Récemment, l’Eurométropole clôturait son dispositif de participation citoyenne sur le projet du Tram Nord, qui reliera Strasbourg à Schiltigheim et Bischheim, en passant par l’avenue des Vosges. L’occasion de revenir sur quelques points de ce vaste chantier, encore en question ou qui font débat.
Le 10 juillet dernier, l’Eurométropole organisait une nouvelle conférence de presse sur le Tram Nord. Le sujet ? L’implication des citoyens et des citoyennes dans ce projet extrêmement ambitieux qui compte transformer Strasbourg et le nord de l’Eurométropole en 2027, mais qui n’en finit pas de faire débat. Pourtant, si l’on se fie à l’exécutif de l’Eurométropole, tout est beau, tout va bien.
Pia Imbs, Jeanne Barseghian, Danielle Dambach et Alain Jund sont en effet revenu(e)s sur un processus « inégalé de participation citoyenne » qui a « enrichi le projet », selon les termes employés, forcément laudateurs. Le seul à ramer dans l’autre sens était Jean-Louis Hoerlé, maire de Bischheim. Quoiqu’il en soit, cette conférence de presse nous offre l’occasion de refaire un point d’étape sur quelques sujets chauds du Tram Nord.
La participation citoyenne a-t-elle changé les choses ?
À tout seigneur tout honneur, commençons par le sujet de la conférence de presse. Selon Alain Jund, l’éxécutif s’est « imposé un processus de consultation citoyenne et de débats public à la hauteur », rien que ça. Dans le détail : 6 réunions/ateliers pour le grand public, 8 permanences dans les mairies et des dizaines de réunions/ateliers d’échanges. L’Eurométropole a donc en effet consulté… même si cette consultation a eu lieu après avoir déjà annoncé 90% des grandes lignes du projet.
Néanmoins, toujours selon Alain Jund, « le processus de participation citoyenne a enrichi le projet ». Concrètement, l’exécutif a joué « cartes sur table », en partageant littéralement sur des tables les plans d’aménagement et de circulation, permettant ainsi aux habitant(e)s de dessiner leurs attentes sur certains secteurs, comme la place des Fêtes, le place de Haguenau ou une partie de l’avenue des Vosges.
Place de Haguenau, les Strasbourgeois(es) désirent ainsi un biergarten, du mobilier de skate, une fontaine d’eau potable, un kiosque à musique et des toilettes publiques. Côté Schilik, une passerelle à grenouilles, un mur d’escalade, un parcours santé et des tables de pique-nique sont demandés.
Pour la place des Fêtes, qui porte pour le moment mal son nom tellement elle est mal agencée, les Strasbourgeois(es) ont proposé des jeux d’échecs géants, la réouverture de la brasserie située sur la place et le maintien de la zone piétonne. Enfin, côté rue Paul Muller Simonis, on attend du stationnement utile, des commerces de proximité et pourquoi pas un marché.
Finalement, ces enrichissements, qu’il faudra garder en tête pour voir si l’exécutif les suit, restent à la marge. Dès lors, une question demeure : la participation citoyenne a-t-elle changé des axes forts du projet qui font débat ?
De l’aveu même de l’exécutif, « il n’y a pas eu beaucoup d’évolutions ». Reste néanmoins « une compréhension plus globale » du projet, clé principale de son acceptation.
Les pistes cyclables avenue des Vosges ont-elles été revues ?
Un des points de débat concerne les deux pistes cyclables prévues avenue des Vosges. Pour rappel, celles-ci seront à sens unique et d’une largeur de 2,25m. Mais surtout : elles partageront un espace de 6m de largeur avec les piétons, qui occuperont eux un trottoir de 3,25m, une immense amélioration par rapport à aujourd’hui. Mais cette cohabitation piétons-cyclistes concentre les critiques de toutes parts.
Il y a d’abord celles des associations. Trois d’entre elles, Strasbourg à Vélo, Piétons 67 et l’association de quartier Vosges-Neustadt, publient le 8 juillet dernier une lettre ouverte intitulée « Réaménagement de l’avenue des Vosges : contre les pistes cyclables sur les trottoirs ». L’association Vosges-Neustadt envoie dès le lendemain à la presse un certain nombre de reproches quant à la décision. Mais surtout, il y a les critiques de membres de la majorité, dont celles de Sophie Dupressoir, élue à la ville marchable et cyclable, qui « [avait] rêvé mieux pour l’avenue des Vosges et ses 30m de large ».
Alors qu’est-ce qui coince ? Sur la forme, Vosges-Neustadt critique une concertation « peau de chagrin », avec « un seul atelier [réalisé, ndlr] dans des conditions exécrables ». Sur le fond, elle reproche à l’exécutif de ne pas tenir ses promesses du Plan Piéton, qui prévoit des pistes cyclables déplacées sur la chaussée et sécurisées.
Elle déplore également que « l’emplacement de la végétalisation dans le projet empêche un aménagement de la piste cyclable sur la chaussée » et que la vie de quartier en ressortira affaiblie, puisqu’il « sera impossible aux habitants et touristes de déambuler en toute sécurité ».
