Petite escapade nature et en photographies pour nous échapper rien qu’un instant de nos quotidiens agités… Avec Camille Parenthoine, une Bretonne débarquée à Strasbourg en 2013. Photographe rêvant de grands espaces, révélatrice de petits bouts de nature parfois insoupçonnés, elle capture ce qui l’entoure comme elle voit la vie : avec douceur et une grande curiosité. Si de ses photos s’échappe une brume comme celle de nos matins urbains, cette interview fut réalisée bien au chaud, devant un thé, à l’écart de la cohue du centre-ville strasbourgeois. Une bien jolie rencontre.
Délicate dans ses gestes comme dans sa démarche artistique, Camille Parenthoine pose sur le monde qui l’entoure un regard doux, empli de poésie. Avide de nature, cette Alsacienne d’adoption partage son temps et son cœur entre plusieurs régions qui l’animent. Bretonne d’origine, on croise çà et là, des souvenirs de ses retours en terres familières et des vues d’océan… Mais aussi des petits bouts de montagne, entre celles qui lui sont proches et celles qui l’ont adoptée – les Vosges – et les Pyrénées, « son pays de cœur » qu’elle rejoint « depuis toute petite ».
Un voyage dans ses paysages
À l’image de ses voyages, sa photographie nous emmène dans les espaces immenses qu’elle traverse et rejoint avec un intérêt presque gourmand. Camille nous livre de ses explorations, un univers tout en poésie, avec des tableaux où le temps semble s’arrêter.
Une pause poétique qui pourrait laisser croire que derrière l’objectif se cache une grande mélancolique. Bien au contraire : Camille Parenthoine jouit d’une personnalité solaire. Elle note ainsi pendant l’interview, qu’avec ce brin d’herbe que l’on voit pousser entre deux dalles de béton – depuis la fenêtre du café – et la lumière refaçonnée par le passage du bus devant, « cela peut créer un truc [fou] alors qu’au final, c’est une scène urbaine qui pourrait être invisible ».
Adepte de la philosophie slow-life, ne souhaitant plus prendre l’avion par choix, elle défend le patrimoine naturel local à sa façon. Plutôt que d’encourager à voyager loin, elle montre avec sa photographie que l’émerveillement peut être à n’importe quel coin de rue, et le dépaysement à quelques kilomètres seulement de chez soi.
Ses photos invitent à s’arrêter, à respirer. À voir le monde plus posément et à regarder les petites choses qui le composent. Une herbe folle qui pousse, une brume qui se dépose sur un paysage, un rayon de soleil qui se pose sur un visage… « J’aime bien mettre en lumière les choses infimes », explique-t-elle.
Ce qui déclenche une photo ? « Une belle lumière […], des jeux d’ombres, quand tout n’est pas trop clair, tout dit, qu’il y a un peu de mystère, […] aller imaginer des choses que l’on ne voit pas forcément ». Aujourd’hui habitant la Vallée de la Bruche, elle multiplie les sorties en extérieur, et profiter d’une météo brumeuse, pour s’évader : « quand je peux sortir, je sors », dit-elle en souriant. Et puis, « il y a plein de petits voyages immobiles partout, finalement », rajoute-t-elle.
Histoire(s) courte(s) : du ciné à la photo
Mais pourquoi la photo ? « Baignée dans un univers artistique » avec des parents qui font du piano, « intéressée par trop de trucs » – « ça aurait pu être la broderie » s’amuse-t-elle –, elle passe d’abord par la réalisation vidéo. Une expérience commencée il y a 4-5 ans puis (un peu) délaissée en faveur de la photographie.
Si elle réalise à l’époque, plusieurs courts-métrages, participe à des festivals, elle pointe l’ « énergie folle et [le] coût environnemental énorme » que représente la production d’un film, aussi court soit-il. Une journée de tournage pour une minute à l’écran, parfois. Elle parle alors de « disproportion entre l’énergie que tu mets et le produit fini… ». Produit qui se retrouvera « noyé dans une multitude d’autres vidéos ». Elle dénonce cette « course au contenu » dans laquelle elle ne se reconnaît pas, malgré son amour du cinéma.
