Vous vous êtes déjà demandé pourquoi il y avait autant de rues-du-marché-quelque chose à Strasbourg ? Pourquoi certaines artères ont des dates en guise d’intitulé ? Nous aussi, on s’est posé la question. Alors on est allé gratter sous les pavés pour trouver la petite histoire derrière les noms des rues les plus emblématiques de la capitale européenne. Aujourd’hui, direction la rue de la Division Leclerc !
À Strasbourg, elle est l’autre rue bordée d’arcades.
– « Mais si tu sais, pas celle qui mène à la place Kléber mais celle du tram là, après Grand’Rue. Qui descend vers les quais ! »
-« Des quais il y en a tout le tour du centre-ville… »
– « Oui mais là il suffit de traverser le pont en bas pour aller vers Porte de l’Hôpital ».
– « Ah ok maintenant je vois. »
Indiquer la rue de la Division Leclerc, c’est souvent la décrire avant de la nommer, même entre Strasbourgeois. Pourtant, ce nom boudé des mémoires fait référence à une page importante de l’Histoire de la ville.
Créée lors de la Grande percée – un projet urbain de modernisation du centre historique de Strasbourg qui a également donné naissance aux rues de la 1ère armée, du 22 novembre et des Francs Bourgeois – la rue de la Division Leclerc doit son intitulé à la 2e division blindée (2e DB), unité de l’armée française dirigée par le général Philippe Leclerc de Hauteclocque ayant libéré Strasbourg.
>> A lire ou relire : Destruction bien bourrin : il était une fois la Grande-Percée de Strasbourg
La division Leclerc, première dans Strasbourg à la Libération
Pourquoi elle et pas une autre ? Remontons au 2 mars 1941. Une partie de la France est occupée, le maréchal Pétain est « chef de l’État français » à Vichy, le général de Gaulle est exilé à Londres où la Résistance s’organise, et la 2e division blindée vient de remporter une grande victoire sur les troupes italiennes en Libye, après deux mois de conflit. C’est la première victoire de la France depuis la capitulation de 1940. Au terme de cette bataille, celui qui n’est encore que colonel prête avec ses hommes le « serment de Koufra » : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg. »
Trois ans plus tard, le 23 novembre 1944, la 2e DB tient sa promesse et entre dans Strasbourg la première. « Tissu est dans iode », envoie le lieutenant-colonel Rouvillois au général Leclerc pour l’informer que l’opération s’est bien déroulée. En début d’après-midi, Emilienne Lorentz, une bouchère installée place Saint-Etienne, coud un drapeau dans un morceau de drap blanc dont une partie est teinte au bleu de méthylène. Elle y ajoute un morceau d’étendard nazi rouge. À 14h20, le drapeau improvisé est hissé à 142 mètres de haut, au sommet de la flèche en gothique flamboyant la plus célèbre de la plaine alsacienne.
Voilà, vous en savez désormais un peu plus sur cette rue au nom trop souvent oublié. La prochaine fois vous prendrez le tram en direction de Porte de l’Hôpital, vous pourrez avoir une pensée pour la 2e DB, qui a parcouru cette avenue en sens inverse, un matin de novembre 1943. Bientôt, c’est derrière la plaque d’une autre rue strasbourgeoise que nous irons gratter…