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Strasbourg : la véritable histoire du Père Fouettard

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En 2020, certaines traditions deviennent des mythes pour les plus petits, des histoires, des contes d’un autre temps que l’on se raconte à défaut de les vivre, le visage recouvert d’un masque blanc.

J’ai l’impression de prendre la place de mon grand-père qui me détaillait les Noël d’un autre siècle, confortablement installé dans un fauteuil club en cuir marron, un verre de cognac à la main.

Il était question de veillée, d’oranges, de tablettes de chocolat et d’un sapin ramené des Vosges à la fresh dans une Citroën Traction en souffrance, comme on transporte des lingots d’or clandestinement à la frontière suisse. Ces récits ressemblaient à des légendes, à des choses qui ne se sont jamais passées, à des inventions dont le but était de nous émerveiller moi et mes cousins, jusqu’à ce que Tonton Bruno fasse son apparition par la porte vitrée du salon, l’élastique d’une fausse barbe blanche scotché à l’oreille, des Game Boy plein les poches.

Pourtant, tout était vrai. Chaque détail. Chaque anecdote. Papi Louis se transformait en druide, en chaman, en guide.

Ce matin, je devais accompagner mon filleul Bastian pour sa première rencontre avec le Saint-Nicolas et le maléfique Père Fouettard. Covid oblige, tout fut annulé, bien entendu. Sa première réaction fut de me traiter de « mytho » puis de « menteur ». Il ne sait pas encore lire correctement, mais il maîtrise déjà un vocabulaire qui pourrait le propulser à l’Elysée ou aux NRJ Music Award. Booba, ceci est un avertissement. Je me devais de lui prouver le contraire afin de perpétuer cette tradition familiale de mémoire. Avec YouTube, il aurait été aisé de trouver des vidéos de cet événement à Strasbourg en quelques secondes, mais je n’aime pas la facilité. Mon histoire à moi est bien plus envoûtante qu’un film tourné maladroitement avec un iPhone.

Avec de l’imagination, il est possible de devenir quelqu’un d’autre en fermant les yeux. Gentil ou méchant. Pirate ou marin. Prince ou dragon. Arnold ou Willy


Je me servis un verre de cognac (enfin un Gin tonic) après avoir balancé quelques bûches dans la cheminée, puis je m’assis confortablement avec un vieux livre à la reliure dorée. Ce n’était qu’une vieille encyclopédie récupérée à la déchetterie, mais entre mes mains, c’est le début d’une aventure où tout est possible, une porte vers les rêves, les chouettes et la neige.

Le petit se posta en face de moi, assis en tailleur, à même le sol, serrant les mains comme s’il priait pour que je commence mon histoire. Odin’s Raven Magic, l’album mystique de Sigur Ros se mit à crépiter sur la platine. Une musique à la fois intrigante et curieuse. Une suite orchestrale inspirée par le poème médiéval islandais du 14e siècle intitulé Hrafnagaldur Óðins (Odin’s Raven) célébrant les deux corbeaux du dieu Odin qui ont survolé la Terre pour lui ramener des informations et évoquant la fin du monde des dieux et des hommes.

Tout ça, Bastian ne le savait pas. L’Islande prit des airs d’Alsace. Il se laissa porter par le moment, par le battement de son cœur qui devient de plus en plus fort, imaginant une vaste contrée recouverte d’un manteau blanc.

Le décor s’installa alors que je baissai la lumière presque à son minimum et que je recouvris mes épaules d’une couverture en laine bouloché. L’instant était solennel. Le vent cogna son impatience contre une vitre tremblante. Le violon de l’Orchestre national de Paris lança le top départ. Je pris ma voix la plus grave, entre Gandalf et Gérard Darmon, puis mon histoire improvisée, ce one-man-show tragique, commença comme ça :

« Un matin d’automne 1737, dans le comté de Hanau-Lichtenberg, à l’approche d’un hiver comme Strasbourg n’en avait jamais rencontré, trois enfants partirent glaner dans des champs et se perdirent en chemin. En ces temps obscurs, les téléphones portables n’existaient pas et Apple n’était qu’une pomme, pas encore un serpent.

