Depuis un an, le collectif « Mes mets dans les orties » transforme des fruits et légumes cassés, mal calibrés ou produits en trop grosses quantités, en petites douceurs à longue durée de conservation. Confitures, compotes, chutneys… toutes les recettes sont bonnes pour valoriser ces produits bios ou issus de l’agriculture raisonnée.
Sur le feu, une grande marmite fumante et parfumée. Devant, des petits pots en verre bien alignés, un entonnoir et une confiturière déterminée. Remplis en quelques coups de louche précis, couvercle vissé, les voici la tête en bas jusqu’à refroidissement complet. Ou comment stériliser des confitures à moindre frais. La recette du jour : fruit du dragon, pomme, poire, mandarine, et pour une partie de la production : piment. « Tu penses que ça va piquer? » demande Maëlle Touront à Élise Estrade en souriant, avant de plonger deux cuillères dans le fond du chaudron en quête d’une réponse.
Installées dans la cuisine du Graffalgar, en ce jeudi après-midi, les deux femmes sont à pied d’œuvre pour transformer les produits récupérés la veille sur le marché du Musée d’Art Moderne. Des invendus, des dons cette fois-ci. Faute de livraison de leur producteur habituel, en raison de la neige. « On avait la cuisine pour deux jours, je me suis dit que c’était trop bête de ne rien en faire, détaille Maëlle Touront. Alors j’ai lancé un appel sur les réseaux sociaux. » Résultat : une confiture particulière originale qui tranche un peu avec celles habituellement proposées par Mes mets dans les orties. Mais toujours cuisinée à partir de produits destinés à être jetés. L’ADN de cette initiative anti-gaspi.
De la compote des potes aux potes derrière la popote
Mes mets dans les orties est né dans la cuisine de Maëlle Touront il y a un peu plus d’un an. « J’ai toujours été très sensible à la question du gaspillage alimentaire, explique t-elle. J’ai commencé à aller glaner dans les marchés. Je ramenais à la maison tout ce que je récupérais avec mon grand sac à dos et je passais plusieurs heures à cuisiner pour en faire des compotes. Je filais les pots aux copains. C’était la compote des potes. D’abord, j’en donnais quand j’avais des amis à la maison. Puis des amis ont fini par venir à la maison exprès pour en récupérer.« Et en plus des compotes, ce sont les idées qui ont commencé à circuler dans un petits cercle d’amis pour donner de l’ampleur à cette initiative. « On s’est demandé comment on pouvait aider Maëlle, explique Élise Estrade. On l’a rejoint en cuisine et on a réfléchi à comment on pouvait faire pour aller plus loin dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. »
Le collectif a commencé par récupérer des quantités plus importantes de matières premières, en nouant des partenariats avec des maraîchers en agriculture bio ou raisonnée. Des fruits et légumes cassés, non calibrés – comme des carottes à deux pattes ou des navets en forme de cœur – ou des surproductions. Des produits parfois donnés, mais le plus souvent achetés. « On est totalement ok pour acheter la production de l’agriculteur, on respecte son travail, détaille Maëlle Touront. Mais on travaille uniquement avec des agriculteurs en bio ou en agriculture raisonnée. Des gens qui sont respectueux de la Terre dans leur pratique. »
© A.Me / Pokaa
Des pots pour des assos
Pour transformer tous ces fruits et légumes, Mes mets dans les orties a investi les cuisines du Graffalgar. « J’ai travaillé ici pendant longtemps, explique Maëlle, je savais que le Graf soutient l’émergence de nouveaux projets comme celui-là. » Accompagnée des membres du collectif, dont Élise, co-cheffe des cuisines de l’hôtel, Maëlle a commencé ses transformations il y a un an environ. Une subvention de la région Grand Est pour cette initiative citoyenne lui a permis d’acheter le sucre, le citron et les produits nécessaires pour commencer. En un été, ce sont plus de 175 kilos de fruits et légumes qui ont été cuits et ou confits, de manière à finit en compotes, chutneys, ou confitures. Des produits qui se conservent longtemps. Certains d’entre eux ont fini sur les tables du Graffalgar pour le petit déjeuner. D’autres ont été donnés à des associations.
Ce jeudi après-midi d’ailleurs, les préparations sont à destination du Wagon Souk. Et celles de la veille, prêtes à partir en maraude avec les Petites Roues à la fin de la journée. Une manière de « rendre les bons produits accessibles à tous« , pour le collectif.
La commercialisation des produits, elle, commencera au printemps. Le temps de mettre de côté des pots, et de constituer Mes mets dans les orties en association. Le collectif en a déjà déposé les statuts et en attend la validation. « On aimerait vendre nos produits sur les marchés et chez les producteurs, détaille Maëlle. Mais on pourra aussi les trouver au Graffalgar, qui fera dépot-vente. » Les pots seront consignés, dans une optique zéro déchet. Et le collectif réfléchit à l’acquisition d’un triporteur pour ses livraisons.
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Un projet de conserverie mobile
A terme, le rêve de Maëlle serait de pouvoir transformer les produits directement chez les producteurs, grâce à un laboratoire mobile, installé dans un camion. Une idée inspirée de la conserverie solidaire de Liège, en Belgique. « L’été, il y a parfois énormément de surproduction au moment ou tout le monde part en vacances, explique t-elle. Soit cela reste dans les champs, à pourrir au sol et ça finit en engrais vert, soit c’est jeté. Avec un camion, on pourrait venir chez les producteurs, et éventuellement devenir saisonniers quelques jours pour récolter de quoi faire des transformations. » Un projet à long terme qui nécessitera sans doute un crowdfunding.
Le collectif souhaite également mettre en place des ateliers de sensibilisation sur le gaspillage alimentaire et la préservation de l’environnement, ainsi que des initiatives écologiques, comme le lancement d’un projet de Bee kit pour fleurir les balcons et lutter contre la disparition des abeilles et autres pollinisateurs. Autant de projets à retrouver dans les mois à venir sur les comptes sociaux de la future asso.
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