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Religion et punition dans l’Alsace du Moyen Âge : la marche de la honte

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Tout le monde a déjà lu, vu ou ne serait-ce qu’entendu parler de la série Game of Thrones (Le Trône de fer en VF). Son scénario retors, ses batailles épiques, sa violence jubilatoire et ses intrigues à la mords-moi-le-nœud. Bien, bien, bien. Maintenant blasphémons un peu : le monde de Games of Thrones est-il vraiment si dingue et novateur que ça ? L’écrivain George R. R. Martin, qui est à l’initiative de la série romanesque adaptée à l’écran, a-t-il vraiment une imagination sans borne et un sens de la cruauté si décapant qu’on veut bien le dire ? Il suffit pourtant de tourner les pages du grand livre de l’Histoire de l’Alsace pour s’apercevoir qu’en matière d’événements qui déboîtent et d’intrigues ubuesques, notre région n’a décidément rien à envier au pays de Westeros. Pour vous le prouver, on vous embarque pour une série de l’été aussi sanglante qu’apprenante (car on a bien écouté les conseils du ministre de l’Éducation) ! [attention risque de spoilers]

Aujourd’hui : épisode 7/8 : prédications rigoristes, marche de la honte et procession de flagellants : religion et punition dans l’Alsace du Moyen Âge.

« Le Grand Moineau » : voilà un nom bien mignon pour un personnage qui ne l’est pas tellement. Personnage encore une fois ambigu de la série, ce prêtre ascétique oscille entre rigueur morale et fanatisme religieux. Il accroît sa renommée grâce à ses prêches publics qui fustigent la déliquescence des mœurs et le pouvoir qui se vautre dans la luxure. Immanquablement, par ce côté lanceur d’alerte de la parole divine, il fait penser au plus célèbre prédicateur qu’a connu Strasbourg : Jean Geiler de Kaysersberg.

(source: Wikipédia)

L’intransigeance morale de Jean Geiler n’avait d’égale que son éloquence et son humour qui faisaient accourir les gens du peuple pour l’écouter. Il souhaitait ardemment la réforme de l’Église et des mœurs, ne supportait plus les modes de nomination au sein du clergé qui prenaient plus en compte le réseau, la richesse et le renommée de la famille que la foi réelle. Dans ses sermons, tout le monde en prenait pour son grade mais son mode de vie irréprochable le faisait respecter. Les trente années (1478-1510) qu’il passa à Strasbourg marquèrent profondément ses contemporains, au point qu’on lui construisit tout spécialement pour lui une chaire dans la cathédrale, encore largement admirée aujourd’hui. (on parlait ici du petit chien qui attend à son pied).

Pour revenir à GOT, on doit d’ailleurs l’un des moments les plus marquants de la série à une décision du Grand Moineau. Celui-ci exige en effet que Cersei Lannister, la régente du royaume, soit contrainte à exécuter une marche d’expiation, le crane rasé et entièrement nue, devant une foule hostile et haineuse. Encore une fois, George Martin a certainement puisé dans l’Histoire pour trouver l’inspiration. Car ces marches d’expiation rappellent ce qu’on appelait au Moyen Âge la peine du harnescar.

Châtiment typique de l’espace rhénan, la peine du harnescar consistait à porter un objet (comme une selle de cheval ou un soc de charrue) ou un animal (souvent un chien) sur le dos sur une certaine distance et devant la foule amassée. Une véritable marche de la honte donc ! C’est une peine qui fut prononcée à l’encontre du pauvre comte Fréderic II de Ferrette et toute la population d’Altkirch en 1232. Le comte de Ferrette avait eu en effet la mauvaise idée (bien que courageuse) de s’opposer à l’évêque de Strasbourg qui portait encore mieux l’épée que la mitre ! Au moins, une épée, ça permet de conquérir des territoires. Sauf que le comte de Ferrette refusa de plier le genou devant l’ecclésiastique, idem devant l’évêque de Bâle (comme dirait mon grand-père, c’était un sacré bouffeur de curés). Ferrette réfléchit et comme il était « brillant », il en déduisit ceci : le meilleur moyen de ne pas se faire piquer ses terres par l’évêque de Bâle serait de… l’enlever pardi ! Et c’est ce qu’il fit le bougre ! Puis il l’enferma dans le château d’Altkirch et l’obligea à renoncer par écrit à ses prétentions territoriales. Alors seulement il le relâcha. Bon, il aurait dû s’en douter, mais l’évêque outragé alla toquer à la porte de l’empereur qui, pour l’exemple, le condamna à cette fameuse peine du harnescar.

Le comte dut alors porter son chien depuis la Spalentor de Bâle jusqu’à la cathédrale tandis que les Alkirchois, qui n’y étaient pour rien, durent traverser la ville en chemise pour faire pénitence. Tout ce beau petit monde dut ensuite se mettre à genoux devant l’évêque et implorer pardon.

Flagellants au XIVe siècle, Pierre Grivolas, 1906, Musée Calvet. (source: Wikipédia)

Dans un style un peu différent mais qui encore une fois fait immanquablement penser à tout l’imaginaire véhiculé par le Grand Septon et sa bande de moineaux dans GOT, eut lieu en 1349 une procession de flagellants qui marqua les mémoires. Alors que la peste noire s’abattait sur la région, qu’à Strasbourg on venait de brûler la population juive qu’on accusait d’avoir empoisonné (à tort) les puits, une procession des flagellants traversa la ville. Torse nus, ceux-ci se fouettaient en chantant des cantiques afin que Dieu fasse cesser la peste et expie tous leurs péchés. La peste était en effet considérée comme un châtiment divin contre les péchés commis par les humains. Ce genre de démonstration était extrêmement impressionnant mais bon il semble que ça ne marchait pas du tonnerre. D’ailleurs le pape les condamna assez rapidement pour hérésie ; il faut dire qu’ils avaient aussi la fâcheuse tendance de refuser un peu trop ostensiblement l’autorité du clergé…

Bibliographie pour la série en entier :
JORDAN Benoît, Histoire de Strasbourg, éditions Jean-Paul Gisserot, 2006
MEYER Philippe, Histoire de l’Alsace, Perrin, 2008
KAEPPELIN Rodolphe, Histoire de l’Alsace, La Geste, 2019
WAAG François, Histoire d’Alsace ; le point de vue alsacien, Oran embanner, 2012
KREMPPER Michel, Dictionnaire des légendes d’Alsace, Mulhousienne d’édition, 2018
LAZZARINI Nicole & ROCHUT Jean-Noël, Légendes et contes d’Alsace, éditions Ouest-France, 2018
MECHIN Christophe, Petit dictionnaire des légendes d’Alsace, Oriande éditions, 2004
FISCHER Marie-Thérèse & DIVERS, Cette histoire qui a fait l’Alsace (les 8 premiers tomes), éditions du Signe, 2009-2011
Le site des musées de Strasbourg
https://gameofthrones.fandom.com/
https://www.lagardedenuit.com/
+ Articles parus dans divers magasines (comme Géo Magazine) ou encore reportages télévisés, notamment de France télévision.

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