Née dans les années 2000 aux États-Unis, l’expression “sexto” est la contraction des mots “sexe” et “texto”, entendez donc le sexe par message. La pratique, appelée sextage, consiste à envoyer des messages écrits et/ou des photos à caractère sexuel à son ou sa partenaire, dans le but de susciter chez lui ou chez elle l’excitation, ou d’engager des préliminaires avant de se retrouver. Nous avons échangé avec huit Strasbourgeois et Strasbourgeoises qui sextotent : Louise*, Thomas*, Hugo, Giz, Julie, Lilou, Lucie*, et Soazic*, qui ont tous entre 19 et 29 ans, pour en savoir un peu plus sur leur manière de se chauffer par téléphones interposés.
Les sextos, c’est l’art de faire grimper au rideau son ou sa partenaire avec les mots, en devenant le scénariste d’un jour. Selon une étude Ifop réalisée en février 2020 pour CAM4 et Hot Vidéo, 22% des français auraient au moins une fois dans leur vie pratiqué l’amour virtuel. Ce chiffre monte jusqu’à 44% pour les 18-24 ans.
Mais quelles sont les histoires que nos Strasbourgeois et Strasbourgeoises se racontent pour se chauffer ? “Je surkiffe quand la personne me décrit les préliminaires qu’elle me ferait”, s’enjoue Lilou. C’est ce que fait Hugo quand il titille le désir de sa chérie : “Je décris à ma copine le mouvement que je ferais avec mes doigts. Ça l’excite énormément, et moi aussi d’ailleurs”. Pour Giz, l’intensité des descriptions est accentuée par la distance : “Je deviens folle quand j’ai conscience de l’excitation de l’autre, et que c’est impossible de se toucher”.
Pour Lucie, au contraire, le sexe virtuel est l’occasion de recevoir des messages plus directs : “J’ai un penchant pour le BDSM, donc je vais préférer qu’on me parle “sale” […] Quand on est tous les deux d’accord pour ça, je préfère que ce soit cru. Et si en plus c’est bien écrit, je fonds”. Un terrain sur lequel Lilou la rejoint : “[les mots crus] ça m’aide à rentrer directement dans le jeu”.
Parfois le sextage peut aussi mener à des situations cocasses. “Une fois, je me suis trompée de destinataire, nous raconte Lucie. Je visitais un jardin avec un membre de ma famille. Je voulais dire à mon ami que ce serait un endroit incroyable pour baiser. J’ai envoyé mon message à ce membre de ma famille avec qui j’étais. S’en est suivi un long eye contact mortifié et mortifiant. Oups”.
En couple ou sur les applis : mille et une façon de se chauffer
Pour jouer au sextage, il faut être deux. Selon une étude menée par Rob Weiskirch pour l’Université de Californie, et publiée sur le site The Conversation en 2016, l’envoi de sextos se ferait principalement entre personnes engagées dans une relation de longue durée. C’est le cas d’Hugo et Thomas dont les copines vivent loin de Strasbourg : “Je pratique le sextage de temps en temps avec ma petite amie. Nous sommes dans une relation à distance, et même si nous arrivons à nous voir environ une fois toutes les deux semaines, cette pratique nous permet de garder la flamme érotique dans notre couple”, raconte Thomas.
Louise et Giz, elles, s’adonnent à la pratique du sextage avec des personnes de leur entourage amical : “Je pratique souvent avec un de mes meilleurs amis”, confie Giz.
Mais tout le monde ne cherche pas le cadre sécurisant d’une relation proche pour livrer des mots intimes. C’est le cas de Louise, qui préfère agir anonymement : “Je pratique [le sextage] en général avec des inconnus via des applications de rencontre comme Tinder par exemple”, raconte t-elle.
Soazic, quant à elle, se laisse davantage porter par l’instant que par les liens qui l’unissent à la personne avec laquelle elle échange des messages sensuels : “Ça dépend vraiment. Je dirais que ça peut être avec des personnes avec qui je suis en couple, avec des partenaires récurrents, mais aussi des personnes que je connais peu. Ce qui diffère, c’est l’intensité des messages et leur contenu”.
Désir et plaisir : les motivations du sextage
Le sextage est donc une forme de communication qui permet à nos témoins de garder ou de créer du lien avec les personnes qui les font suer de désir.
Hugo et Thomas se rejoignent sur un point commun, le fait qu’ils pratiquent pour le plaisir : “Avec ma copine, on pratique le sextage pour prendre du plaisir, et garder du désir sexuel malgré la distance qui nous sépare. Cela permet aussi de bien s’exciter entre les quelques fois où l’on se voit, ce qui fait que lorsqu’on est en présentiel, c’est assez torride”, raconte malicieusement Hugo. Julie résume bien : “C’est une autre manière d’être intime, sans se toucher et sans vraiment se voir”.
Pour Soazic, il s’agit d’une forme de communication qui peut permettre d’engager une conversation sur ses désirs : “[Le sextage] permet en tout cas d’entamer quelque chose. Si on n’est pas très à l’aise pour parler oralement de sexe, ça permet aussi d’en apprendre plus sur ce que l’autre aime et n’aime pas”.
Confiance et respect : les règles du jeu
Selon toutes les personnes interrogées, le contenu des messages érotiques dépendrait aussi de la confiance accordée à la personne à qui sont destinée les sextos. C’est ce qui définit souvent l’insertion ou non d’images sensuelles. Évidemment, s’ajoute à cela les prédilections de chacun et chacune “Avec mon ami, on s’échange du texte et des photos, mais avec une nette préférence pour l’écrit. Déjà, il écrit extrêmement bien, et j’ai l’impression de fondre de désir. Ensuite, c’est plutôt moi qui ai envie de l’aguicher avec mon corps”, raconte Lucie.
Tous et toutes, excepté Louise, partage des photos pour sublimer leurs mots polissons. La jeune femme, qui pratique davantage le sextage avec des inconnus sur les applications de rencontre, émet des réserves : “Personnellement, je n’envoie jamais de photos. Je ne fais pas assez confiance pour pouvoir le faire, et cela ne m’excite pas vraiment”.
Soazic quant à elle, partage des photos intimes uniquement avec des personnes en qui elle a une grande confiance : “Les photos sont uniquement pour les personnes que je connais bien, mais jamais des photos où on voit mon visage, ou trop de tatouages. Et toujours à vue unique, sur Instagram par exemple”.
Mais quand la confiance est complète, certains et certaines poussent l’immersion charnelle du jeu encore plus loin. C’est le cas de Julie qui ponctue ses messages de vocaux, mais aussi de Thomas qui n’hésite pas à téléphoner à sa copine pour qu’ils puissent tous deux verbaliser leur désir de manière plus crue : “Par le passé, et avec mes exs, les photos Snapchat étaient plus courantes. Mais avec ma partenaire actuelle, la complicité de notre relation […] nous pousse à communiquer davantage, et essayer de nouvelles pratiques”.
Pour rappel, le partage et la diffusion de contenu intime partagé dans un cadre privé est sanctionné par la loi par deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende.
*Les prénoms ont été modifiés