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Portraits de marché : rencontre avec ces Strasbourgeois(es) qui se lèvent tôt

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Il est environ 7 heures quand je me lève pour partir à la rencontre des commerçant(e)s du marché Broglie, situé au cœur de Strasbourg. À cette heure-là, la plupart d’entre eux / elles sont déjà installé(e)s depuis longtemps, dans l’attente des premiers visiteurs. Des habitués que les fleuristes, poissonnier(e)s, maraicher(e)s et autres fromager(e)s appellent souvent par leur prénom. Aujourd’hui, pour cette série d’articles « Portrait de marché », c’est nous qui allons leur poser des questions, leur demander qui ils sont et d’où ils viennent. Direction la place Broglie pour nos premières rencontres. 


Chaque jour de la semaine à Strasbourg, certains parkings ou places historiques de la ville changent de visage pour accueillir des dizaines de commerçant(e)s. Que ce soit sur la place Broglie, sur celle de Zurich, de l’Esplanade ou ailleurs, on vient y chercher les meilleurs produits de la région, mais aussi pour rencontrer du monde, pour sentir la ville au petit matin ou pour déconner un instant avec les commerçants du coin. Des vendeurs et vendeuses ambulant(e)s souvent peu avares de bonnes anecdotes parfois croustillantes. On les a dérangés quelques minutes en plein service (un mercredi, le jour où se tient le marché Broglie), pour en savoir un peu plus sur eux et sur ce qui les fait se lever aux aurores, alors que certain(e)s dorment encore. 

>> À lire ou relire : Produits frais et de saison : quel marché pour prendre son pied à Strasbourg ?

***

Ophélie, 25 ans

Vendeuse et maraichère chez Hartmann, producteurs de fruits et légumes à Bertheim

Ophélie est une ancienne ouvrière agricole : c’est la voie professionnelle qu’elle avait choisie au départ, avant d’arriver sur les marchés un peu par hasard. Son truc à elle, avant les fraises, les groseilles ou les asperges, c’était plutôt les vaches laitières. C’est d’ailleurs à leur côté qu’elle s’est formée, car pour elle, le travail se fait avec les mains et surtout : à l’air libre. Un jour, une place se libère dans l’entreprise dans laquelle travaille son conjoint, l’entreprise Hartmann. Alors âgée de 20 ans, elle décide de tenter le coup, de changer de situation et de s’essayer au métier de vendeuse maraîchère. Aujourd’hui, à l’âge de 25 ans seulement, elle arpente les marchés de Strasbourg et des villages alentours depuis presque 5 ans. C’est en discutant qu’Ophélie se rend compte que le temps est passé très, très vite, tout ça en souriant très largement avec son amie qui l’accompagne à la vente ce matin-là. Il faut dire que la jeune femme n’a souvent pas le temps de se poser de questions.

© Bastien Pietronave / Pokaa

Pour Ophélie, le réveil se fait entre 4h30 et 5h. Il faut charger le camion, faire 25 minutes de route, installer son stand et gérer les imprévus… Mais ce n’est évidemment pas tout. En plus de la vente sur les marchés, qui se fait principalement lors des mois les plus chauds (de mai à octobre), Ophélie passe la plupart de son temps de travail à cultiver, à entretenir, et à cueillir les fruits et légumes qu’elle nous vend. Et à voir la file de personnes qui se forme devant son stand, et les clients qui discutent avec elle ce matin-là, Ophélie semble aussi se plaire à l’exercice de la vente. D’ailleurs, ce qui l’éclate le plus dans son boulot, ce sont eux, ceux qu’elle appelle « les gens ». Elle nous l’explique : « Ce qui me plaît le plus, c’est qu’on voit de tout, mais vraiment de tout. On profite des habitués, de leurs petites histoires et de leur gentillesse, mais on rencontre aussi des gens en difficultés financières qui font des efforts et viennent juste pour nous. Ils se déplacent pour trouver le bon produit ou tout simplement pour discuter, et ça, c’est beau à voir. Après, il y aussi des choses pas jolies à voir, ou à entendre. Des fois, on se fait insulter, notamment par des gens qui confondent le marché et la brocante, mais bon, on s’y fait. »

