Réservés aux femmes (cisgenres et transgenres) et aux personnes non-binaires, les ateliers mis en place par Wom·x ont lieu toutes les deux semaines. En plus de proposer un espace d’apprentissage bienveillant, les participantes peuvent y apprendre à mixer, se perfectionner, ou s’initier à la production sur du matériel professionnel. Reportage.
Il est 13 heures au Shadok, sur la presqu’île Malraux. C’est la première fois que le collectif s’y établit, sur une grande table au rez-de-chaussée. Sur la scène adjacente, une table de mixage professionnelle, agrémentée de la banderole à l’effigie de Wom·x. À l’accueil des participantes, Ludivine, plus connue sous son nom de scène, LUDE. « Vous êtes là pour quel atelier, vous ? » Ce samedi, on peut apprendre à mixer, ou apprendre à produire. En tout, une dizaine de personnes sont inscrites pour les sessions de 13h.
« On veut plus de femmes et de personnes non-binaires sur la scène électro »
Après avoir divisé le groupe, les participantes qui veulent apprendre à mixer s’installent autour des platines. Chacune se présente, précise le pronom qu’elle souhaite qu’on lui attribue, et définit un peu ce qu’elle a envie de mixer. « C’est la première fois que je vais toucher des platines, mais ça m’intrigue car j’adore danser » avoue Alice, légèrement intimidée. Zoé, elle, veut se perfectionner. « Je passe mes playlists en soirée, mais j’aimerais pouvoir faire plus » explique-t-elle. Ludivine les rassure. « C’est le choix des musiques qui fait tout, le reste c’est de la technique. Ça s’apprend et ça se pratique, mais c’est très accessible » précise-t-elle. La jeune DJ a commencé à mixer en rave, et évolue dans les clubs depuis.
Avant de commencer, Céline, fondatrice de Wow.x, précise le but de l’association. « On constate qu’il y a très peu de DJ femmes dans les programmations, même si ça évolue » explique-t-elle. Sociologue du genre, elle précise qu’à terme, il s’agit aussi de soutenir les femmes qui veulent devenir DJ, de les propulser. « On veut que les femmes et personnes non-binaires soient présentes sur la scène électro » continue-t-elle. « Car on est souvent touchées par un sentiment d’illégitimité qu’il nous faut déconstruire. »
Ludivine rebondit : « C’est un sentiment que je connais bien » avoue-t-elle. « Ça fait peur, et ça peut donner envie de tout laisser tomber » ajoute LUDE. Pour recenser la réalité des femmes dans le milieu, elle parle ensuite du compte Instagram Tu Mixes Bien (TMB), dont on vous parlait déjà en mars, qui compile des phrases problématiques entendues par des DJ. Le but ce samedi est très clair : donner aux participantes la confiance nécessaire pour s’emparer des platines, et les soutenir si cela leur plaît et qu’elles veulent persévérer dans cette voie. « Ici, c’est bienveillance obligatoire » assène Ludivine. Une fois les présentations terminées, le cours commence.
Devenir DJ : de l’entraînement, et de la musique en masse
« Être DJ, c’est mettre l’ambiance, chercher du son qui vous plaît, et partager ça » résume Ludivine. « Si c’est votre truc, ça risque de vous plaire » finit-elle. Dans la recherche de sons, elle parle ensuite de choix éthiques et politique. Certains DJ choisissent par exemple de passer de la musique produite localement, par des femmes, ou par des labels indépendants par exemple. Elle insiste sur la base de son activité : construire une bonne playlist.
Pour Alice, « une bonne playlist c’est quelque chose qui s’adapte au public. » Mais comment sait-on ce qui va lui plaire ? « Il faut vraiment être à l’écoute, et si vous voyez que votre sélection de base ne passe pas, vous pouvez essayer autre chose » explique Ludivine. Si certaines DJ ont une playlist déjà prête pour chaque événement, elle choisit en fonction des styles au fur et à mesure de la soirée. « Lors d’un festival, le genre qu’on m’avait demandé de préparer n’allait pas du tout avec l’ambiance le jour même, alors je me suis adaptée et c’était génial » raconte-t-elle.
Une fois la théorie discutée, Ludivine invite les participantes à regarder le logiciel et les platines. Elle explique chaque bouton, comment fonctionne la tablette, comment sélectionner les musiques, et les rudiments de sa pratique. « Il y a deux parties sur les platines, chacune correspond à une musique, et le but, c’est de passer de l’une à l’autre, » résume-t-elle. Les visages concentrés scrutent ses mouvements, lorsqu’elle commence à lancer la première musique. « La partie du milieu, c’est ça qui détermine ce qui joue pour le public, ce qu’il entend, et ce que vous entendez vous dans votre casque » poursuit-elle. Après quinze minutes d’explications, elle propose d’essayer. Chaque participante s’installe à un poste, et commence à jouer de la musique. « Pour éviter que ce soit cacophonique, on peut uniquement entendre ce que vous jouez dans vos casques » précise Ludivine.
Jusqu’à un peu après 15 heures, elle passe voir les apprenties DJs et leur donne des conseils, leur explique ce qu’elles ne comprennent pas, et prend le temps de distiller de précieuses informations qu’elle aura elle-même apprises en pratiquant. Sur les tablettes à leur disposition, des playlists suggérées leur permettent de son concentrer sur le style de musique qu’elles préfèrent, et de travailler à faire les transitions entre deux morceaux.
Au-delà de l’atelier, une véritable communauté
Après quasiment deux heures d’atelier, Ludivine interrompt les participantes. « Vous pouvez rester jusqu’à 16 heures, mais j’aimerais qu’on fasse un bilan » explique-t-elle. Elle les félicite, et demande ce qui leur a semblé simple, ou compliqué. « C’est difficile de faire une bonne transition » estime Candice. Toutes acquiescent. « Ça prendra du temps pour en faire sans se poser trop de questions » ajoute Alice. « Mais ça me donne envie de me mettre à mixer, de faire des playlists, et de revenir avec ma musique à moi » continue-t-elle. Toutes sont ravies, et ont du mal à appuyer sur le bouton pause de leurs platines.
Après l’atelier de début d’après-midi, une seconde session est organisée de 16 à 18 heures, suivie par une discussion autour des questions de genre dans la musique électronique, puis par un open platine, où toute femme ou personne non-binaire peut s’inscrire pour mixer en public. La journée est clôturée par un set d’Enaon, une DJ strasbourgeoise. Ludivine et Céline encouragent les participantes à rester, et à penser à s’inscrire, si cela leur dit, aux open platines à venir. « C’est super ouvert en encourageant » se réjouit Candice.
« Vous allez recevoir un courriel avec des conseils sur le matériel, et on vous ajoutera à un groupe Facebook privé pour pouvoir continuer à être en contact » explique Céline. L’association a également un podcast, plateforme qu’elle met à disposition des participantes pour diffuser les sets qu’elles enregistrent. « N’hésitez pas à revenir aux ateliers pour pratiquer, même si vous n’avez plus besoin de l’introduction » précise-t-elle. Bientôt, les platines seront disponibles en dehors des heures de ateliers pour pouvoir être utilisées par quiconque voudrait poursuivre sa pratique. « Et n’hésitez pas à vous faire connaître auprès de TMB, qui tient une liste des DJ strasbourgeoises qu’elle envoie aux clubs, pour qu’ils ne puissent pas dire qu’ils ne savent pas où trouver des femmes qui mixent » conclue Céline.
Pour suivre Wom·x et être au courant des ateliers proposés, rendez-vous sur leur site web, ou sur leur page Facebook.
Camille Balzinger