Strasbourg est la ville cyclable par excellence : 600 kilomètres de pistes cyclables, des dizaines de feus appropriés et 16% des habitants qui utilisent le vélo pour aller au travail ! Mais la cohabitation entre usagers de la route, c’est-à-dire piétons et cyclistes dans le centre-ville, peut s’avérer compliquée. Quels reproches les piétons font-ils aux cyclistes ? Quels sont ceux de ces derniers vis-à-vis des piétons ? Et surtout, quelles solutions peuvent selon vous permettre un usage des routes plus serein?
Il y a quelques temps, sur notre compte Instagram, nous avions lancé un sondage autour de la cohabitation entre piétons, cyclistes et automobilistes à Strasbourg. Vous avez été plus de 10 000 à répondre et parmi vous, 1240 piétons, 1747 cyclistes et 1015 automobilistes. Dans chaque catégorie, plus de 80% d’entre vous déclaraient avoir déjà été ennuyés par les autres usagers de la route. Un vrai constat s’impose alors : la cohabitation peut s’avérer compliquée. Nous sommes donc allés à votre rencontre dans les rues de la ville, pour mieux comprendre comment vous vivez vos déplacements à Strasbourg et la cohabitation entre tous les usagers.
Une cohabitation difficile…
Serge, 48 ans, est un cycliste du quotidien. Mais il a une confession : “Lorsque je suis cycliste, les piétons m’énervent. Mais quand je suis piéton, je ne supporte pas les vélos.” Un paradoxe que bien des Strasbourgeois et Strasbourgeoises connaissent.
“En règle générale, tout se passe bien quand je marche en ville. Mais les vélos sont parfois trop rapides” explique de son côté Saliha, en mentionnant notamment la Grand’Rue et la rue des Grandes Arcades comme des endroits où elles se fait surprendre. Nicolas complète : “Il n’y a presque pas de piste cyclable clairement délimitée dans l’hyper centre, donc ça ne va pas”. À Strasbourg, il y a beaucoup d’aires piétonnes, comme la rue des Grandes Arcades, où les piétons sont prioritaires et les vélos tolérés. En tant que cycliste et conducteur de trottinette électrique, Nicolas, comme tant d’autres, utilise donc les mêmes espaces pour circuler quel que soit son moyen de locomotion.
Memhet, 19 ans, a déjà failli avoir un accident : “J’étais à vélo lorsqu’un autre cycliste est arrivé en sens inverse sur la piste cyclable, et on a failli se percuter” se souvient-il. “S’en est suivie une altercation assez violente, avant de repartir chacun de nos côtés”. Un non-respect du sens de circulation qui lui aura valu une belle frayeur, et lui fait depuis privilégier les déplacements à pied. “Parfois les pistes cyclables ne sont pas respectées par les piétons” remarque également David, 32 ans. “Il m’est déjà arrivé de tomber parce que l’un d’eux m’avait coupé la route” regrette-t-il. Lisa, piétonne de 18 ans, avoue en effet ne pas toujours respecter les espaces qui lui sont réservés lorsqu’elle marche dans Strasbourg : “Les trottoirs sont très petits, et parfois je marche sur la route, ou sur les pistes cyclables” indique-t-elle. “Et c’est là qu’il peut y avoir des problèmes.”
Des signes indiquent des pistes cyclables sur les routes, un trottoir central est dédié aux piétons, mais fait aussi office de voie cyclable, des voitures et des trams circulent de chaque côté… Difficile en effet de savoir où circuler. Une zone de flou qu’identifie aussi Lisa. “Entre les stations de tram, les feux piétons, les vélo et les voitures, on ne s’y retrouve pas” estime la jeune femme. Bilan : d’un côté, les cyclistes sont parfois trop rapides quand ils circulent au même endroit que les piétons, et ils ne font pas assez attention aux autres. De l’autre, les piétons sont parfois indisciplinés, et ne respectent pas leurs espaces. Manque de signalisation claire, ou inattention de leur part, cela entrave la circulation des cyclistes.
…mais des solutions possibles
“Si chacun respecte l’autre, il n’y a pas de problèmes” estime cependant Nicolas, 45 ans. Armé de son casque et de ses lumières en prévision de la nuit tombante, Nicolas considère que sur les quais des Bateliers, les piétons sont chez eux. Et en effet, le quais des Bateliers est une zone de rencontre : les piétons ont la priorité sur les autres usagers (tramways exclus), la vitesse est limitée à 20 km/h pour les voitures et les cyclistes peuvent circuler dans les deux sens. Faire attention aux autres usagers est donc essentiel dans ces rues où le code de la route laisse à chacun la responsabilité de la zone sur laquelle il circule. Si les piétons y sont prioritaires, ils ne peuvent par contre pas “stationner” sur la voie : c’est à dire qu’un piéton qui s’arrête devra se décaler sur le côté pour laisser circuler les autres usagers. Parmi les autres zones de rencontre à Strasbourg, il y a la rue des Frères, celle du Jeu-des-Enfants, ou encore la Grand’Rue.
