À Strasbourg, sur le campus d’Illkirch, il existe ce que l’on appelle un restaurant d’application : un espace pédagogique où les jeunes élèves du Lycée Alexandre Dumas apprennent, en situation réelle, les rouages des métiers de la restauration, dans une cuisine et une salle de restaurant grandeur nature. Chefs cuisiniers, sommeliers, serveurs, barmans ou encore traiteurs : d’importants moyens matériels et humains sont mis en place pour que les élèves se familiarisent avec leur futur métier, dans des conditions optimales. Nous avons passé une matinée avec eux, hors des salles de classe, pour nous plonger dans le monde passionnant des meilleurs chefs de demain.
Le Lycée Alexandre Dumas est un établissement d’enseignement supérieur, une institution en Alsace et une référence dans le monde de l’éducation.
Crée en 1921, il prépare la jeune génération aux métiers de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme à travers des cursus d’enseignement généraux, professionnels et technologiques, de la troisième jusqu’au bac + 2.
Les élèves, qui suivent une formation initiale continue complète, sont formés par les meilleurs professeurs dans un environnement récemment remis à neuf qui donnerait presque envie de retourner sur les bancs de l’école.
Mais au Lycée Alexandre Dumas, les élèves du cursus restauration troquent souvent les bancs des salles de classe pour une tenue de tissu blanc, une toque et des chaussures de cuisine.
Cette panoplie du parfait chef cuistot, ils l’arborent lorsqu’ils quittent la classe pour des exercices réalisés au sein du restaurant d’application, situé au cœur du lycée.
C’est dans cette tenue que nous nous sommes fondu pour rencontrer et suivre la classe de Terminal Pro lors d’une épreuve de cuisine en contrôle continu et en situation réelle, la dernière de leur longue et exigeante année de formation.
Au plus près des fourneaux, nous les avons suivi tout au long de cette matinée riche en émotions, en saveurs et en parfums, et nous avons même eu la chance de nous mettre à table, une fois le coup de feu terminé, pour goûter à leurs réalisations. On vous dit tout sur ce bout de journée étonnant.
Une matinée pour cuisiner, présenter et servir un menu gastronomique complet
Alors qu’il fait à peine jour, les élèves de Terminal Pro, toque sur la tête et blouse blanche au corps, s’affairent déjà en cuisine. Il y a un peu de bruit et une légère tension, mais chacun(e) est déjà à sa tâche.
Ce jour-là, toute la cuisine, ainsi que la salle et le bar du restaurant d’application, sont en ébullition : c’est le dernier test grandeur nature de l’année pour ces élèves au visage concentré.
Il va falloir travailler dur pour servir quelques 60 clients, des curieux comme vous et moi venus pour se faire surprendre et goûter à la cuisine de ces futurs chefs de talent.
Aujourd’hui, le but de l’exercice est de préparer un repas complet intitulé « Premier pas dans le printemps », un menu gastronomique en 5 temps (proposé à seulement 28 €) dont la lecture donne le ton de la matinée :
Salade printanière 2023
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Dorade Meunière
Coquillage et beurre blanc
Légumes printaniers
ou
Médaillon de veau fumé
Siphon de pommes de terre fumée
Jus réduit à la Sarriette
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Assiette de fromages
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Glace aux asperges blanches
Asperges pochées
Tuiles aux noisettes
Imaginé en partenariat pédagogique avec la cheffe Bérangère Pélissard, qui officiait dans les cuisines du restaurant Le Comptoir à Manger à Strasbourg (aujourd’hui fermé), le menu du jour a été pensé en amont de cette journée avec les élèves.
Ensemble, ils sont allé arpenter les allées du marché de producteurs du Neudorf pour dégoter les meilleurs matières premières : des produits frais, bruts, de qualité, travaillés ici simplement et toujours sublimés grâce à une cuisson et un assaisonnement au plus juste, sans faire de fioritures (c’est la consigne aujourd’hui).
Le top départ est donné !
En cette première partie de matinée, c’est le son des couteaux qui épluchent et taillent les légumes qui se fait le plus entendre.
Asperges, poireaux, carottes, navet, céleri branche, fenouil et j’en passe : c’est un travail de longue haleine. Et lorsque l’on sait que l’entrée est composée de 12 fruits et légumes, chacun préparé et cuit différemment, il y a du boulot et le temps presse.
Les premières pâtes s’étalent avec vigueur sur les plans de travail, les découpes vont bon train, et juste à côté, les premiers fonds de poêle sont déglacés pour tirer les futurs jus.
Les chefs professeurs Sébastien Guillaume et Edouard Braun, diffusent leurs précieux conseils, et lorsque le temps se fait long, un petit élan de motivation général se fait entendre. Puis, le son des casseroles s’arrête le temps d’un instant pour laisser place à quelques mots lancés qui reboostent la brigade.
Les cuissons commencent. Ici, on poche, on flambe, on saisit, plus loin on grille, et au plus près de la hotte, la cheffe Pélissard donne un rapide cours de fumaison : un exercice réalisé en un tour de main plutôt vigoureux qui suscite la curiosité d’une bonne partie des élèves.
