorités sanitaires françaises, la décision qui a été prise (…) est de suspendre, par précaution, la vaccination avec AstraZeneca, en espérant la reprendre vite si l’avis de l’EMA le permet ». Cette décision fait suite à celle de nombreux pays de suspendre l’utilisation de ce vaccin suite à la formation de caillots sanguins après l’administration de l’AstraZeneca.
Toute la journée du lundi, une frénésie d’inquiétude s’est emparée de la sphère médiatique. Néanmoins, il peut aussi s’agir d’une simple mesure de précaution. Petit rappel.
- Au 10 mars, 30 cas de phlébite – formation de caillots sanguins, ndlr – ont été déclarés en Europe, sur 5 millions de vaccinés, selon l’EMA. Soit un taux de 0, 0006 %. En France, chaque année, on recense entre 50 000 et 100 000 cas de phlébite par an. À titre de comparaison, 2 femmes sur 10 000 prenant une pilule de première ou seconde génération a, selon les chiffres d’Ameli, une « chance » de développer une phlébite. Soit 33 fois plus de « chance » – décidément un drôle de mot – de développer une phlébite qu’un ou une vaccinée d’AstraZeneca.
- D’ailleurs, en France, sur 454 000 vaccinations à l’AstraZeneca répertoriées à la date du 4 mars, seul un cas de thromboses multiples a été déclaré, selon le dernier rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Soit un taux de 0, 00022 %.
- De son côté, l’OMS se veut rassurante, en déclarant que les pays devraient continuer à vacciner avec AstraZeneca. « Nous ne voulons pas que les gens paniquent, et, pour le moment, nous recommandons que les pays continuent de vacciner avec AstraZeneca », a déclaré lundi Soumya Swaminathan, la chef scientifique de l’Organisation mondiale de la santé, lors d’une conférence de presse à Genève.
Il semblerait donc pour l’instant que cette décision soit une simple précaution, le temps qu’une enquête prouve ou non une causalité entre les thromboses et le vaccin. Alors que l’EMA doit rendre un avis ce mardi au sujet du vaccin AstraZeneca, l’agence maintient que les avantages de ce dernier l’emportent sur les risques. De plus, alors que de nombreux pays européens ont suspendu l’utilisation du vaccin, si la France n’avait pas suivi le mouvement, il en aurait résulté des tensions à l’échelle européenne. L’Espagne a d’ailleurs emprunté le même chemin, quelques heures après.
Les vaccins sont-ils efficaces ?
En attendant les réponses à cette question, intéressons-nous à l’efficacité des vaccins. Pour le savoir, et même si la relation de cause à effet n’est pas encore prouvée, regardons quelque peu les chiffres sur les taux d’incidence des plus de 80 ans. En effet, comme on peut s’en douter, ce sont les plus de 80 ans qui en bénéficient le plus, avec 40,4 % de cette classe d’âge qui ont reçu au moins une dose de vaccin, soit 1 677 987 personnes. Pour les deux doses, ce sont 941 846 personnes qui en ont bénéficié, soit 22,7 %.
Dès le début du mois de février, le taux d’incidence des plus de 80 ans a amorcé une descente, qui n’a depuis pas été stoppée. Alors qu’il était de 328 pour 100 000 habitants au 31 janvier, il a chuté en dessous de 160 cas positifs pour 100 000 habitants. Alors même que, comme on l’a vu, le taux d’incidence tous âges confondus a augmenté en France pour s’élever à 238 pour 100 000 habitants au 13 mars. En outre, à l’hôpital, le même phénomène peut être observé, autour de la deuxième semaine de février : le nombre de personnes de plus de 80 ans hospitalisées pour Covid-19 baisse, pendant que celui des patients de moins de 80 ans augmente. Alors que, comme l’explique France Info, depuis le début de la crise sanitaire, les deux courbes suivaient le même mouvement. Et désormais, pour la première fois, elles se dissocient.
Il est impossible encore aujourd’hui d’affirmer que les vaccins sont les uniques raisons de ces bonnes nouvelles épidémiques, mais avec les résultats de l’enquête lancée par Israël sur sa population, montrant que l’injection des deux doses du vaccin Pfizer/BioNTech était efficace à 95,8 % contre la contamination par le coronavirus, on peut supposer que les vaccins ont sans doute leur rôle à jouer dans la baisse des formes graves détectées chez les plus de 80 ans. Ce qui est une très bonne nouvelle.
Ce lundi 15 mars a été riche en informations de tous bords, qui montrent surtout qu’on est très loin d’être sortis du sable. Si Strasbourg devrait somme toute échapper à un troisième confinement, les nombreux couacs dans la campagne de vaccination, à l’échelle mondiale, font redouter une sortie de crise encore repoussée. Alors courage à toutes et tous.
Par rapport aux phlébites, peut-être pourrait-on parler de risque plutôt que de chance ?