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Rétro-gaming, jeux de société, mangas : à Strasbourg, la « culture geek » bat son plein

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Rétro-gaming, jeux de société, mangas, objets pop culture… en quelques années, les commerces dédiés aux univers de passionnés se sont multipliés au sein de la capitale européenne. Une offre de plus en plus variée pour répondre au boom de la demande.

Finie l’époque où il fallait chercher un moment avant de trouver une boutique dédiée aux univers geeks. À Strasbourg, il en existe désormais pour tous les passionnés. Depuis le comptoir de sa boutique Little Tokyo, Alexandre Acker a vu évoluer ce marché et sa popularité. Spécialisé dans le rétro-gaming depuis 19 ans, ce fan de jeux vidéo constate que sa clientèle s’est diversifiée au cours des dernières années.

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Little tokyo
Rayonnages de Little Tokyo.

Ce ne sont plus uniquement des adolescents ou des jeunes adultes. Aujourd’hui, on accueille des joueurs et des joueuses de 16 à 60 ans.” De très jeunes s’intéressent même aux jeux et aux consoles de leurs aïeux : “Parfois, ce sont des jeux nuls qui n’avaient même pas eu beaucoup de succès à l’époque de leur sortie, sourit le quadragénaire. Mais ils en ont entendu parler sur YouTube ou Twitch, dans des émissions comme celles de Joueur du Grenier.”

La multiplication des streams et des chaines dédiées au gaming et la création d’événements dédiés comme la Paris games week ont beaucoup fait pour la popularisation de la culture gaming et de ses produits dérivés. “Avant, le jeu, c’était mal vu. Les gens ne mettaient pas de figurines sur leur bureau au boulot par exemple. Aujourd’hui, c’est devenu normal. C’est si bien entré dans la culture populaire que Baccarat a récemment sorti un grand Pikachu en cristal à près de 500 euros.

Du club Dorothée à Netflix

Même constat du côté des commerces spécialisés en manga, japanimation et produits dérivés de ces univers. Installé à la Krutenau depuis un an avec sa librairie Manga Koi, Lucas Marciniak voit passer dans sa boutique des étudiants – le campus est à deux pas – des écoliers, collégiens et lycéens. Preuve que la bande dessinée japonaise s’est largement démocratisée.

En France, l’engouement a commencé à la fin des années 80 avec le Club Dorothée. L’émission a fait connaître des franchises comme Goldrorak, les Chevaliers du Zodiac ou Dragon Ball. Cette popularité a attiré des éditeurs. Glénat a été le premier à publier des mangas – One Piece, Gunnm… – puis d’autres petites maisons s’y sont mises.

Ces titres emblématiques ont marqué toute une génération. Dont certains continuent à venir en librairie pour les acheter et parfois, les transmettre.J’ai déjà vu des parents qui conseillaient Dragon Ball à leurs enfants”, sourit le gérant de la boutique.

À Strasbourg, Vent Divin est l’un des premiers magasins dédiés aux cultures geeks à avoir ouvert, en 2010. “Au début, on était deux à être spécialisés dans le Manga, retrace Mathieu Montenot, son fondateur. Ceux qui sont aujourd’hui derrière Le Camphrier et nous.” Si le manga s’est lentement popularisé au cours des années 2000-2010, il a connu un vrai boom avec une multiplication de ventes par trois ou quatre ces trois dernières années, selon le professionnel.

Cela correspond à l’arrivée d’animés sur Netflix et autres plateformes de streaming. Leur public n’est pas le même que celui des mangas. Ces consommateurs sont plus nombreux. Mais ils finissent de plus en plus par acheter des livres parce que l’histoire qu’ils suivent y est plus avancée et parce qu’il y a plus de choix en matière de titres.”

“Aujourd’hui, les ados sont tous geeks”

Ces changements ont un impact sur l’image attachée au terme “Geek”. “Il y a 20 ans ou même encore 10 ans, c’était un terme très péjoratif, relève Mathieu Montenot. Aujourd’hui, tous les ados sont geeks. Ils jouent aux jeux vidéos, lisent des mangas, regardent des animés… et ce sont ceux qui ne le font pas qui sont regardés étrangement. Ces univers sont totalement entrés dans la pop culture.

