La colocation est un phénomène de plus en plus prisé en France, principalement à cause des augmentations constantes du coût des loyers. Une réalité à laquelle Strasbourg n’échappe malheureusement pas. Avec le Covid qui a accentué la solitude de nombreuses personnes durant les multiples confinements, se retrouver entre inconnus ou entre potes peut sembler une bonne solution. On est allé discuter avec plusieurs Strasbourgeoises et Strasbourgeois, afin qu’ils nous expliquent les raisons du succès de ce mode de vie.
Ces dernières années, la colocation est devenue de plus en plus populaire. Selon une enquête Harris Interactive publiée en novembre 2018, 28% des Français déclarent connaître actuellement ou avoir connu une expérience co-locative. Une réalité en partie due à la bonne réputation dont jouit la colocation : 70 % des Français interrogés ont en effet une bonne image de cette dernière. Et pour ceux qui ont déjà vécu une colocation, ils sont 84% à la considérer comme une bonne expérience. Un bouche-à-oreille positif, qui rend donc la perspective de la colocation plutôt attractive.
Pour Thibaut Ehrhart, co-fondateur de la société APOENA, éditrice du site La Carte des Colocs, on assiste à un boom des demandes de logements en colocation. Mais il nuance tout de même : « Il est difficile pour nous de distinguer l’augmentation de l’audience qui provient de notre croissance “organique” (liée au fait que La Carte des Colocs soit de plus en plus connue et utilisée) et l’augmentation liée à l’effet de marché en général. Toujours est-il que nous enregistrons une forte croissance des utilisateurs et des annonces : +40% de personnes proposant un logement entre 2019 et 2020, et cela continue. »
Un logement plus grand, moins cher et plus facile à trouver
La première raison du succès des colocations est d’ordre économique. Dans l’enquête Harris Interactive de 2018, 91% des sondés estiment qu’il s’agit d’un facteur important dans leur décision (dont 44% un choix très important). Une des explications est l’augmentation du coût du logement dans les métropoles françaises, dont Strasbourg est loin d’être épargnée. Selon les chiffres de l’Observatoire 2020 de la colocation par LocService, le loyer moyen d’une chambre en colocation s’élève à 417 €, charges incluses. Tandis que pour un studio, le loyer moyen s’élève à 515 €, soit 21 % plus cher. Une réalité économique que Thibaut Ehrhart met également en avant : « Il y a un vrai boom sur le secteur, principalement lié à l’augmentation du coût du logement dans les grandes métropoles et à l’augmentation des échanges universitaires. »
L’aspect financier est semble donc important et plusieurs Strasbourgeoises et Strasbourgeois ont d’ailleurs sauté le pas suite à crise du Covid. C’est le cas de Gaéthane* que le Covid a poussé à prendre un colocataire : « C’était après une séparation avec mon ex-petit ami, je gardais l’appartement mais avec le Covid je me suis retrouvée en chômage partiel. Je ne pouvais pas payer mon loyer toute seule alors je souhaitais prendre un colocataire pour payer une partie du loyer. »
Pour Eugénie*, qui avait une chambre de son appartement en location via Airbnb, le Covid a mis un coup d’accélérateur à une envie qui se dessinait depuis un petit moment : « La location devenait pesante et me laissait peu de temps de répit. Je devais constamment gérer les réservations, organiser les arrivées, nettoyer l’appartement tous les jours, ce qui représentait une charge mentale énorme. En février 2020, je n’avais plus aucune réservation et payer le loyer seule devenait de plus en plus compliqué, car mes heures de travail diminuaient pour s’adapter à la situation, et mon salaire également. J’ai donc pris la décision officielle de prendre un colocataire. »
Miser sur la colocation permet également de bénéficier d’un logement plus grand. Un argument partagé par 72 % des sondés de l’enquête Harris Interactive. D’après le sondage, nombreux sont ceux qui ont vu dans la colocation le moyen le plus simple de trouver un logement (83%), voire qui se sont vus confrontés à l’impossibilité de trouver un logement seul (68%). Une réalité que Justine considère comme un avantage : « La coloc est vraiment une super option car ça permet d’avoir accès à un espace de vie plus accueillant pour moins cher. »
