Le territoire alsacien est le dernier refuge du plus grand hamster d’Europe, qui vit à l’état sauvage. Cette espèce en voie de disparition fait l’objet de plusieurs actions européennes et locales, visant à sa protection. C’est dans ce contexte que l’artiste locale Maria Luchankina a développé un jeu de société, pour une immersion dans le combat quotidien de ce gros rongeur.
En raison de l’exploitation agricole intensive et de l’urbanisation, le Grand Hamster, ou Cicerus cicerus pour les intimes, est mis en danger. En France, son dernier refuge se trouve en Alsace, tandis qu’il a totalement déserté les autres territoires. Sensibilisée à la cause, Maria Luchankina tente de mettre en lumière le sort de cette créature joufflue, peu connue des alsaciens.
Un combat européen pour un rongeur en danger
Les contrées alsaciennes, et plus particulièrement leurs champs, étaient fût un temps, peuplées de « Kornfarel », dénomination locale pour le Grand Hamster, qui se traduit littéralement par « petit cochon des blés ». Ce surnom est probablement dû à sa taille imposante, bien loin de celle de l’animal de compagnie que nous connaissons : mesurant 20 à 30 centimètres, le Grand Hamster d’Alsace vit à l’état sauvage uniquement, et se reconnaît grâce à son ventre noir, se pelage ocre et ses trois tâches blanches spécifiques sur le flanc.
Plusieurs facteurs ont contribué à la disparition progressive de cette espèce, auparavant pourtant surabondante. On peut par exemple citer l’urbanisation, et notamment le développement des routes qui empêchent le hamster de migrer sereinement d’une parcelle à l’autre. Ou encore, l’intensification de la culture du maïs, qui n’offre pas un habitat favorable au rongeur. Ainsi, en 2009, la population comptait moins de 200 individus.
La Commission Européenne, dans un arrêté publié en 2011, a relevé l’inaction de l’État Français face à la situation. Un Plan National d’Action a été mis en place jusqu’en 2028, dans l’objectif d’améliorer les connaissances sur l’espèce, son habitat, mais également de renforcer la population ou encore de faire connaître les enjeux de sa protection. Ce dernier objectif est le même que celui que s’est donné l’artiste Maria Luchankina, basée à Strasbourg.
Super-Hamster, la mascotte volante au service des siens
Attendrie par la bouille joufflue et le regard innocent du Grand Hamster d’Alsace, Maria ne résiste pas à la tentation de se l’approprier artistiquement. Véritable couteau-suisse, elle pratique tant le dessin, que la gravure, la couture, ou encore la sérigraphie. Marionnettiste également à ses heures perdues, elle a l’idée de fabriquer une mascotte articulée à l’effigie du rongeur qu’elle affectionne.
Elle conçoit une structure en bois, qu’elle articule avec du fil de fer. Elle coule les pattes avec du silicone, et teint de la fausse fourrure et des plumes, avant d’assembler le tout et de donner naissance à un nouveau Grand Hamster sur le territoire alsacien. « D’ailleurs, on me demande souvent si c’est un animal empaillé. Pas du tout, il vient de mes mains ! »
Elle lui invente une origine farfelue : « C’est l’histoire d’un hamster qui se bat avec un Milan Royal, un rapace alsacien en voie de disparition lui aussi. Pendant leur bataille, ils tombent dans les déchets de la centrale nucléaire de Fessenheim. Le hamster en ressort pourvu des ailes de son rival, et devient un super-héros qui lutte pour les siens. » Ainsi armée de sa marionnette, Maria décide qu’il est temps de passer à l’attaque. Afin de mener le combat pour la préservation de cette espèce, elle met au point un jeu de société, dont Super-Hamster est la mascotte.
Une immersion dans la vie tourmentée du Grand Hamster d’Alsace grâce à un jeu de société
De Hàmster kùmmt wieder (Le hamster revient) est un jeu de plateau qui réplique les difficultés de survie auxquelles le rongeur fait face. Deux camps s’affrontent : les hamsters, qui doivent rejoindre leur terrier, et les prédateurs, qui tentent de les en empêcher. Les équipes traversent différentes zones du plateau, chacune ayant ses spécificités qui influencent le parcours des animaux : routes dangereuses à traverser, champs fraîchement moissonnés qui les rendent visibles et vulnérables, fermes avec des agriculteurs chassant les nuisibles… Autant de contraintes qui sensibilisent à celles que connaissent le rongeur dans la vraie vie.
L’autre particularité du jeu est qu’il est entièrement produit à la main. Le plateau est sérigraphié, tandis que chaque pion est coulé en résine, dans un moule fabriqué par l’artiste. C’est ainsi qu’une multitude de personnages uniques a vu le jour : Robin des bois, Hamster joufflu, Brunehilde chanteuse d’opéra, Sherlock Holmes… Il y en a pour tous les goûts. Si le joueur le veut, il peut d’ailleurs s’amuser à les peindre, et ainsi ajouter sa patte au projet fait-main.
La fabrication des jeux relève donc d’un procédé créatif et local, énergivore mais exaltant. « On veut à tout prix maintenir le côté artisanal et régional du jeu, ce qui fait sens avec la cause qu’on défend. On passe beaucoup de temps à travailler manuellement tous les petits détails, et c’est ce qui nous plaît. Mais cela nous oblige à trouver des moyens pour financer le matériel, qui est coûteux. » C’est pourquoi, pour finaliser le lancement de De Hàmster kùmmt wieder dans quelques mois, Maria a lancé une campagne de financement participatif. Enfin, le projet a également été soutenu par la Région Grand Est, pour être traduit en alsacien et continuer à valoriser notre patrimoine local.
Rendez-vous d’ici l’été 2023 pour vous emparer du jeu, et sauver des hamsters le temps d’une soirée. En attendant, il est toujours possible de soutenir la cause en suivant les actions du groupe Hamster de l’APELE – Association de Protection de l’Environnement de Lingolsheim et Environs.