Symbole d’un certain type de tourisme à Strasbourg, le petit train est un acteur incontournable, littéralement, du centre-ville. Afin de pouvoir, enfin, nous faire notre propre opinion sur cette locomotive, on a embarqué à bord, le temps d’un tour de Strasbourg, à hauteur de train.
Quand on est Strasbourgeois(e) et qu’on déambule dans le centre-ville de Strasbourg, ou dans la Neustadt, difficile de le manquer. Lui, c’est le petit train pour touriste, qui parcourt Strasbourg tous les jours, de mi-février à mi-novembre. Un symbole du tourisme dans notre ville, qui n’a pourtant pas bonne réputation parmi ses habitant(e)s : au mieux un peu kitsch, au pire, un peu ringard.
En plus, il semble être uniquement là pour permettre à des touristes, assez âgés généralement, de visiter l’hyper centre-ville en mode carte postale. Pour les Strasbourgeois(es) qui prennent des cafés en terrasse au Café Bretelles de la Petite France, il est également synonyme de gêne, puisque le véhicule frôle nos mollets à chaque fois qu’il revient rouler sur les pavés. Mais, comme on n’a pas les idées arrêtées, on s’est dit qu’il était grand temps de se sacrifier, et d’aller faire ce que les Strasbourgeois(es) ne font pas : le tester.
1er arrêt : choisir son parcours
Avec une amie quelque peu réfractaire, on se rend donc place de la Cathédrale pour faire un tour de petit train. Avant d’embarquer dans une aventure que n’auraient pas reniée Bilbo et Frodon Sacquet, il faut d’abord choisir son parcours. Deux choix s’offrent à nous : la Petite France, ou la Neustadt.
L’un part de l’Office de Tourisme et nous emmène dans le Strasbourg de carte postale de l’hyper-centre pour une trentaine de minutes. L’autre part de la place du Château et nous emmène côté charme impérial allemand sur une quarantaine de minutes. Réflexion faite, on a bien envie de voyager dans une carte postale ; destination la Petite France !
Une quarantaine de touristes, tous et toutes assez âgé(e)s, attendent patiemment dans le bolide, le temps qu’il démarre. S’il peut en accueillir 60 au maximum, il peut aussi rouler avec seulement 6 personnes dedans. On monte dans le petit train, moyennant un ticket de 8 € chacun(e), et l’on découvre des guides audio qui peuvent parler 16 langues.
Attendant patiemment le départ, on se sent quelque peu épié(e) par les non initié(e)s du petit train, représentant une sorte d’attraction pour les Strasbourgeois(e). Cela fait tout drôle de passer de l’autre côté. On n’a néanmoins pas le temps de s’appesantir sur des réflexions philosophiques puisque la cloche sonne enfin. C’est l’heure du départ !
2e arrêt : histoire et visite de Strasbourg en mode carte postale
Bien installé(e)s dans le petit train, on se met en route. Des petites anecdotes sur la Maison Kammerzell s’égrainent dans nos oreilles, alors que l’on prend la rue Mercière, pour se diriger place Gutenberg. De nombreuses personnes nous regardent d’un air circonspect, obligées de se décaler dans l’étroite rue devant le passage du train. Trop occupé(e)s à écouter la petite histoire de notre Gugu local, sur sa place qui vibre au bruit du carrousel, on n’y fait pas attention..
On arrive ensuite sur la jolie place Saint-Thomas, qui accueillera bientôt le Village du FARSe. Les anecdotes sur l’histoire protestante du lieu égaient la traversée, sous un soleil déjà fort, alors qu’on se dirige vers le quartier carte postale par excellence : la Petite France.
Alors que l’on pensait que les guides du petit train allaient passer certains détails sous silence, les anecdotes sur le quartier le plus pittoresque de la région n’éludent finalement pas l’origine de son nom, que l’on vous racontait ici. Il faut dire que cette anecdote n’est pas à mettre sur toutes les cartes postales : quartier aux odeurs de tanneries, La Petite France a accueilli le premier hôpital de traitement de la syphilis, ramenée d’Italie par des mercenaires allemands ayant combattu pour la France.
On passe ensuite évidemment par la rue du Bain-aux-Plantes, pour faire un coucou aux personnes attablées au Café Bretelles (attention les mollets !). On arrive alors vers les Ponts Couverts et le barrage Vauban, où l’on passe devant tous les spots les plus instagrammables de Strasbourg, mais aussi par l’Hôtel du département.
On continue ensuite notre périple en repartant vers la rue Finkwiller. On tourne au niveau de la rue de la Douane, passant devant la maison Lauth. On enchaîne alors sur la rue du Vieux-Marché-Aux-Poissons et la place des Tripiers, avec des anecdotes sur la statue du chevalier Liebenzeller. On passe ensuite par la rue des Hallebardes, direction rue des Juifs, elle aussi forte d’un sacré historique.
En effet, elle fut nommée ainsi à cause du massacre de la Saint-Valentin en 1439, où un millier de Juifs strasbourgeois furent amenés au bûcher par d’autres Strasbourgeois(es), car ils étaient considérés comme responsables de la peste noire qui inquiétait la ville. On termine ensuite rue du Dôme et place de la Cathédrale, bouclant la boucle.
3e et dernier arrêt : le verdict
Tout en gardant bien en tête que les Strasbourgeois(es) ne sont absolument pas le public cible du petit train, en descendant du petit train, le verdict est mitigé.
Premièrement, c’est finalement moins kitsch que ce à quoi on aurait pu s’attendre. De plus, les étapes permettent d’éclairer certaines périodes pas très roses de l’histoire de notre ville, ce qui est un bon point. Enfin, c’est un bon moyen de visiter une (infime) partie de Strasbourg sans avoir à marcher, pratique pour les personnes âgées.
De l’autre, l’expérience continue d’alimenter l’image de “Strasbourg carte postale”, avec des endroits vus et revus, se limitant ainsi aux clichés. Toute l’expérience est calibrée dans un temps millimétré, en mode usine, n’apportant ni valeur humaine, ni valeur ajoutée. Enfin, d’un point de vue pratique, sachant que la population de ce type d’attraction est souvent âgée, les marches pour accéder au train sont tout de même assez hautes à franchir. Bref, pour citer Anatoly Dyatlov dans la série Chernobyl : not great, not terrible.
Brochure avec les prix et les parcours