Face aux critiques citoyennes, Jeanne Barseghian met en avant « un travail très fin mené sur les plans de circulations », tout en rajoutant : « Quand on maintient les alignements d’arbres, on doit sur un espace donné faire avec un certain nombres de contraintes qui limitent le nombre d’options ». En clair, la maire persiste et signe : cette solution est la seule qui permet un aménagement équilibré.
On se gare comment avenue des Vosges ?
Autre grosse préoccupation : la question du stationnement sur la fameuse avenue des Vosges. Avec l’arrivée du tram, les voitures en rive des façades seront enlevées, et les emplacements deviendront des places violettes, dites de « stationnement utile ».
L’exécutif tente tout de même de rassurer, en parlant de 250 places disponibles la nuit et 500 places disponibles en journée dans le secteur, désormais passé en zone orange.
Le stationnement dans le secteur passera également par la construction d’un nouveau parking entre la rue Jacques Kablé et la rue de l’Église Rouge, sans qu’il n’y ait pour l’instant plus d’informations sur le nombre de places. On sait seulement que les résidents pourront avoir un abonnement.
L’exécutif met aussi en avant le parking P3 des Halles et ses 400 et 500 places disponibles, sauf en période de marché de Noël, et celle des parkings-relais, disponibles gratuitement lorsqu’on possède un abonnement CTS.
Comment circuler à Strasbourg, lorsqu'on ne pourra plus rouler sur l’avenue des Vosges ?
Niveau circulation, la question des voitures interroge, puisqu’aux termes des travaux en 2027, il ne sera plus possible d’emprunter l’avenue des Vosges pour aller d’un point A à un point B. Ensuite, l’exécutif espère une diminution de 30 à 40 % de la circulation automobile dans la ville.
La question qui se pose est donc la suivante : comment les 20 000 voitures qui empruntent quotidiennement l’avenue pourront-elles encore circuler à Strasbourg ?
Pour les irréductibles automobilistes, il y aura plusieurs solutions de repli. La première : la M35 et la rocade Sud, pour les destinations les plus éloignées du quartier, comme l’Allemagne. Ensuite, c’est la M2350 qui deviendra la nouvelle star des voitures. Éloignée des habitations, elle permettra d’accéder au Nord et à l’Est du centre-ville comme ceci :
- Pour les habitant(e)s de l’avenue des Vosges, les accès se feront par les carrefours Alice Mosnier et Église Rouge, qui sera bientôt créé.
- Pour celles et ceux du Conseil des XV, il faudra passer par l’avenue Herrenschmidt et la place de Bordeaux, où apparemment le fonctionnement des feux sera revu. On souhaite bon courage aux automobilistes, vu l’enfer que représente cette place.
- Enfin, le boulevard de Dresde et la rue Raiffeisen seront les nouvelles places to be pour les habitant(e)s de la Robertsau.
Parce que tout cela est compliqué, l’exécutif a produit une plaquette explicative avec moult schémas. Mais il faudra des yeux, ou lunettes, acérés pour tout bien comprendre. Enfin, pour accéder aux Halles, à la place Kléber ou le Faubourg de Pierre, pas de panique, cela se fera toujours place de Haguenau.
Quel accès à l’autoroute avec la refonte de la place de Haguenau ?
Cette place de Haguenau va elle aussi connaître de forts changements, qui vont chambouler la façon dont les voitures circuleront. La place va en effet devenir un parc de 16 hectares, ce qui impliquera d’enlever les bretelles et ouvrages autoroutiers, et notamment le grand viaduc.
Mais pas de panique : on remet les bretelles à l’Ouest du parc, dans une circulation à double sens, le long des voies SNCF. L’accès à la M35 vers le Nord depuis et vers la place est donc maintenu. Par ailleurs, depuis le Wacken, l’accès vers le Nord se fera par une nouvelle bretelle au niveau de l’échangeur de Cronenbourg.
De son côté, l’accès à la M2350, bientôt indispensable pour accéder à Strasbourg vers le Sud, se fera par un nouveau carrefour à feux, avec l’aide des deux autres carrefours existants.
Enfin, pour accéder à Cronenbourg et Schiltigheim depuis la M35 venant du sud, il faudra sortir au niveau des Halles. Pour aller à Schilik en venant du nord, cela se fera par une nouvelle bretelle de sortie depuis la M35, sur l’avenue de la 2e Division Blindée.
Est-ce que le projet du Tram Nord ne bougera plus jusqu'au début des travaux ?
Dernière question, et non la moindre, notamment pour les opposants au projet : est-ce que celui-ci est gravé dans le marbre ? Selon Alain Jund, pas tout à fait. Le vice-président de l’Eurométropole chargé des mobilités rappelle en effet que la période d’enquête publique pourra « remettre en cause le projet et de le réajuster », comme elle a pu le faire pour le projet du Tram Ouest.
Celle-ci débutera en mai 2024, après des études et concertations supplémentaires. Elle se tiendra jusqu’en septembre, avant de laisser la place, si tout va bien, à la déclaration d’utilité publique en octobre. Débutera alors la longue phase des travaux, qui s’achèvera normalement à la mi-2027. Soit un an après de nouvelles élections municipales, qui s’annoncent bouillantes.