L’an passé, nous avions adoré l’exposition SurréAlice – et sa merveilleuse muséographie – que nous t’avions conseillée de visiter au MAMCS (Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg). « Aux temps du sida : Œuvres, récits et entrelacs », l’expo qui s’y tient en ce moment, nous épate tout autant. Prévue jusqu’au 4 février 2024, cette dernière nous entraîne dans un voyage sur quarante ans de créations, avec le sida en toile de fond.
Quarante ans après la découverte du virus du sida, le MAMCS accueille une toute nouvelle exposition : « Aux temps du sida : Œuvres, récits et entrelacs », qui « parle d’un temps encore non révolu où l’épidémie n’est pas surmontée en dépit d’importantes avancées médicales » lit-on dans l’édito. Un anniversaire que l’on ne préférait pas fêter mais qui prend ici, une forme d’hommage.
L'histoire d'une crise sanitaire mondiale
Si nos générations sont nées après son apparition, ce n’est que dans les années 1980 que le sida se fait connaître, en « explosant de manière incontrôlable aux États-Unis, en France et bientôt partout dans le monde ». D’abord sous la forme du VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine) puis du sida – son stade ultime – qui fait alors des ravages. On dénombre à ce jour quarante millions de décès.
Loin d’être aujourd’hui éradiqué, c’est dans les années 1980 et 1990 qu’il connaît son pic. Par manque de connaissances, de prévention et de traitements, le virus se propage et décime des communautés entières.
Mais l’épidémie a rencontré en quarante ans, la résistance et le génie, aussi : « le virus emporte une génération de créateurs et créatrices, d’écrivains et écrivaines, de chorégraphes, de cinéastes, de plasticiens et plasticiennes… tandis que la maladie s’insinue, de façon manifeste ou en filigrane, dans les œuvres. ». En effet, nombre d’entre elles et eux ont créé pour témoigner, rendre hommage, voire même s’en amuser pour mieux lutter.
Car « cette crise sanitaire va aussi se révéler une crise des représentations qui occasionne, jusqu’à aujourd’hui, l’apparition de nouvelles formes dans la création » nous dit-on.
Et puis le sida, c’est aussi l’histoire de militantismes, d’engagements avec l’apparition de nombreux collectifs (ActUp, Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence pour ne citer que ceux-là).
Quarante années où se sont « entremêlé[e]s des moments de peur, de deuil, de courage, de solidarité, d’espoir » qui se voient ici retracées, au travers d’une exposition pluridisciplinaire « où les arts plastiques, la littérature, la musique, le cinéma, la danse rencontrent la recherche scientifique, la culture populaire et l’action déterminante des associations ».
Une muséographie immersive
Intelligemment construite, l’exposition propose un parcours thématique et immersif, savamment dessiné. Après avoir longé Le Couloir du Temps (« qui raconte le sida » au travers de ses avancées médicales, politiques, artistiques), on se retrouve face au visage souriant de John Hanning enfant : « I survived AIDS » nous dit-il dès l’entrée (dans un photomontage numérique de 2013).
Non loin de lui : l’œuvre « Sans titre. Viva La Muerte » de Bruno Pélassy (1996). Un artiste que l’on retrouve à la sortie, comme pour nous escorter, avec un « Gracias a la vida » (1996). La messe est dite : si on honore les morts, on célèbre aussi la vie. L’exposition choisit de « mise[r] sur la pulsion de vie qui innerve la création ».
Au détour d’une porte (qu’il ne faudra pas hésiter à pousser), des tickets « chance » à piocher te citeront des extraits de Copi, dans une ambiance boîte de nuit. Ailleurs, on s’assoit dans un canapé pour regarder des archives d’actions militantes ; ou on rentre dans le placard pour découvrir des photos de Robert Mapplethorpe…
Partout : des extraits de films, d’opéras, de spectacles, de livres, ainsi que des affiches, des œuvres plastiques, de la photo (avec une salle entière réservée à des tirages géants de photos de Nan Goldin), des installations… La production est immense, à l’image de cette pandémie. Les émotions se mélangent : on s’émeut, on sourit, on se tait et on contemple.