Elle se dirige alors vers la photographie… Finalement, une évidence. « Je crois que j’ai eu par le passé trop de rendez-vous manqués avec la photo pour ne pas un jour plonger : enfant, j’assistais ma tatie à développer des pellicules dans le grenier et ado, on m’a prêté un argentique avec lequel j’ai photographié mon premier voyage : les côtes belges vers Ostende. […] Clairement : pas de hasard », se souvient-elle.
Et puis – et surtout –, « l’idée [aussi] qu’une photo, bien qu’elle soit un mouvement, un instant, un rien, dans l’étendue des choses, soit porteuse d’autant » la séduit. S’il s’agit déjà d’un objet, cela n’est pas tout : une photo peut porter « tout le poids narratif »… Car elle garde du cinéma, le goût de raconter des histoires.
Là où il lui fallait un film, elle tente, ici de s’arrêter à une photo pour ses narrations. Dans sa série « Cinema at first sight » [ndlr : à traduire comme du « cinéma au premier regard »], elle s’essaie à une forme de micro-cinéma : « Toute une narration qui se noue en une photo », explique-t-elle.
Du cinéma, et de ses années à côtoyer des réalisateurs, elle en a tiré des conseils qu’elle applique encore aujourd’hui dans sa photo. L’un d’entre eux a été déterminant. Car si elle photographie principalement au numérique (et un peu à l’argentique) avec un boîtier moderne, elle lui appose des objectifs vintage des années 1970 pour donner du grain à ses photos. Une esthétique « low-fi ».
Elle pratique également le freelensing – « un truc qui se fait jamais »– une technique qui revient à enlever l’objectif de l’appareil. Résultat : « des textures de lumières », conçues en faisant « rentrer de la lumière, [ce qui] créé du flou, avec une zone de mise au point instinctive, une profondeur de champ de ouf ».
En petites séries
Outre sa série « Cinema at first sight », Camille nous partage ici d’autres extraits de ses projets, à l’instar de celui – en cours – « I wait for you outside ». Ici, des autoportraits où l’on devient témoin de ses « élans de courses et [de] bribes de libertés ». Et elle qui aime révéler à nos yeux l’ « infime », se penche sur des fleurs et graminées sauvages, qu’elle décrit comme « humbles et colorées, toujours dans le vent ».
On peut aussi apercevoir dans l’article, quelques portraits réalisés en Bretagne, et même de la photo de mode, faite à Strasbourg. L’une d’entre elles est d’ailleurs une collaboration avec une friperie strasbourgeoise (Les Yeux Fermés). Un à côté de sa pratique artistique personnelle.
À ce propos, elle précise souhaiter garder son éthique et ses convictions écologiques, même dans le cadre de collaborations et commandes privées (avec des marques écoresponsables, par exemple, ou des artistes à travers des portraits, des books, des clips…).
Du côté des projets immédiats, elle s’investit aujourd’hui dans un qui lui ressemble bien : Les Orées, une association strasbourgeoise qui tente de faire du « slow-cinéma », avec des équipes réduites, des moyens plus respectueux de l’environnement.
Elle annonce également une exposition imminente. Alors si l’envie vous venait de découvrir ses créations au-delà de son Instagram et de son site, notez qu’elle exposera d’ici fin décembre et pour quelques semaines (voire mois) dans une boutique de la Petite France : Little Nuage.
Pour en savoir +
Camille Parenthoine
Sur Instagram
Sur son site internet
Instagram de Les Orées (son asso de slow-cinéma)
Instagram de la boutique Little Nuage
Un bel univers qui ressemble vraiment a une pause dans ce monde agité. Bel article, et de très belles photos.