 Attirés par la lumière d’une maison, ils s’approchèrent et frappèrent à la porte avec hésitation. Ils avaient faim et froid. Pas de KFC, pas de McDonald’s, pas de Burger King, pas de Deliveroo, mais des loups aux dents aiguisées par dizaine à la recherche de gamins à dévorer.

 Le propriétaire des lieux n’était autre que le boucher Peter Schwartz. Un être à faire pâlir les végétariens, ancien employé d’Herta, adepte du cochon braisé et des tripes à la limace. Son nez était long et pointu, ses cils touffus comme un buisson mal taillé, sa barbe noire, ses cheveux hirsutes et son visage barbouillé de suie. De ses mains sèches, il les invita à entrer, bredouillant quelques mots incompréhensibles en regardant le sol.

 La porte se referma sur une maison silencieuse au parquet craquant. Ce fut alors comme dans le pire des cauchemars. Un peu comme faire des devoirs pour toujours mais en pire. Dehors, la nuit glissa entre les arbres. Les murs se mirent à rétrécir et soudain…. ».

C’est encore mieux que Netflix. L’attente du deuxième épisode, suspendu à mes lèvres sur pause. Le xylophone qui raisonne. Un mélange de Game of Thrones , d’Hansel et Gretel, de La Belle au bois dormant.

–        Continue parrain.

“Il les frappa de plusieurs coups de martinet et les poussa dans un énorme chaudron où une soupe aux choux puante frémissait. L’un après l’autre, ils disparurent dans ce bouillon noirâtre. Personne ne pourrait les retrouver, mais pour en être certain, il les coupa en petits morceaux pour les mettre dans un saloir géant et en faire du petit salé. Ça lui permettrait d’avoir des provisions pour l’hiver en plus des manneles et des bredele à la confiture.

C’est alors qu’un homme assis sur un âne, vêtu d’une grande cape rouge, d’une crosse en or et d’une mitre frappa à la porte. C’était Saint Nicolas. Une sorte de super-héros entre Spiderman et le Pape. Un homme juste et bon. Peter Schwartz hésita, mais ne pouvant rejeter un évêque, il l’invita pour le repas de soir. Saint Nicolas hésita. Une pizza quatre fromages ? Des spaghettis à la bolognaise ? Du petit salé ! Comme par hasard. Croyant être pris au piège, le boucher paniqua, transpira et finit par avouer son crime.

Ce fut un miracle comme celui de l’illumination du sapin de Noël de la place Kléber. Une lueur chaude traversa la pièce et de ses pouvoirs magiques, Saint Nicolas posa alors 3 doigts sur le saloir et ressuscita les enfants qui lui sautèrent dans les bras.

–        Ne vous éloignez plus jamais de votre maison, dit-il avec un sourire hollywoodien (parce que si vous tombez sur la BAC, ça risque de se terminer au poste cette histoire).

Pour punir le boucher, Saint Nicolas l’enchaîna à son âne et lui donna le nom de père Fouettard pour l’éternité. Il hésita tout de même avec Guy Georges ou Michel Fourniret, mais c’était déjà pris. Un personnage au mauvais caractère, violent, qui mange les enfants pas sages qui n’écoutent pas leurs parents.

Maintenant, tu sais petit Bastian, pourquoi ton père s’appelle Nicolas. »

Plus tard, le Père Fouettard lui évoquera peut-être davantage un type moulé dans une combinaison en latex, une cravache à la main, qui donne des fessées en hurlant des insultes en allemand. Mais pour le moment, Bastian a les yeux qui brillent et pense que son père est plus fort que Batman. Et finalement, c’est un peu ça aussi, la magie de Noël.

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