Depuis le vendredi 8 novembre, l’équipe éducative du collège Lezay-Marnésia à Strasbourg a engagé un bras de fer avec la Collectivité européenne d’Alsace pour loger les familles de huit élèves sans-abris.
Un collège occupé par l’équipe éducative tout le week-end du 11 novembre, une grève suivie par 80% du personnel le mardi 12 novembre et, enfin, la décision hier soir de mettre à l’abri cinq adultes et 17 enfants (dont huit élèves) dans le CDI de l’établissement.
Les professeur(e)s du collège Lezay Marnésia à la Meinau ont entamé un bras de fer avec la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) pour réclamer la mise à disposition des logements de fonction de l’établissement, afin d’offrir un toit aux familles de leurs élèves sans-abris.
Huit élèves du collège dorment dehors tous les soirs
Depuis 2019, le personnel éducatif du collège Lezay Marnésia se mobilise pour réclamer une solution pour les élèves sans-abris accueilli(e)s au sein de l’établissement. Lors de l’année scolaire 2023-2024, quatre élèves vivaient ainsi à la rue.
Depuis la rentrée de septembre, ce sont huit jeunes de cinq familles qui sont concerné(e)s pour ce seul établissement. À Strasbourg, les associations estiment que plus d’une centaine d’enfants dorment chaque soir dans des tentes ou des abris de fortune.
Pour ces enfants, vivre à la rue signifie l’impossibilité de suivre une scolarité normale. Les professeur(e)s témoignent d’élèves épuisé(e)s par le froid et les conditions de vie indignes, de difficultés à suivre les apprentissages et enfin d’élèves vivant dans la honte de leur situation.
Si la solidarité du personnel éducatif et l’aide des associations permettent de pourvoir aux besoins les plus pressants des familles, le personnel du collège de la Meinau se mobilise depuis des mois pour qu’une solution pérenne soit trouvée pour les héberger.
Des logements vides dans les collèges
Les élu(e)s d’opposition de la Collectivité européenne d’Alsace estiment que 162 logements de fonction sont vides dans les collèges alsaciens. Ces appartements, destinés à loger le personnel des établissements scolaires, ont déjà été utilisés en 2022 pour accueillir des familles ukrainiennes réfugiées en France.
Depuis plusieurs mois, un collectif citoyen rassemblant le personnel éducatif du collège Lezay Marnésia et des militant(e)s d’associations demandent qu’ils soient mis à la disposition des familles des élèves sans-abris.
Au collège Lezay-Marnésia, deux logements sont disponibles et les enseignant(e)s mobilisé(e)s ont obtenu l’autorisation du rectorat d’y loger des familles. La Collectivité européenne d’Alsace, gestionnaire des collèges, s’y oppose. Face à ce refus, le personnel éducatif a décidé d’occuper l’établissement pendant trois jours lors du week-end du 11 novembre, puis s’est mis en grève mardi 12.
« Hier soir, face au refus des autorités de trouver une solution pour ces élèves et surtout face au froid qui s’installait, nous avons décidé de faire rentrer les familles dans le collège pour la nuit », explique Baptiste Greib, professeur de français et de latin. Ainsi, parmi les cinq familles sans-abris de l’établissement, quatre ont pu passer la nuit au chaud dans le CDI, la dernière étant hébergée chez une enseignante.
« On attend juste une solution pour ces familles, tant qu’on ne l’aura pas, on est déterminé à continuer »
De son côté, Nicolas Matt, vice-président de la CEA en charge de la jeunesse et de la réussite éducative, renvoie vers la responsabilité de l’État qui doit assurer l’hébergement d’urgence de ces familles.
Dans un échange avec deux enseignantes du collège de la Meinau rapporté par Rue89 Strasbourg, il explique que la collectivité souhaite utiliser ces logements pour les publics dont elle a la responsabilité, à savoir les mineur(e)s non accompagné(e)s. L’élu argumente également sur la nécessaire mise aux normes de ces appartements.
Mercredi 13 novembre, le personnel éducatif mobilisé indique que faute d’une proposition d’hébergement, les familles viendraient de nouveau passer la nuit dans l’établissement. Surtout, qu’à défaut d’une solution pérenne pour elles, l’action des enseignant(e)s se poursuivrait. « On est du côté du bon sens, il y a des gamins qui dorment dehors alors qu’on a des logements vides, précise Baptiste Greib. On attend juste une solution pour ces familles, tant qu’on ne l’aura pas, on est déterminé à continuer. »