Chaque année, des milliers de biens en tout genre atterrissent sur les étagères du bureau des objets trouvés de Strasbourg. Un lieu parfois mal connu, où portefeuilles, sacs et manteaux (voire accoutrements plus insolites), viennent attendre leurs propriétaires. Certains parviennent ainsi à rejoindre leur domicile, grâce au travail de Jean-Claude Schnepf, gardien de ce trésor.
Dans une petite salle de la Mairie de quartier de l’Hôtel de Ville, place Broglie, à l’abri des regards, portefeuilles, clefs et autres lunettes attendent patiemment de retrouver leurs propriétaires. Derrière des stores baissés, pour plus de discrétion, des milliers d’objets s’offrent chaque année un séjour ici, après avoir été égarés.
Le bureau des objets trouvés, installé là depuis 2017, est organisé méthodiquement. Chaque étagère, chaque bac de rangement est étiqueté par catégorie. En ce mois de mars, il reste de la place dans les rayons, loin d’être pleins. « Nous sommes en début d’année. De plus, 2020 était un peu une année blanche », explique Franck Girolt responsable de la cellule logistique et du Bureau des objets trouvés. Et d’ajouter : « D’un point de vue légal, il y a un délai de conservation. Les objets sont gardés au maximum un an et un jour. Ensuite ils sont donnés à des œuvres caritatives comme Emmaüs ou Envie, par exemple. ». Une série de sacs à dos posés sur l’étagère de droite font ainsi face à un portant de vêtements retrouvés ces derniers mois.
Des photos en ligne
Le maître des lieux, chargé à temps plein de prendre soin de tous ces biens désormais sans famille, s’appelle Jean-Claude Schnepf. Cela fait trois ans qu’il occupe le fauteuil du bureau. « J’étais pâtissier confiseur, je travaillais avec des chefs étoilés. À cause, d’un problème de santé j’ai dû arrêter. Ensuite j’ai travaillé pendant 30 ans dans les cimetières de Strasbourg », raconte l’employé municipal, qui tente de faire sécher un portefeuille trempé, fraîchement arrivé.
La première tâche qui lui incombe, est celle de réceptionner les objets retrouvés dans la ville. Ces derniers peuvent venir de particuliers, « en bons citoyens », comme l’explique Franck Girolt, mais aussi d’une administration, telle que la Poste, de la Police ou d’autres services de la Ville de Strasbourg. Jean-Claude Schnepf est ensuite chargé d’enregistrer les objets dans un logiciel et de diffuser les photos des objets sur le site de la Ville. Il est d’ailleurs possible, sur ce même site, de déclarer tout objet perdu. Un réflexe que n’ont pas toujours les habitants de la Ville.
Un travail d’enquêteur
Mais le travail de Jean-Claude ne s’arrête pas là. Et quand on lui demande ce qu’il aime le plus, c’est avec le regard qui s’illumine qu’il répond sans la moindre hésitation : « Enquêter ! ». « Je fais des investigations », explique le sexagénaire. « C’est notre enquêteur », sourit Franck Girolt. En effet le bureau des objets trouvés n’est pas qu’un lieu de stockage. L’une de ses principales missions consiste à tenter de retrouver la trace des propriétaires. « Je cherche tous les indices », explique l’investigateur municipal : carte de mutuelle, papiers d’identité, carte de visite. Tout est épluché pour pouvoir retrouver et prendre contact avec le propriétaire malheureux.
« Je me rappelle avoir retrouvé un voyageur en croisière grâce à une carte d’embarquement », se souvient Franck Girolt, qui a occupé la place de Jean-Claude Schnepf avant son arrivée. Les téléphones aussi peuvent être des mines d’informations. « Souvent les gens me demandent comment j’ai fait pour les retrouver mais je ne dévoile pas mes secrets », sourit Jean-Claude Schnepf. Pour le plus grand bonheur de ceux qui retrouvent leur bien. « Une fois il y avait un portefeuille avec 600 € à l’intérieur. J’avais retrouvé la propriétaire », se rappelle l’employé du bureau.
Fauteuils roulants et tenues sexy
Seuls les papiers officiels ne peuvent être rendus, sur consigne de la préfecture. « Pour éviter les usurpations d’identité », expliquent les deux hommes.
Parfois il est pourtant très difficile, voire impossible de retrouver la personne concernée, si celle-ci ne démarche pas le service par elle-même. « On a déjà eu des chaises roulantes, des poussettes des déambulateurs », ou parfois plus insolites, « des tenues sexy et des jouets pour adultes », confie Jean-Claude Schnepf. Ce dernier est aussi parfois obligé d’appeler la police à la rescousse « pour des stups ça arrive souvent, ou des armes ». De même en raison du plan Vigipirate, les valises doivent préalablement être contrôlées. Les vélos quant à eux ne sont pas acceptés. « Il existe une fourrière spécialisée gérée par la Police », explique Franck Girolt.
En 2020, année bien plus calme pour le bureau des objets trouvés, baisse du tourisme et confinements obligent, 3572 ont transité ici. 594 ont retrouvé leur propriétaire. Ils étaient plus de 4000 à avoir été apportés au bureau les années précédentes. Tous réceptionnés par un Jean-Claude souriant et toujours aussi motivé : « J’ai 61 ans, je pourrais partir à la retraite mais j’ai encore envie de faire quelques années ».