Mathieu, 18 ans, complète : “En plus de déterminer les espaces, on devrait faire un rappel du code de la route”. Ce rappel au code de la route, vous avez été nombreux à le mettre en avant lors de notre sondage sur Instagram. Il n’existe pas de permis de conduire cycliste, et le titulaire d’un permis de conduire traditionnel ne peut pas perdre de points s’il ne respecte pas le code de la route en circulant à vélo ou à pied. Mais tout usager de la route (piéton et cycliste) se doit de respecter le code : les infractions sont punies d’amendes pouvant aller le plus souvent jusqu’à 135 euros. En matière de code de la route, le site de la sécurité routière propose une page dédiée aux cyclistes avec des conseils et un rappel de leurs obligations.
Pour renforcer la sécurité des cyclistes, Mohamed, 40 ans, a une idée supplémentaire. “Il faudrait que tout le monde soit visible, ça éviterait les accidents”. En fait, il est obligatoire pour les cyclistes d’être visibles en tout temps, comme le rappelle le site du service public. Se rendre visible, ça revient donc à se munir de lumières avant et arrière, d’un gilet jaune, de catadiopres et d’une sonnette par exemple. L’idée, c’est que les autres usagers sachent que l’on circule avec eux, à travers des indices visuels ou sonores et à toute heure du jour ou de la nuit. Une manière de savoir s’il fait assez nuit pour devoir avoir des lumières fonctionnelles : si l’éclairage public est allumé (les révèrbères quoi), c’est que oui.
Et cette solution va dans le sens d’une autre que vous nous avez soumise : “Que chaque usager pratique les autres moyens de locomotion, pour augmenter la politesse”. Avoir plusieurs modes de transport successifs, c’est ce qu’on appelle l’intermodalité. En toute logique, ça favorise le vivre ensemble : on se rend compte de ce qu’être piéton, cycliste ou automobiliste veut dire, et on peut faire mieux attention les uns aux autres.
Votre solution favorite : établir des zones de circulations distinctes et claires
Parmi les solutions que vous nous avez proposées, presque toutes appellent à une démarcation plus claire des espaces de chacun. “En tant que cycliste, j’ai des droits et des devoirs” poursuit Serge. S’il prône un vivre ensemble basé sur la tolérance, la clé est selon lui dans l’organisation des espaces : “Il faut qu’on soit coordonnés pour se respecter” explique-t-il. “Les cyclistes ne devraient jamais avoir à être sur la route” estime Mehmet. “Et il faut une signalisation plus claire. Il y a beaucoup de pistes cyclables et de feux dédiés aux cyclistes, mais ça ne suffit pas” poursuit Loubna. Sans forcément séparer les espaces piétons, cyclistes et automobilistes drastiquement, “chacun doit savoir où il peut et où il doit être dans l’espace” dit Serge.
C’est d’ailleurs ce fonctionnement drastique qu’adopte depuis plus de 70 ans la capitale danoise, Copenhague. Les pistes cyclables sont de véritables routes séparées de celles des voitures et des piétons. Aucune chance de se retrouver au mauvais endroit. Les pistes cyclables “deuxième génération” utilisées depuis 2011 peuvent aller jusqu’à quatre mètres de large sur l’axe passant de Nørrebrogade par exemple.
La ville de Montréal est elle aussi en pleine construction du Réseau Express Vélo, qui convertit des axes très passants en des bandes cyclables à part entière. À l’origine, quatre voies pour les autos. Maintenant, deux pour les autos, deux pour les vélos. Et entre les voitures et les bicycles, une séparation physique (terre-plein ou poteaux) pour assurer le respect des espaces. Chaque utilisateur a son propre feu de signalisation : un pour les piétons, un pour les autos, un pour les cyclistes. Un projet très critiqué mais qui se réalise malgré tout, et qui est déjà utilisé par des centaines de cyclistes.
À Strasbourg, pour répertorier les zones où la cohabitation pose un problème, l’application collaborative Vigilo propose aux citoyens de les identifier. L’association SAV milite de son côté pour une délimitation claire entre les voies cyclables et les autres, ainsi que pour des pistes qui ne s’arrêtent pas tout à coup. Un problème que vous avez beaucoup soulevé, au niveau de l’Avenue des Vosges notamment.
Respect par TOUS… des feux, céder le passage et stop serait déjà un vrai miracle, et sauverait tellement de vies.
C’est le respect d’autrui qui manque… Dans une société où l’individualisme est devenu roi.
Le vivre ensembles n’existe plus.
Aujourd’hui c’est : Moi moi moi et je t’emmerde….(c’est ça le + gros problème).
Je le vois tous les jours sous ma fenêtre, le feu est grillé au moins 10x par jour et par TOUS…
L’aménagement urbain devrait être un confort en + et non une nécessité…Les pays du nord ont tout compris…
En France c’est inconcevable de responsabiliser chaque individu.
Même quand les pistes cyclables sont existantes et suffisamment larges on trouve des cyclistes sur le trottoir Ils roulent vite et souvent sans éclairage J’en fait hélas l’expérience rue du Rhin à chacune de mes sorties En temps que personne âgée je ne me sens plus en sécurité sur le trottoir ce qui est un comble pour un piéton
Super article.
Bien sûr qu’il faut séparer physiquement les pistes cyclables, que les pistes cyclables ne soient pas interrompues à tout bout de champ, et surtout que les cyclistes roulent dans le bon sens et limitent leur vitesse. Il y a vraiment trop de cinglés qui se croient tout permis. Je suis piéton et cycliste, je descends de mon vélo quand il y a trop de monde. Pour moi la principale urgence c’est de faire des vrais délimitations physiques et pas visuelles