Au sein d’un hémicycle fraîchement rénové et ressemblant à une grosse soucoupe volante, nos élu(e)s reviennent livrer bataille avec leur verve habituelle pour le premier conseil de l’année. Est-ce que la nouvelle lumière de la salle apaisera les débats ? Qui aura pris de bonnes résolutions ? Qui les aura abandonnées après la première suspension de séance ? Et enfin : est-ce que nos élu(e)s réussiront le bingo municipal ? Tant de questions, une seule réponse : c’est parti pour le débrief du conseil municipal de janvier 2023.
Dans la belle lumière naturelle de la nouvelle salle des conseils, nos élu(e)s préféré(e)s font face à un ordre du jour relativement court. Composé de 39 points, celui-ci est complété par 4 interpellations de l’opposition, portant sur deux sujets : la gratuité des cantines scolaires et la place du Temple-Neuf.
À cet ordre du jour se rajoutent encore 3 résolutions et 3 motions, un voeu et une question d’actualité. Et avant même de commencer le vrai conseil, on a le droit au fameux point au règlement intérieur. Fait cette fois-ci par Jean-Philippe Vetter, il concerne la définition d’une demi-journée pour déposer une question d’actualité. On passe ainsi une demi-heure lunaire où quatre cases du bingo municipal ont déjà été cochées. Joli début.
Le décryptage : la présentation du budget 2023
Pourquoi c’est important ?
Plusieurs projets d’importance vont être menés en 2023 grâce à ce budget, revu pour cause d’inflation et crise des énergies. Grosso modo : de 16,2 millions d’euros de dépenses d’énergie en 2022, le total brut pourrait atteindre 36,6 millions d’euros dès 2023. Une différence importante, qui oblige la municipalité à prioriser certains sujets. Dans le détail :
- Pour le social, on peut mentionner l’ouverture du sport santé pour femmes enceintes et son développement pour la santé mentale. Il y a également le maintien des prix des cantines, et une politique municipale de lutte contre la précarité menstruelle qui reste à affiner.
- Pour la culture, plusieurs projets d’importance vont être menés. Le gros sujet sera surtout la rénovation de l’Opéra, sujet sur lequel « on ne peut plus attendre » selon Jeanne Barseghian. D’autres rénovations sont attendues pour les cinémas Star, mais aussi sur le musée Alsacien et le palais Rohan, un patrimoine culturel « en mauvais état à cause d’une fuite en avant sur les dix dernières années ». Enfin, mise en oeuvre du projet du théâtre de Hautepierre, qui doit ouvrir au plus tard début 2025.
- Pour la végétalisation de l’espace public : 15 à 18 cours d’écoles seront concernées cette année, et la place du Temple-Neuf verra de nouveaux aménagements cette année.
Majorité vs opposition : deux visions opposées de Strasbourg
Comme lors des derniers débats d’orientation budgétaire, on fait face à une véritable dualité de points de vue concernant ce que devrait être Strasbourg. D’un côté, nous avons la majorité qui, selon Jeanne Barseghian, devra « avoir les boussoles claires » face « à ce moment d’incertitude généralisée ». En clair, répondre aux inégalités sociales croissantes et aux besoins du quotidien, grâce à leur « bouclier social et écologique », leur nouveau mantra. Ainsi, ils continuent de dépenser pour « préparer l’avenir », selon Syamak Agha Babaei : « La dette qu’on laisse aux générations futures c’est la dette écologique et sociale ».
À cette vision de la dette s’y oppose une autre, partagée par toutes les oppositions. En somme : il faut compter, plutôt que dépenser. Alain Fontanel (Renaissance) critique ainsi une dégradation budgétaire qui a débuté bien avant la crise, rejoint par Caroline Barrière (PS), qui accuse de gaspiller toutes les marges de manoeuvre. Enfin, dans son style habituel, Pierre Jakubowicz fustige une majorité « flambeuse accro à la dépense compulsive », qui prépare « la grande braderie de Strasbourg ».
Les différents tours de parole ne vont pas plus loin dans cette opposition de points de vue souvent binaire. Pour l’opposition, selon Caroline Barrière : « Plusieurs années de dégradation légère finiront toujours sur une dégradation sévère ». Par le lyrisme de Marc Hoffsess, la majorité critique elle « ceux qui ont le un tiroir-caisse à la place du cerveau et du coeur ».
Le mot de la fin pour Jeanne Barseghian : « Il s’agit de prendre aujourd’hui les décisions qui seront les bonnes encore dans plusieurs décennies ». Désormais, on se retrouve dans deux mois, pour le vote du budget, et très probablement, les mêmes arguments de part et d’autre.
Les avancées pour Strasbourg et les Strasbourgeois(es)
La cité Ungemach se refait une beauté
C’est un des endroits avec une histoire assez incroyable : la cité Ungemach, située au pied du Parlement européen, était le lieu d’expériences eugénistes sur ses habitant(e)s, destinées aux « jeunes ménages en bonne santé désireux d’avoir des enfants et de les élever dans de bonnes conditions d’hygiène et de moralité ».