Les premiers sourires se dessinent, la tension se dissipe peu à peu et les élèves prennent du plaisir. Ils prennent du plaisir à travailler, à échanger, à découvrir et transmettre leur savoir-faire à leurs camarades, comme le constate la cheffe Pelissard :
« Lorsque j’observe l’énergie de ces élèves, leur implication et leur motivation, je trouve ça assez bluffant. C’est génial de voir à quel point la prochaine génération est qualifiée et engagée. Il y a de la technique et du savoir-faire, bien sûr, mais il y a également un état d’esprit que je trouve très bon, avec beaucoup de bienveillance et d’entraide. Je suis très confiante lorsque je pense à ce que ces élèves apporteront à ce métier, à travers leurs savoirs, mais aussi à travers leur valeur de tolérance et d’acceptation de l’autre.”
Alors que les parfums commencent à se mélanger en harmonie pour former un tout délicieux, et que les premiers couverts commencent à être dressés en salle, on discute température de service, on vérifie tous les détails, et plus loin, certains élèves ajustent des temps de cuissons jugés trop longs, toujours en accord avec les professeurs.
Plus les heures passent, plus les parfums sont marqués. Alors que certain(e)s élèves partent pour déjeuner, le dressage de l’entrée froide se dessine, et le pôle dédié aux cuissons rapides (comme pour le snacking d’une viande qui se fait au dernier moment pour la conserver à température), se tient prêt à envoyer.
Monsieur Guillaume tape des mains, un léger retard est constaté. Les viandes reposent avant la découpe, le plateau de fromages prend forme, les tartelettes et les brioches feuilletées sont juste dorées, et dans une petite salle annexe, devant un tableau blanc, les chefs professeurs donnent les dernières instructions avant le service.
Ça y est, l’assiette printanière est presque montée, les élèves en salle sont prêts, et les premiers clients du jour arrivent en grappe.
L’équipe nous invite à nous installer en salle, c’est l’heure (et c’est un vrai honneur) de goûter à toutes ces magnifiques réalisations.
Une salle de restaurant qui s’anime, le ballet des assiettes qui commence
Si une bonne partie de matinée a été passée en cuisine, proche des fourneaux, ce qu’il se passe en salle et autour du bar n’en est pas moins important (et passionnant). Là aussi, nous l’avons vécu au plus près.
Comme dans n’importe quel restaurant gastronomique, nous sommes accueillis avec courtoisie dans un environnement agréable et confortable, et tout le monde est élégant, sauf moi. Mon manteau est déjà au vestiaire, on nous dirige vers notre table.
Responsable de salle, maître d’hôtel, sommelier, barman, serveur : chacun(e) sait exactement quelle tâche il doit accomplir, et le moins que l’on puisse dire c’est que les élèves semblent prêts à montrer ce qu’ils savent faire, on les sent très impliqués.
Tout comme en cuisine, les professeurs observent les faits et gestes des élèves et les évaluent au visu, comme de vraies tours de contrôle, ils les conseillent également le plus discrètement possible pour ne pas perturber le service.
Ces jeunes gens, de 16 ou 17 ans, en plus d’être confrontés à de vrais clients en situation réelle, ont donc des yeux dans le dos. C’est le jeu, bien sûr, mais lorsque l’on imagine le niveau de stress que ces situations peuvent engendrer, on ne peut que leur tirer notre chapeau !
Une pré-entrée arrive, accompagnée d’un cocktail sans alcool rafraîchissant, puis, l’entrée printanière est posée : une assiette à la palette de couleurs flamboyante et aux saveurs étonnantes. Acidité, sucré, salé, amertume, croquant, tendreté, couleurs, tout y est, on se régale.
Les élèves sont au petit soin, on nous propose du vin, le moment est aussi agréable que l’entrée est délicieuse.
Le poisson passe, plus qu’appétissant, puis le médaillon de veau fumé est posé. Là aussi, selon notre humble avis, tout est réussi. La cuisson de la viande et des légumes est au plus juste, et on ne parle même pas de ce jus bien réduit et bien corsé qui nous fera recommander du pain pour ne pas en laisser un centilitre.
Enfin, pour le dessert, la glace à l’asperge est une pure découverte, une trouvaille qui nous fait terminer le repas sur une note juste sucrée d’un pur bonheur. C’est un repas qui nous laissera de très, très bons souvenirs, gustatifs et olfactifs mais pas seulement !
On a pu observer une brigade d’élèves à la fois motivés et pleine de talents, une véritable équipe qui regroupe différents métiers qui fonctionnent en symbiose, et c’est presque le plus important.
Ensemble, pendant près de 5 heures, ils ont travaillé dur dans la chaleur de la cuisine pour nous offrir un pur moment de partage et de plaisir éphémère : un repas dans lequel ils ont mis toute leur énergie et leur savoir-faire.
Merci à toute l’équipe du Lycée Alexandre Dumas pour leur accueil chaleureux, et bravo aux élèves de Terminal Pro pour leur travail.
Bel article, Merci, par contre, mon prénom est Édouard, et non Norbert ; )
C’est corrigé merci 🙂