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Grande coupole de l’Observatoire de Strasbourg

Interview monumentale : l’Observatoire astronomique de Strasbourg se dévoile

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Lorsque la nuit tombe, lorsque les étoiles scintillent à travers les branchages exotiques du Jardin Botanique, que tout Strasbourg sombre dans les bras de Morphée, l’un des bâtiments les plus emblématiques de la ville nouvelle d’après 1870, lui, poursuit ses activités. Qui est-il ? Que s’est-il passé derrière ses murs, à l’autre bout de ses lunettes astronomiques ? Nous lui avons posé la question.

Une fois n’est pas coutume, le rendez-vous est pris au crépuscule. Le temps de profiter de la lumière restante pour quelques photos et nous voilà plongés dans le noir. L’Observatoire est là, en rondeur, en majesté, éclairé à l’Est par la vive lueur d’une Jupiter automnale que l’on prend aisément pour la plus brillante des étoiles.

Le ciel a ses secrets, le monument aussi.

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Grande coupole de l’Observatoire de Strasbourg
Grande coupole de l’Observatoire de Strasbourg © Jérémy Martin

Qui es-tu ? De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque l’Observatoire ? Seulement de la grande coupole que l’on connait tous ?

Elle n’est que la partie émergée de l’iceberg, mon emblème. Je suis aussi le Planétarium, que tous les élèves de la ville connaissent bien, ainsi que ses deux petites coupoles, dont le 2T36, nommé d’après les deux télescopes de 36 cm de diamètre qu’utilisent les étudiants en astronomie. Je suis aussi le bâtiment sud, avec les bureaux et le Centre de Données astronomiques de Strasbourg.

Je suis aussi les galeries couvertes qui relient ces trois édifices. Et je suis aussi les bâtiments disparus ou désaffectés : une quatrième coupole démantelée, les cabanons qui servaient de mire pour calibrer les lunettes astronomiques et l’héliomètre, cette cabane sur rail avec une mini coupole, que l’on peut voir encore aujourd’hui, bloquée en position d’observation.

Galeries en Y reliant les trois bâtiments principaux de l’Observatoire
Galeries en Y reliant les trois bâtiments principaux de l’Observatoire © Jérémy Martin

Pourquoi a-t-il fallu attendre l’Empire germanique et 1870 pour avoir un bon observatoire à Strasbourg ?

Strasbourg a eu deux autres observatoires avant moi dont le premier qui remonte à 1673 alors que la ville appartenait encore au Saint Empire romain germanique. C’était le premier, et le seul, observatoire permanent de l’Empire. Il était construit sur les remparts, près de la porte de l’Hôpital. Et puis, 8 ans plus tard, Louis XIV prend les clefs de la cité, et le néglige au profit d’observatoires situés dans des lieux plus propices (le sud de la France a un meilleur ciel) que l’Empire n’avait pas la chance d’avoir.

En 1808, l’Académie de Strasbourg est formée et réunit les 5 grandes facultés de l’époque. Ils prennent place dans un ancien hospice d’enfants trouvés, à la Krutenau. C’est aujourd’hui le Lycée professionnel Oberlin. Là, l’Observatoire y est déplacé, au sommet de la tour octogonale toujours visible, quoique bien réduite, sur la façade du lycée. Les instruments n’y sont, pour l’époque, plus du tout à jour et les astronomes ont du mal à y effectuer leur travail d’observation.

Et donc tu es arrivé.

Oui. Comme vous le savez, Strasbourg est à nouveau passée dans l’Empire allemand en 1870. Pour marquer un grand coup, les autorités ont souhaité installer une Université à l’avant-garde, et de ce fait, ne se satisfaisaient plus de l’Académie. Et il y avait ce projet d’agrandissement de la ville, au Nord-Est… C’est l’architecte Eggert qui en a dessiné la plupart des plans, dont les miens, et notamment ce qu’il appelait l’axe symbolique des pouvoirs : un axe immense, du palais impérial sur la nouvelle place de la République, qu’il a aussi dessiné, en passant par le palais universitaire, et dont je suis l’extrémité est, au bord du nouveau Jardin Botanique.

J’ai été inauguré en 1881, et ma lunette principale, sous la grande coupole, était alors la plus grande d’Europe, et est toujours aujourd’hui la 3e plus grande en France. Strasbourg a aussi été le siège de la première chaire d’astrophysique d’Allemagne, juste avant ma construction, dans les locaux de l’Académie.

planetarium-strasbourg
© Coraline Lafon

Qu’a-t-on étudié au sein de ces coupoles ?

Dès le départ, les instruments que l’on m’a attribués ont permis l’observation des étoiles doubles. Sœurs jumelles qui gravitent autour d’un même point, l’analyse de leurs angles et trajectoires a vite permis d’avancer dans le domaine de la mesure des distances des étoiles, et surtout de leur masse. C’est un domaine de recherche lent qui demande des années, voire des décennies avant d’avoir des résultats.

Ensuite, l’observation des comètes et de leur noyau a été fondamentale ici, avec notamment les instruments que l’on appelle « chercheurs de comètes ». Ce sont des fauteuils auxquels sont directement fixées des lunettes astronomiques. Sur rail, ils tournaient tout autour de ma coupole, sur la terrasse qui en fait le tour, et permettaient de voir une fine fraction du ciel à la fois, à la recherche de ces comètes.

Et aujourd’hui alors ?