Vivre en communauté et échapper à la solitude
Selon l’enquête Harris Interactive de 2018, habiter avec des amis (68%) ou même avoir envie de rencontrer de nouvelles personnes (57%) sont des motivations importantes pour la majorité des colocataires. À ce sujet, Thibaut Ehrhart précise : « Il y a également de plus en plus de personnes qui souhaitent vivre en communauté. Le fait que les jeunes gens entrent de plus en plus tard sur le marché du travail et souhaite continuer à vivre à plusieurs, et ainsi éviter la solitude. » C’est notamment le cas de Gaéthane : “Je me suis dit que ce serait bien d’avoir quelqu’un avec qui je pourrais partager des moments. Si c’était uniquement financier, j’aurais pu quitter mon appart, donc c’était aussi pour vivre une expérience plutôt cool. »
En pleine période de crise du Covid, vivre en communauté semble de plus en plus attrayant pour palier à la sensation de solitude des Françaises et des Français. Par ailleurs, Thibaut Ehrhart a également remarqué un bond sur les colocations au sortir du premier confinement : « L’été qui a suivi a été un vrai rush sur la colocation, mais il est difficile de savoir si ce rush est lié à un report des mois de confinement, ou à une augmentation générale. »
En ce qui concerne Lionel*, le premier confinement a en effet joué un rôle prépondérant dans son envie de colocation. Pour le jeune homme qui habitait chez ses parents depuis quatre ans après son retour d’Allemagne, impossible de vivre un deuxième confinement chez eux : « Le Covid a joué un rôle, dans le sens où je préférais me mettre en coloc’ à cause de ça : pour ne pas passer un ou plusieurs confinements futurs seul. J’avais deux amis dans des situations similaires à la mienne, qui cherchaient à partir de chez leurs parents. Donc ça a d’autant plus motivé ma décision. »
Justine* a vécu le premier confinement dans la colocation de son copain. Lors de son déménagement sur Colmar, la jeune femme ne connaissait personne et a donc fait le choix de se mettre en coloc’, comme elle l’explique : « C’était pour pallier la solitude des différents confinements. Globalement, à part le travail, on ne pouvait pas faire grand chose. Je ne connaissais personne sur Colmar et avec tout fermé c’était dur de rencontrer du monde, alors se mettre en coloc c’était une bonne occasion de rencontrer ces gens. »
Des expériences en majorité positives
Pour Justine, certaines colocations ont été bonnes et d’autres moins. La jeune femme qui a toujours sauté le pas avec des inconnus explique : « J’ai fait six colocations : ça s’est très souvent très bien passé, on partageait beaucoup de choses. Mais j’ai eu des colocs où ça c’est aussi mal passé. Moi je n’ai fait que des coups de poker, être avec des gens que je ne connaissais pas à la base. »
En revanche, pour Gaéthane, la donne a été bien moins bonne. Après une très bonne expérience au Canada, elle s’est retrouvée avec un colocataire très compliqué : « Mon colocataire n’avait aucun respect de l’autre. J’ai deux chiens, qu’il frappait pendant mon absence. Il a totalement abusé, il me volait constamment des affaires. J’ai dû le mettre à la porte et j’ai conscience que si ça n’avait pas été mon appartement ça aurait pu être bien plus compliqué que ça. » La jeune femme ne compte désormais plus vivre en colocation.
Pour Eugénie et Lionel par contre, les expériences ont été très positives. La première a connu deux expériences en colocation depuis la crise du Covid, et toutes deux se sont très bien passées. Quant à Lionel, malgré une période d’adaptation, la convivialité a été primordiale dans son expérience : « Il faut savoir faire pas mal de concessions. J’avais du mal au tout début, notamment au niveau de la vaisselle. Mais le plus positif, c’est qu’en cas de soucis à l’appart (et Dieu sait qu’on en a eu un paquet.), c’est beaucoup plus simple de se motiver pour résoudre ces problèmes à plusieurs plutôt que tout seul. »
Moins chère, plus conviviale et plus facile à trouver : la colocation coche beaucoup de cases dans une période de crise sanitaire qui floute tous les repères sociaux et économiques, alors que les loyers continuent d’augmenter. Dans cette période difficile qui va encore se prolonger, nombreux sont ceux qui cherchent plus de convivialité.
*Le prénom a été modifié.