On pense aux victimes, aux militant(e)s et aux artistes qui ont sorti ce « scandale » du placard, qui ont su mobiliser les politiques et scientifiques et sensibiliser le public. Avant elles et eux, le sida était la maladie des « 4H » (homosexuels, héroïnomanes, hémophiles et Haïtien(ne)s), que l’on ne voulait pas voir. Taboue, on préférait la taire. « Silence = Death » écriront et crieront en réponse, les slogans d’ActUp.
En donnant à voir, en faisant savoir, l’exposition continue ainsi la mission de ses artistes et collectifs. Un travail de mémoire, et de sensibilisation qui, à l’heure où l’on soigne le VIH mais où l’on n’en guérit toujours pas, est vital. On ne peut que conseiller de la visiter !
Une « Permanence » et les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence
Pour aller plus loin, direction La Permanence. Installée dans le fond de la nef du MAMCS, derrière un mur, celle-ci est un « lieu dévolu à la rencontre, à la pause, à l’échange ». Pendant toute la durée de l’accrochage de l’exposition (jusqu’en février 2024, donc), se tiendront des réunions pour s’informer, discuter, avec des associations et acteurs et actrices du secteur médico-social.
Informations sur « le virus, le dépistage, les droits, l’accompagnement des malades et des familles » y seront dispensées, au sein du musée. On y croise par exemple les associations AIDES ou Ithaque…
Ou plus atypique et immanquable : la venue des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence du Couvent de Paris qui nous inviteront le dimanche 3 décembre à venir « [nous] confesser, faire absoudre tous [nos] péchés ».
Connues internationalement depuis leur « création » à San Francisco en 1979 par un groupe de militants homosexuels, Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence ont depuis fait des petits avec des couvents aux États-Unis, en Australie, en Amérique du Sud et en Europe, à Londres, ou Paris…
Volontairement outrageantes voire provocantes, elles font le vœu d’aider leur communauté et la société de « lutter contre les exclusions, de prôner la tolérance, la non-violence et la paix, de lutter contre le sida en apportant leur aide charitable ». En « répandent à tout moment des messages de prévention par la promotion du sexe sans risque ».
Une programmation Hors-Les-Murs de Strasbourg à Mulhouse !
En parallèle de l’exposition, toujours, mais en dehors du musée, cette fois : focus sur la programmation Hors-Les-Murs. À l’instar de La Permanence, elle nous donnera régulièrement rendez-vous jusqu’en février. Des projections ciné de documentaires, de films…
On y verra par exemple le multi-récompensé Juste la fin du Monde de Xavier Dolan (entre autres : Grand Prix du Festival de Cannes 2016 et César de la Meilleure réalisation…). À (re)découvrir au VOX, le 29 novembre, suivi d’une rencontre avec l’association Aides.
Du côté de la scène, le TNS – Théâtre national de Strasbourg présentera les 31 janvier et 3 février des lectures : SIDALIDA – lectures ; et Pôle Sud, la rediffusion les 22 et 23 novembre de la captation de “Alain Buffard Good Boy” (création 1998, réinterprétation 2012, transmission 2023).
Tandis qu’à La Filature de Mulhouse, on pourra découvrir « 40° sous zéro », L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les Quatre Jumelles de Copi, mis en scène par Louis Arene (27 et 29 octobre). Ou les 20 et 21 février : Juste la fin du monde mis en scène par Hugo Favier. La pièce de Jean-Luc Lagarce qui a donné lieu au film de Dolan.
En bref : « Aux temps du sida. Œuvres, récits et entrelacs » est un temps fort de la programmation strasbourgeoise, un immanquable de ces prochains mois. À voir, à faire jusqu’en février 2024
Événement
Exposition « Aux temps du sida. Œuvres, récits et entrelacs »
Quoi ?
Exposition pluridiscilpinaire au MAMCS
Quand ?
Jusqu’au 4 février 2024
Ouvert en semaine de 10h à 13h et de 14h à 18h
Samedi et dimanche de 10h à 18h / Fermé le lundi
Week-end festif et gratuit les 1er, 2 et 3 décembre
où ?
Au MAMCS – Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg
1, place Hans-Jean Arp à Strasbourg
Plus d'infos ?
+ d’infos sur l’exposition, les rendez-vous de La Permanence et la programmation Hors-Les-Murs
(Accès libre à La Permanence)