Depuis près d’un siècle, le port autonome de Strasbourg (PAS) charge et décharge des barges transportant des marchandises sur le Rhin. Son trafic fluvial s’élève aujourd’hui à 7 millions de tonnes par an et son trafic ferroviaire devrait doubler d’ici à 2030. Reportage au coeur du deuxième port fluvial de France.
Terminal nord. Indifférent à la pluie qui martèle sa cabine, Jean manœuvre son reachstacker mieux qu’un Strasbourgeois ne le ferait avec sa voiture. Juché sur de gigantesques roues, le véhicule soulève sans effort un conteneur de 31 tonnes pour le déplacer près des quais.
Sur son écran de bord, un numéro d’immatriculation indique au conducteur qu’il tient la bonne brique métallique entre les pinces de son engin. “28 000 litres de vin” sourit-il. En vrac à l’intérieur. “Comme un gros cubi.” Sauf que celui-ci prendra la mer avant que son contenu ne finisse dans un verre.
Le deuxième port fluvial de France
“Un terminal, c’est une porte d’entrée d’un endroit sur le monde”, pose en préambule Mathieu Kinder, directeur de Rhine Europe Terminals (RET), la filiale du Port de Strasbourg en charge de la manutention portuaire. “Les conteneurs ne sont utilisés que pour parcourir de très longues distances. Ils sont destinés au transport maritime.”
Le PAS en voit passer plus de 400 000 par an au sein de ses trois terminaux (deux à Strasbourg, un à Lauterbourg). Sept millions de tonnes de marchandises qui font de Strasbourg le second port fluvial français, après Haropa (Le Havre – Rouen – Paris).
Derrière ces chiffres impressionnants, le travail de fourmi des agents du Port. Sur le pont de 4h à 21h du lundi au vendredi et de 7h à 12h30 le samedi. Chaque cariste transporte entre 15 et 30 conteneurs par heure une fois qu’il est opérationnel.
“Il faut six mois pour former un pilote de reachstackers, détaille Mathieu Kinder. Et au moins autant pour qu’il soit à l’aise sur l’appareil.” Une fois que c’est le cas, il peut alors être formé à un autre poste, à 40 mètres au-dessus du sol.
Tétris géant
Au Port de Strasbourg, les barges fluviales sont chargées et déchargées à l’aide d’immenses portiques. Des super-grues capables d’aller dans toutes les directions, et de se déplacer le long des quais grâce à un jeu de rails. Aux commandes de cette gigantesque machine, Adrien a les yeux rivés sur le bateau amarré à quai. Un conteneur au bout de ses filins.
C’est à l’œil nu que le pilote cale la boite, au centimètre près. En suivant le plan de chargement communiqué par le capitaine. Il faut jongler entre les différents gabarits de conteneurs qui ne font pas tous exactement 20 pieds, et pèsent entre 31 et 33 tonnes. La barge se rééquilibre doucement sous l’effet du poids. Un matelot glisse des pièces en métal aux quatre coins de la boîte, pour empêcher celle qui sera bientôt mise au-dessus de glisser.
D’un léger mouvement sur son tableau de commande, Adrien retourne son poste en direction du stock de conteneurs. Contrairement à ses passagers du jour, les trajectoires de sa cabine ne le perturbent pas le moins du monde. Salarié du port depuis onze ans, le cariste est devenu pilote de portique il y a sept ans, après un an de formation. Un poste qu’il aime bien. “On est plutôt tranquille ici.”
Strasbourg, façade maritime du Grand est
Au sol, José Morreira a l’œil partout. Chef d’équipe au PAS, il est l’interlocuteur du capitaine en cas de problème ou de modification du plan de chargement. Pour l’heure, huit bateliers s’activent sereinement sur les barges du convoi fluvial. L’une des 17 navettes hebdomadaires que compte le port strasbourgeois.
Situé à 40h de navigation de la mer du Nord, le port de Strasbourg se présente volontiers comme la façade maritime du Grand-Est. La majorité de ses liaisons permettent des échanges avec les ports d’Anvers et de Rotterdam par voie fluviale. Et avec de nombreux ports maritimes français par voie ferroviaire, dont Marseille, Le Havre et bientôt Dunkerque. Au terminal nord, un portique est d’ailleurs consacré aux (dé)chargements des trains de marchandises.
Une barge sur le Rhin, 240 camions en moins
“Le Port autonome de Strasbourg est une plateforme multimodale”, rappelle Claire Merlin, directrice générale du groupe depuis mars et ancienne directrice de la stratégie et du pilotage du port de Marseille. “Le trafic ferroviaire y occupe une place non négligeable. Il s’agit d’un axe de développement important dans un contexte de décarbonation des échanges commerciaux.”
En pleine expansion pour doubler son trafic d’ici à 2030, le Port autonome travaille d’ailleurs à maximiser les échanges entre transport fluvial et ferroviaire, sans passer par la route. Actuellement, “un chargement sur le Rhin représente 240 camions en moins”, se réjouit Mathieu Kinder. Une économie de pollution non négligeable, permise par les manœuvres des agents du port.
Très sympa le reportage. Merci.
Est-ce que le PAS vous a parlé de ce qu’il comptait faire pour réduire la nuisance sonore de leurs trains pour les habitants du quartier COOP? 40 passages par jour de 04h à 21h je vous laisse imaginer…