***

Rémy Reutenauer

57 ans, horticulteur à Holtzheim

Comment rater le stand de Rémy, avec ses fleurs et ses plantes qui embaument la place ? Toutes les couleurs qui reflètent la lumière du petit matin, on ne peut pas les manquer. Plein de modestie, il m’explique qu’il fait partie de la troisième génération de vendeurs. Ses grands-parents étaient déjà sous les tonnelles du côté du boulevard de la Marne où ils étaient maraîchers, puis son oncle et sa tente ont repris l’activité maraîchère. Par la suite, c’est le papa de Rémy qui s’est spécialisé dans ce qu’il appelle « La fleur ». Et s’il évoque avec plaisir le passé de sa famille, il en connaît aussi quelques bonnes anecdotes. Il nous en parle brièvement : « La première fois que l’on m’a emmené sur le marché, j’avais deux ans, je me promenais sous les stands avant même de savoir marcher. Je crois qu’à ce moment-là ma mère a eu un peu peur que je me blesse, mais c’était comme ça à l’époque, on faisait comme on pouvait. Mais a priori, je suis encore là et j’ai 57 ans, donc c’est que ça me plaisait déjà. Pour moi, même si c’est un peu difficile, et que le personnel est difficile à trouver et à garder, travailler le vivant, les végétaux, et surtout produire ce que l’on vend, ça a quelque chose de spécial ». 

© Bastien Pietronave / Pokaa

Comme Ophélie, Remy se lève tôt, très tôt : pour lui, ce sera 4h. Et comme pour la jeune femme, le métier ne s’arrête évidemment pas à la vente puisque Rémy cultive, entretient et récolte également la plupart de sa production qui se trouve à Holtzheim et Wolfisheim. Le muguet au printemps, les roses pour la Saint-Valentin ou la fête des mères, les sapins à Noël, on ne chôme pas quand on bosse sur les marchés !

***

Sélina Martin

30 ans, vendeuse chez le poissonnier Alfred Lauth

Sélina est originaire de Haguenau, et elle aussi est arrivée sur les marchés un peu par hasard. Comme quoi, ce sont souvent les hasards qui forment les meilleures histoires. Au départ, la jeune femme s’est formée au design d’espaces, mais pour financer ses études et se loger, il lui fallait un peu de caillasse. Elle décide alors de choisir un boulot pour arrondir ses fins de mois. C’est comme ça qu’elle rentre chez Alfred Lauth, une entreprise fondée en 1929 à Strasbourg que vos parents et grands-parents connaissent peut-être (l’ancienne boutique historique est désormais un magasin Picard au Neudorf).

© Bastien Pietronave / Pokaa

Après ses études, Sélina a du mal à trouver un poste fixe : elle enchaîne donc les contrats temporaires et a du mal à se stabiliser, mais son boulot du samedi lui plaît bien. Ses collègues sont sympas, accueillants, pédagogues, ils lui apprennent les rouages du métier, tout lui plaît, et surtout elle aime travailler avec ses mains. Bien qu’elle vienne à peine de créer son auto-entreprise dans le domaine pour lequel elle s’est formée, le Covid arrive et modifie sa perception du travail. Elle décide alors de postuler à plein temps, et désormais, elle arpente les marchés du coin, notamment entre Strasbourg, Entzheim et Obernai. 

Aujourd’hui, Sélina aime ce poste, c’est elle qui gère tout, et elle lève n’importe quel filet plus vite que son ombre. Elle nous raconte ce qui lui plait dans ce noble métier de poissonnier : « J’aime ce boulot. Au départ, j’étais toute timide, et le marché m’a fait changer. Ici, je retrouve une deuxième famille, et ce contact avec les autres vendeurs et les clients m’a appris à appréhender les choses autrement. Et puis travailler le poisson, même si certains pensent que c’est peu ragoûtant, moi j’aime beaucoup. Et puis en dehors de la vente, j’adore le côté technique, d’ailleurs, je lève des filets à la vitesse de la lumière ».  Sélina aussi, comme Rémy et Ophélie, enchaînent les heures. Un lever à 4 h du matin, qui dit mieux ? Les boulangers peut-être ? Avec ses 42 heures par semaine, elle se plait à faire les marchés et ses clients du matin lui rendent bien.

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