Désormais, la Ville de Strasbourg souhaite rénover les 139 pavillons de la cité, pour en réduire la consommation énergétique. Concrètement, des travaux seront réalisés sur l’isolation, le chauffage, la VMC, l’évacuation d’eau et la refonte escaliers extérieurs. Coût total ? 845 000 € sur l’année 2023, et 4 000 000 € sur la durée totale des travaux, fixées à 5 ans et 6 mois. Le point a été adopté sans vote.
La baleine du musée zoologique va être restaurée
C’est l’une des réouvertures les plus attendues, tellement elle a déjà été repoussée. Le musée zoologique, cette caverne d’Ali Baba de curiosités, devrait ouvrir pour 2024. En attendant, un projet sympathique se tient à l’intérieur : la restauration du squelette de la baleine du musée zoologique, qui trônera à nouveau fièrement dans le hall du musée.
La grosse baleine va connaître un petit lifting, avec un nettoyage des os, des restaurations, et son installation sur une structure métallique. Pour cela, il faut évidemment de la monnaie sonnante et trébuchante ; c’est pourquoi la Ville a ainsi adopté une convention de mécénat avec l’entreprise Würth. Celle-ci s’associe ainsi aux Musées de Strasbourg, en apportant 32 000 € pour la restauration de la baleine. Le point a été adopté sans vote.
Le moment à retenir : toute l'opposition quitte le conseil municipal
On aurait pu, encore une fois, reparler de la religion, avec la définitive abrogation de la délibération sur le financement des cultes annoncée puis votée en septembre dernier, puis discutée en long en large et en travers en décembre. Mais écouter les litanies de critiques de l’opposition envers la majorité pendant des heures et écouter nos élu(e)s débattre sans s’écouter s’avère assez lassant.
Du coup on s’était dit qu’on allait parler de la polémique du Temple-Neuf, qui était prévue en fin de séance avec deux interpellations de Pierre Jakubowicz et Jean-Philippe Vetter. Sauf que, devant le conseil municipal strasbourgeois, il faut toujours être prêt à l’imprévu. Et celui-ci arriva là où on ne l’attendait pas : toute l’opposition a quitté l’hémicycle, clôturant de fait la séance à 20h55. Une polémique que n’aurait pas renié une télé-réalité, que l’on vous a résumé ici.
Le point bingo
Punchline battle
Pour terminer sur un ton un peu plus léger, voici un recueil non-exhaustif des quelques bons mots de la part de nos élu(e)s, au verbe toujours acéré, parfois comme leur mauvaise foi :
- « Wow. Dix minutes pour dire ça », Anonyme
- « Comme la cigale, vous allez crier famine », Alain Fontanel
- « On dépense pour réfléchir et arriver à la conclusion qu’il faut réfléchir encore », Caroline Barrière
- « C’est l’union des Jean-Philippe qui fait la force », Syamak Agha Babaei
- « Les chiffres nous donnent la gueule de bois », Pierre Jakubowicz
- « Moi aussi je vais cocher la case fake news du bingo, même si elle a déjà été cochée plusieurs fois », Carole Zielinski
- « Le nucléaire n’a pas eu besoin des écolos pour se casser la gueule », Marc Hoffsess
Il est 20h55 lorsque le conseil municipal prend fin, pour une première dans la salle rénovée que l’on n’oubliera pas de sitôt. Un conseil qui était parti sur des bases de débats plutôt nourris, mais qui a une nouvelle fois passé la cinquième dans le virage lorsqu’il a été question de règlement intérieur. Il y a urgence de régler ce problème une fois pour toute car, une opposition qui quitte littéralement le débat et une majorité perdue et solitaire aux manettes, il y a mieux comme image de Strasbourg. Départ des polémiques locales dans 3,2,1…
Vous ne faites pas état du retrait d’un point de l’ordre du jour face à la demande appuyée de Mr Fontanel et Mme Trautmann. Cette demande de retrait et report du point concernait un projet, présenté avec insistance par l’adjointe à l’urbanisme, de vente d’un terrain de 59 ares appartenant à l’œuvre Notre Dame. Le prix de vente négocié par la ville s’élève à 900 000€ alors que la valeur du terrain évaluée par les domaines ( administration fiscale) s’élève
à 1 450 000€. Pour justifier cette différence la ville invoque l’intérêt général. Or le bénéficiaire de la vente est un promoteur strasbourgeois qui prévoit de construire 11 maisons individuelles d’une surface individuelle de 150 m carré ( l’une d’elle affichant même 180 m carré) et un immeuble de 9 appartements à vocation social plus. Les arguments de l’opposition pour demander le report du point étaient que le prix de vente soumis à sa délibération est incompatible avec les missions de l’Oeuvre Notre Dame et le respect de la volonté des donateurs de ces terrains laquelle entendaient consacrer le produit d’une éventuelle vente des terrains à la rénovation et entretien de la Cathédrale. En l’occurrence si cette opération se réalisait au prix de 900 000€ elle servirait surtout à l’enrichissement du promoteur et/ ou des 11 acquéreurs d’une résidence pavillonnaires de grand standing et très accessoirement à augmenter l’offre de logements à coût maîtrisé.