Avec la guerre en Ukraine, le coût de l’énergie ne cesse d’augmenter et de peser dans le pouvoir d’achat des ménages. Mais lors du conseil de l’Eurométropole de ce vendredi 25 mars, une décision sera prise pour changer cela. Grâce à des réseaux de chaleur rénovés, dès l’année prochaine, les prix de l’énergie devraient baisser à Strasbourg. On vous en dit plus.
Dans la nuit du 28 février dernier, un avion survolait Strasbourg. Le but de la manœuvre ? Effectuer des relevés infrarouges sur plusieurs réseaux de chaleurs, des sortes d’immenses radiateurs, situés dans les quartiers strasbourgeois. Ce vendredi, l’Eurométropole votera une délibération pour que ces réseaux de chaleur soient rénovés, pour faire baisser les prix et faire monter l’écologie. « Une délibération stratégique, sur un sujet majeur dans les années à venir », selon Jeanne Barseghian. Pour en savoir plus, on a contacté Danielle Dambach, vice-présidente de l’Eurométropole.
Chauds les réseaux
À quoi sert un réseau de chaleur ? Tout simplement… À nous chauffer. Si plus haut on définissait un réseau de chaleur comme une sorte de gros radiateur à l’échelle d’un quartier ou d’une ville, Danielle Dambach précise : « Un dispositif de chaleur permet d’acheminer la chaleur, quelle que soit l’énergie qu’on branche derrière. Ça peut être de la chaleur tirée de la terre, de la chaleur de la récupération comme celle de la valorisation des déchets, de l’aciérie de Kehl… Le tout, pour le mettre dans un réseau, dans des grands tuyaux qui acheminent la chaleur dans les quartiers qui en ont besoin ».
Pour le moment, notre ville compte quatre réseaux de chaleur : au Wacken, à Hautepierre/Poteries, à l’Esplanade et à l’Elsau. Ces deux derniers vont d’ailleurs fusionner, pour donner naissance à un unique réseau : Strasbourg Centre. L’énergie qui y est injectée se compose aujourd’hui de 43% d’énergie renouvelable et de récupération. On y trouve 56,9 % de gaz, 32 % de biomasse, 11% qui proviennent de la combustion des déchets des ménages et 0,1 % de fioul en appoint. Ainsi, pour Danielle Dambach, l’objectif aujourd’hui, c’est de développer le renouvelable : « Certains réseaux de chaleur publics sont anciens et doivent être modernisés ou étendus. Il faut passer le plus rapidement possible au renouvelable. Dans le Plan climat, Il faut aller vers 50 % de renouvelable en 2030 et 100% en 2050 ». Pour le moment, 50 000 logements sont raccordés à un réseau de chaleur. En 2030, l’objectif sera d’alimenter 100 000 logements.
Répondre à l’urgence climatique et assurer le pouvoir d’achat des ménages
L’ambition de l’Eurométropole est donc d’alimenter le plus de logements possibles sur son territoire. La majorité des logements restent pour l’instant alimentés par des chaudières gaz/fioul. L’Eurométropole souhaite donc faire autrement. Avec deux objectifs en tête : développer les énergies renouvelables et répondre à l’urgence climatique. Comme l’affirme Danielle Dambach : « D’abord il faut qu’on réponde à l’urgence climatique. Il faut aller vers une neutralité carbone. Le denier rapport du GIEC nous a rappelé qu’on ne tenait pas les objectifs de la COP 21. Il faut ainsi qu’on maîtrise notre approvisionnement. On subit sinon les augmentations qui nous sont imposées. On a un monde en plein bouleversement et il faut qu’on essaye de les amortir. L’Eurométropole fait ainsi le choix de continuer le choix vers la sortie des énergies fossiles pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages et assurer l’indépendance énergétique ».
Cette volonté de réponse à l’urgence climatique s’accompagne d’un véritable enjeu de souveraineté. Selon Daniel Dambach : « On constate qu’on a une grande dépendance au fioul, au gaz, à l’électricité. Cette dépendance est très forte, notamment au gaz, on est par exemple à 20 % dépendant du gaz russe. Garantir l’indépendance permettra ainsi de maîtriser les coûts, se passer des énergies fossiles, pour augmenter le pouvoir d’achat des ménages. L’idée c’est ainsi d’aller vers le développement des énergies renouvelables, pour assurer des prix stables et sortir les habitants de cette dépendance au gaz et fioul pour chauffer la maison ». En somme : réduire la conso énergétique des logements. Des travaux de rénovation et d’isolation thermique ont déjà été lancés. Car, comme le dit Danielle Dambach : « L’énergie la moins chère est celle qu’on ne consomme pas ».
Moins payer pour se chauffer
Ce 25 mars, l’Eurométropole va voter deux délibérations sur le renouvellement des délégations de service public (DSP) des réseaux de chaleur de Hautepierre-Poteries, de l’Elsau et de l’Esplanade. Pour le premier, l’ambition principale est claire : « Il faut sortir du gaz. On est alimenté à 100% au gaz, et on veut passer à un réseau qui alimente avec du renouvelable ». On passerait alors à un réseau alimenté à 65 % par des énergies renouvelables : biogaz, biomasse et énergies renouvelables issues du groupe froid des CHU de Hautepierre. C’est l’idée d’ENGIE solutions, gagnante de la DSP. De près de 14 000 logements raccordés, on passerait à 24 800 logements, avec un réseau étendu aux quartiers de Cronenbourg, Koenigshoffen et Hohberg. 760 000 tonnes de CO2 évitées sur la durée du contrat, avec un prix qui passerait de 202 € le mégawatt/h à entre 67 et 74 € du mégawatt/h.
Pour le second, les réseaux de chaleur d’Esplanade et de l’Elsau vont fusionner. Ce nouveau réseau de chaleur, appelé Strasbourg-centre, va intensifier la part de l’énergie renouvelable. Selon Danielle Dambach : « Pour Strasbourg-centre, il y a la spécificité d’étendre ce réseau de chaleur, mais surtout d’intégrer la chaleur émise par l’aciérie BSW de Kehl. C’est le premier projet de ce type ». Cette volonté de devenir un laboratoire transfrontalier sur le sujet a conduit l’Eurométropole à choisir les Réseaux de chaleur urbains d’Alsace. Une société gérera ce nouveau réseau avec un capital de 1,5 million d’euros, dont un tiers apportés par l’Eurométropole. Cela étendra le réseau de 35km, pour raccorder 15 000 logements supplémentaires. Avec entre 80 et 83 % d’énergies renouvelables, le tout, pour un prix stable, autour des 90 euros du mégawatt/h. Et, à terme, l’ambition que tous les quartiers de Strasbourg soient desservie.
Ces deux délibérations votées ce vendredi 25 mars montrent l’ambition de l’Eurométropole de se diriger vers une énergie plus vertueuse dès l’année prochaine. Un pas dans le bon sens en ces temps incertains, et qui sera amplifié dans le futur. En effet, dès 2023, l’évolution réglementaire rendra obligatoire le raccordement de tout bâtiment faisant l’objet d’une autorisation d’urbanisme. À Strasbourg, on pourra bientôt peut-être prétendre au titre de capitale des réseaux de chaleur.