La démocratisation des univers Geeks – manga, jeux vidéos, jeux de société, figurines… – a aussi changé le visage des commerces qui leur sont associés.Avant les années 2000, ce type de boutique avait un côté “antre”. Avec du bordel un peu partout, des articles posés en pile dans tous les coins ou pendant du plafond. Perso, j’adorais ça. Mais parce que lorsqu’on est ado, c’est assez génial comme ambiance. Par contre, ce n’est pas forcément un endroit où l’on viendrait en famille avec ses enfants. C’est quelque chose auquel nous, par exemple, on fait attention aujourd’hui”, détaille le commerçant qui a récemment refait la partie nouveautés de son magasin.

Le plaisir du jeu retrouvé

Autre secteur avec le vent en poupe : celui des jeux de société. Première du genre ouverte à Strasbourg il y a plus de 40 ans, l’enseigne Philibert est un des témoins de cet engouement. La boutique spécialisée a même ouvert le Philibar, son bar à jeux, en mai 2019.

“L’idée, c’était de proposer un espace aux joueurs strasbourgeois autre que celui où ils achètent leurs jeux, détaille Gauthier Althaus, en charge de ce projet. Au Philibert, on est très heureux de faire découvrir cette culture. Mais on avait un peu envie de décloisonner cette image de soirée jeux de société où l’on ne fait que ça. L’idée, c’était d’avoir tous les éléments d’un bar classique. On est entre copains, on boit un verre et en plus, on fait quelque chose de sympa.

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© Bastien Pietronave / Pokaa

Le concept n’est pas nouveau. D’autres lieux similaires ont ouvert à Strasbourg ces dernières années et attirent une clientèle large et variée. “On le voit sur nos soirées Loups Garou, commente Fréderic Ladrière, patron du Dooz, qui comprend un bar à jeux et des escape games. Il y a une maman qui vient souvent avec son fils, des copains de 14-18 ans, des gens qui sortent du taf en portant encore chemise et cravate. Celles et ceux qui sortent de l’escape game aussi. Il arrive donc très souvent qu’on ait les trois générations présentes : enfants, parents et grands-parents.

Cartes Magic (13)
Au Malleus, l'un des bars à ambiance du Dooz, sont parfois organisés des tournois de cartes Magic. © Mathilde Piaud

L’offre avant la demande

Si les jeux vidéos, mangas et produits dérivés ont été popularisés par une certaine forme de médiatisation, comment expliquer le succès des jeux de société, industrie en croissance depuis 20 ans ? Pour Gauthier Althaus, “l’offre a peu à peu créé la demande. Il y a depuis plusieurs années un vrai effort réalisé par les éditeurs pour commercialiser de beaux jeux. Des objets qui donnent envie. Les stratégies de jeux ont évolué également. On est maintenant sur des mécaniques où il existe un vrai plaisir de jouer, où l’objectif n’est pas forcément de gagner.”

Loisir réservé aux enfants il y a encore peu, le jeu a retrouvé ses lettres de noblesse dans le monde des adultes. “On oppose souvent les deux, mais je pense au contraire que l’émergence des jeux vidéo a redonné le plaisir de jouer aux plus âgées”, poursuit Gauthier Althaus. Le plaisir de partager une partie avec les amis reste le même. Celui de faire découvrir un jeu, aussi.

Boutique Shop For Geek
Boutique Shop For Geek © Bastien Pietronave / Pokaa

Aujourd’hui, le jeu de société doit son succès à une petite partie de la population des joueurs, des connaisseurs qui font jouer les copains. Ceux qui découvrent vont jouer un moment au même jeu, parfois avec d’autres. Puis en découvrir de nouveaux en revenant dans la bande de départ”, poursuit le connaisseur.

Une histoire de bouche à oreille donc, pour le moment. Mais Gauthier Althaus rêve du jour où il pourra “allumer la matinale de France inter et entendre une chronique sur le dernier jeu de société à la mode.” Si l’on en croit le trajet d’autres geek cultures, ce moment pourrait bien être proche.

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