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Verres piégés et piqûres : le difficile combat des bars strasbourgeois

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Au cours de ces dernières semaines, plusieurs Strasbourgeoises et Strasbourgeois ont eu la sensation d’avoir été drogués à leur insu, alors qu’ils passaient une soirée à la Péniche Mécanique. Les co-gérants du bar installé sur la presqu’île André Malraux mettent tout en œuvre pour lutter contre ces violences. L’occasion de rappeler que la problématique concerne l’ensemble des établissements de nuit et qu’il devient urgent de trouver des solutions pour agir efficacement. 

C’est un fléau qui pèse sur le monde de la nuit et qui semble être en recrudescence ces dernières années à Strasbourg, comme dans d’autres villes françaises. Profitant de la proximité et des effets de l’alcool dans les établissements de vie nocturne, des agresseurs tentent de droguer certains clients à leur insu.

Régulièrement, des Strasbourgeois(e)s rapportent avoir eu la sensation d’avoir ingéré une substance, les plongeant dans un état second ou inhabituel et dont les effets ne s’apparentent pas à ceux de liés à la consommation d’alcool. 

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Il y a presque un an et demi, elles étaient plusieurs à avoir accepté de raconter leur expérience. La Salamandre, le Mille club, le Fat Black, ou encore le R club, la diversité des bars et clubs cités indiquait déjà à l’époque que ces violences peuvent s’exercer au sein de n’importe quel établissement. En mai dernier, c’est au Zénith, lors d’un concert du rappeur PLK, que des personnes parmi le public ont été piquées. Huit plaintes avaient alors été déposées.

De potentiels cas récents à la Péniche Mécanique

Plus récemment, plusieurs personnes pensent avoir été droguées à la Péniche Mécanique au cours de ces dernières semaines. Le lendemain d’une soirée passée dans le bar à l’occasion d’un anniversaire, Aline sent qu’elle n’est pas dans son état normal : “J’étais incapable de me lever, j’étais comme clouée au lit. Quand j’ai enfin réussi à me lever, je me suis rendu compte que j’avais la tête qui tournait. J’étais vraiment mal. Je suis restée au lit toute la journée, j’étais incapable de me lever. Je ne pouvais pas tenir debout longtemps.

Habituée aux effets que l’alcool a sur son corps, la jeune femme décrit avoir ressenti une sensation bien différente. En fin de journée, elle parvient enfin à se lever pour rejoindre quelques amis au restaurant. Pour s’y rendre, Aline doit traverser le centre-ville à vélo.

Et là encore, elle a l’impression que son corps ne suit pas : “J’avais les réflexes hyper lents. Je prenais trop de temps à réagir en roulant à vélo. J’avais peur de faire un accident, j’avais vraiment deux de tension.” Une fois de retour chez elle, la Strasbourgeoise envisage pour la première fois la possibilité d’avoir été droguée et commence à s’inspecter. 

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© David Levêque / Pokaa

Elle remarque un point situé en haut de sa cuisse gauche, qui s’apparente selon elle, à une trace de piqûre suite à un vaccin. Toute la semaine suivante, Aline ressent une fatigue extrême et finit par consulter son médecin traitant :Elle m’a conseillé de faire un test sanguin pour voir si quelque chose m’a été transmis. Je vais le faire d’ici quelques semaines.” 

Romain quant à lui, se souvient avoir laissé son verre sans surveillance le temps d’aller discuter à l’extérieur avec certains de ses amis. Lorsqu’il rentre à nouveau à l’intérieur du bar, il récupère sa deuxième pinte de bière et la termine en écoutant la DJ qui se produit à l’étage en dessous. À partir de là, les effets se font sentir d’un coup et semblent disproportionnés par rapport à ce que le Strasbourgeois a consommé au cours de la soirée :J’ai senti l’alcool qui montait assez fort. J’ai fini mon deuxième verre et je sentais que quand je parlais ça commençait à partir un peu en vrille. Comme quand on est vraiment vraiment ivre.” 

Sur le moment, Romain ne se pose pas de questions. Il explique se sentir mal et veut simplement rentrer chez lui au plus vite : “Si j’avais réfléchi, j’aurais compris que c’était vraiment pas normal que je sois dans cet état en ayant bu ce que j’ai bu.” Le lendemain, ses amis racontent avoir été particulièrement surpris par son comportement de la veille : Ils m’ont dit que j’avais l’air épave. Limite, je m’accrochais à eux pour me déplacer. J’ai un pote qui s’est proposé pour me raccompagner. Et, chose qui ne m’arrive jamais, je suis tombé deux trois fois sur le chemin. Impossible de garder l’équilibre. Il m’a déposé devant chez moi et je me suis directement mis au lit.” 