Comme l’architecture regarde dans le passé des villes et des Hommes, l’astronomie regarde dans le passé de l’Univers. Mais contrairement à la pierre qui ne souffre du vent et de l’eau qu’à la force des âges, l’instrumentation astronomique évolue chaque saison.

Si ma grande lunette a été à la pointe en 1881, le passage au 20e siècle l’a rendue obsolète en un rien de temps. Elle n’est plus utilisée pour de la recherche depuis les années 1940. Le « 2T36 » qu’utilisent les étudiants n’a été mis en place que dans notre nouveau millénaire, et avant cela, les plus petites coupoles n’étaient plus utilisées non plus.

Même si le directeur Esclangon a, dans l’entre-deux-guerres, modernisé les lieux, avec notamment le développement majeur de l’astrophysique aux côtés de l’astronomie, la partie observation ne s’est pas remise de l’avancée de la technique et de la concurrence de nouveaux appareils.

2T36 vu depuis la Grande Coupole
2T36 vu depuis la Grande Coupole © Jérémy Martin

Le ciel, lui non plus, n’est plus vraiment ce qu’il était, en ville… À ta construction, y avait-il autant d’habitations autour de toi ?

C’est vrai qu’à cette époque, j’étais un peu seul. L’agrandissement de la ville démarrait à peine et j’ai été l’un des premiers à m’installer. C’était idéal pour observer les étoiles. La pollution lumineuse qui est arrivée ensuite, pendant tout le 20e siècle, a aussi participé à l’obsolescence de mes appareils, peu à peu.

On n’observe plus les étoiles, chez moi. C’est paradoxal, non ? Et pourtant, nous sommes toujours à la pointe de la recherche en astrophysique. Formation et dynamique des galaxies, cosmologie, étude des étoiles très jeunes, participation aux aventures spatiales… La liste est longue, aujourd’hui.

Le directeur de l’Observatoire qui est resté le plus longtemps en poste (30 ans) est l’astrophysicien Pierre Lacroute, et il t’a fait entrer dans le monde moderne.

Il a pris la direction après la 2e Guerre mondiale, en 1946. Il a davantage encore orienté les recherches vers l’astrométrie, c’est-à-dire la mesure de la position des astres et leurs mouvements. Il était pourtant bien conscient des limites à l’observation au sol, et notamment en ville.

Alors il s’est tourné vers l’espace. C’est le premier, dans les années 60, qui réfléchit à observer directement depuis l’espace. Il met en place ses idées dans le programme Hipparcos qui mesure depuis un satellite les données de 120 000 étoiles. C’est une révolution en astrophysique. Et aujourd’hui encore, je participe au programme Gaia qui en a pris la suite et mesure des quantités… astronomiques d’étoiles.

C’est lui, et tous les chercheurs depuis, qui m’ont fait entrer dans l’Histoire moderne.

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Carte complète du ciel réalisée par le CDS à partir des données du satellite Gaia, dont la bande centrale (Voie lactée) est affichée devant l’arrêt de tram de l’Observatoire - ©Centre de Données astronomiques de Strasbourg

Pour terminer, j’aimerais revenir sur le Centre de Données astronomiques dont tu parlais au début de cet entretien, le fameux CDS. Qu’est-ce que c’est ?

Ce sont des serveurs de stockages de données, des data center comme on dit aujourd’hui, mais ils existent depuis 1972, déjà de façon informatisée, avec un seul ordinateur pour toute la France (à Meudon, mais bel et bien géré par les équipes de Strasbourg). Ils recensent les catalogues d’objets publiés par les chercheurs. La base VizieR compte 23 000 catalogues et 50 milliards de lignes. J’ai bien dit milliards.

Rien que les données collectées par le satellite Gaia s’étalent sur près de 2 milliards de lignes (une mesure et une donnée fournissent une ligne). SIMBAD recense les objets les plus étudiés. 13 millions, tout de même. Et la base Aladin d’images du ciel est aussi un outil formidable de visualisation du ciel interactif. Cet atlas du ciel est notamment utilisé par les astronomes qui préparent leurs observations avec les télescopes Hubble, avant, et James Webb aujourd’hui.

Le CDS est une référence mondiale, à tel point que l’on s’y connecte du monde entier et que l’on y fait environ 2 millions de requêtes par jour.

Un astronome américain, Brian Skiff, a même voulu lui rendre hommage et a nommé un astéroïde « (4690) Strasbourg » en 1983, et un second « (4692) SIMBAD ».

Serveurs du Centre de Données astronomiques de Strasbourg
Les serveurs du CDS stockent 520To dont 440To pour les seules images d’Aladin © Jérémy Martin

Tu veux dire que ces catalogues sont accessibles à tous ?

Eh oui ! C’est l’une de mes missions. Le partage du savoir, la science ouverte, en plus de mon aspect universitaire. Depuis longtemps avec le Planétarium, et encore à l’heure actuelle avec les visites de la Grande Coupole. Et sans parler du tout nouveau Planétarium en construction.

Il y a d’ailleurs en ce moment, le long du Boulevard de la Victoire, sur les rambardes du Jardin Botanique, une fresque de la Voie lactée réalisée grâce à Aladin. C’est un tour complet du ciel, à 360°, sur une hauteur de 12°. La photo de 465 millions de pixels a été réalisée à partir des données de 850 millions d’étoiles et mesure près de 30 mètres de long.

Mon but a toujours été de comprendre l’Univers, par l’étude des étoiles.

C’est un peu du rêve, aussi. Avoir la tête dans les étoiles, il n’y a rien de mieux.

planétarium strasbourg
© Nicolas Kaspar/Pokaa

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