Cette fois encore, Romain décrit un sentiment différent d’une simple gueule de bois : Le lendemain, c’était différent de quand tu as trop bu par exemple. Et je sentais encore des effets sur mon corps les deux trois jours qui ont suivi.

Les gérants comptent porter plainte contre X et soutiennent toute potentielle victime dans ses démarches

Contactée par l’amie de deux potentielles victimes, l’équipe dirigeante de la Péniche Mécanique se dit à la fois étonnée et attristée par le fait que de telles expériences aient pu être vécues au sein de l’établissement. Ça nous a choqué réagit Ève, l’une des co-gérantes du club.On est vraiment dans une démarche de vouloir être le plus safe possible. C’est vraiment un fléau. Je pense que ce qu’il se passe, c’est qu’on commence à faire des plus grosses soirées, on ferme plus tard, donc il y a plus de monde.”  

La patronne précise aussi avoir fortement encouragé la victime à porter plainte et ajoute : Et on compte aussi porter plainte contre X de notre côté. C’est très important que des plaintes soient tout de suite déposées pour faire réagir la Ville. Il faut que ce genre de personnes soient trouvées et arrêtées, parce que malheureusement, c’est partout.

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© Pokaa

Quant à celles ou ceux auraient des doutes au cours de leur soirée dans le bar, elle les invite à alerter un membre de staff le plus rapidement possible :Jamais quelqu’un ne se fera envoyer balader parce qu’il ou elle ne se sent pas bien. S’il y a la moindre inquiétude, il ne faut pas hésiter à venir nous parler. On sera toujours dans la bienveillance et dans l’aide.Par ailleurs, l’ensemble du système de vidéo surveillance vient tout juste d’être renforcé et l’équipe compte bien s’appuyer dessus pour identifier les auteurs si de tels actes venaient à être commis prochainement.

Ève assure que les membres de l’équipe avaient déjà suivi une formation sur les violences sexistes et sexuelles et sont particulièrement attentifs lors des soirées : “Le staff est briefé et formé pour réagir s’il se passe quoi que ce soit. À force, on est devenus très alertes là-dessus.”, précise t-elle. 

Il y a deux semaines, le bar accueillait d’ailleurs l’association Dis Bonjour Sale Pute, à l’initiative du collectif Menthe Poivrée. Pendant toute une soirée, les bénévoles invités ont informé le public sur les violences sexistes et sexuelles et l’importance du consentement. En dehors de ces événements exceptionnels, des affiches sont accrochées dans les toilettes et dans les lieux de passage du club.

Mais malgré la mise en place de tels dispositifs, la responsable regrette que certaines législations compliquent parfois la tâche des établissements de nuit. À Strasbourg, il est interdit de sortir d’un bar son verre à la main une fois passé minuit. “On a ce gros problème des personnes qui doivent poser leur verre quand elles vont fumer. C’est la Ville qui a mis ça en place comme loi. Les clients doivent garder leur verre à l’intérieur, donc on essaie de mettre un membre du staff pour surveiller, mais le risque 0 n’existe pas. On fait de notre mieux, mais c’est très très compliqué.” explique Ève.

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Comment lutter efficacement contre ces violences ?

Il devient urgent à Strasbourg comme ailleurs, que l’ensemble des acteurs se saisissent du problème. Et puisque l’ensemble des établissements de nuit sont concernés, pourquoi ne pas employer des méthodes communes ? Ève se dit ouverte à toute proposition de la part de la Ville, qui permettrait de soutenir les bars et les clubs dans leur démarche.

Justement, depuis décembre 2022, la Ville de Strasbourg a rejoint le programme européen SHINE, dédié à la prévention du harcèlement sexuel sur les lieux de vie nocturne et festifs. Une première campagne de communication à destination des client(e)s et des gérants d’établissements avait d’ailleurs été lancée.

Mais force est de constater que la distribution de dépliants et d’affiches ne suffit pas à faire cesser les violences. Pour faire reculer les agresseurs, de véritables dispositifs devront être mis en place. Selon Aline par exemple, la mise en place d’une fouille obligatoire des sacs à l’entrée d’un club permettrait déjà de refroidir les potentiels agresseurs. 

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