Pendant le confinement, au sein du groupe Tousse Ensemble, s’est déployée une véritable créativité, parce qu’on avait simplement envie de partager ce qui nous faisait vibrer, pour mieux vivre ensemble une situation inédite. Quelques musiciens locaux se sont découverts à nos oreilles et, maintenant que la vie reprend peu à peu, mais toujours dans le respect des gestes barrières, on est allé à leur rencontre, pour qu’ils ne soient plus seulement un visage, un piano, une guitare ou une voix derrière un écran, mais pour que vous connaissiez un peu mieux celles et ceux qui pourraient faire la scène locale strasbourgeoise de demain. Première à l’appel : Léa, tout juste sortie du conservatoire et prête à se lancer sur la scène strasbourgeoise !
Une volonté de chanter en famille
Au début, pour Léa, la musique c’est un peu une affaire de fratrie. « J’ai commencé vers mes 5 ans, mes parents m’avaient mise dans une chorale et mon frère et ma soeur y étaient alors j’ai un peu suivi le truc. J’y suis restée jusqu’à mes 10 ans. »
C’est donc sa famille qui l’a d’abord motivée à chanter : « À la toute base, ce qui m’a fait m’y accrocher, c’était chanter avec mes frères et sœurs, c’est pour ça que je suis restée aussi longtemps dans la même chorale qu’eux. Ça nous permettait de partager un truc ensemble. On chantait à la chorale et quand on rentrait à la maison, on chantait aussi. » Mais la chorale étant devenue un peu plus pro, elle a préféré une ambiance plus tranquille pour poursuivre son plaisir de chanter :« Je suis partie vers une chorale un peu plus tranquille, qui s’appelle Les Polissons et j’y suis restée jusqu’à mes 16 ans. » Et ce n’était que le début.
Surtout qu’à ce moment-là, des personnes l’ont poussée à s’investir davantage dans la musique. « Il y a eu un événement particulier, ma cheffe de coeur dans ma chorale m’a proposé de faire un solo. Moi j’étais un peu « Euh, okay c’est cool » mais je comprenais pas trop pourquoi.” Et comme souvent avec Léa, sa famille n’est pas très loin : « J’ai donc chanté Hallelujah de Jeff Buckley, et mon papa a pleuré dans la salle et ma mère était toute choquée et tout. Chanter toute seule en plus, ça me faisait flipper à mort mais c’était aussi super gratifiant et la meilleure sensation que j’ai pu ressentir. » Dès lors, la machine était lancée.
Comédie musicale et covers YouTube : le plaisir de chanter avec les gens qu’on aime
Quand je me pose chez Léa, qui habite au sud-est de Strasbourg, il y a un chat, un poster de Groot et surtout un clavier. Ambiance décontractée pour parler de musique et se mettre quand même un peu en avant, un exercice qu’elle semble ne pas trop aimer.
Pourtant, même si elle est encore relativement peu connue sur la scène strasbourgeoise, Léa est une habituée de la scène tout court. « Parallèlement à ma chorale au collège j’étais dans une option « comédie musicale ». J’avais le premier rôle féminin et j’ai pu chanter devant 200 personnes toute une semaine, dans une version moderne de Dom Juan, qu’on avait écrite avec ma classe. » Un événement qui en a amené un autre : « C’est de là qu’est venue l’idée de faire des vidéos sur YouTube pour justement montrer ce que je savais faire. Ça a pas été facile facile non plus (rires) mais c’est vraiment parce que mes proches m’ont énormément encouragée. » C’est en 2012, à 15 ans, que Léa saute le pas.
Le 30 août très exactement, elle sort sa première reprise : The A Team, de Ed Sheeran. Dans ses vidéos, elle développe un aspect créatif, entourée des gens qu’elle aime : « J’ai fait des covers sur YouTube dans ma jeune adolescence (rires). Je reprenais des musiques qui me plaisaient, avec une super copine qui réalisait des clips. Dans la musique, il y a tout un aspect créatif, faire des clips, reprendre ce que j’aimais à ma sauce, tout ça me plaisait mais, surtout, c’était de le faire entourée de gens que j’aime. »
Conservatoire, concours et livres
Dès lors, c’est un peu le début du succès. Après la troisième Léa rentre au conservatoire. Elle en est sortie en mai dernier, après 7 années d’apprentissage. Et ses vidéos YouTube ne sont pas passées inaperçues : « Grâce à ces vidéos j’ai été repérée en 2014 par les deux auteures d’Oksa Pollock – une série de livres pour adolescents et adolescentes, ndlr – qui m’ont fait interpréter la voix d’un personnage pour leur livre Tugdual. Avec ça j’ai pu enregistrer pour la première fois en studio, chanter à la Librairie Kléber, donc c’était un peu le gros truc. »
Allant de découverte en découverte, Léa continue de se tester, de se pousser et d’essayer de nouvelles choses.« Après ça j’ai fait le New Soul Contest, avec l’espace Django Reinhardt, et qui m’a permis après d’avoir été découverte par l’association Souffl’Events, des copains qui font de la musique ensemble et qui chaque année décident de rendre hommage à un artiste. Il y a eu Balavoine, Johnny Halliday et cette année c’était Phil Collins. » Là encore, on retrouve la musique entre amis, qui fait vibrer Léa. Un état d’esprit qu’elle avait déjà en rentrant au conservatoire : « Au conservatoire, j’ai suivi un cursus de chant polyphonique parce que j’aime faire de la musique avec les autres. »
Le chant comme valeur cardinale
Léa est donc avant tout une chanteuse. Une chanteuse qui s’est formée sans solfège à l’origine et qui a dû commencer des instruments pour accompagner sa voix. « Je ne faisais pas de musique à côté, et après j’ai commencé à pianoter pour m’accompagner. Et même si je pense à faire de la guitare pour plus tard, c’est pour m’accompagner au chant. » Il faut dire que le chant a un effet particulier sur elle : “Ça me fait énormément de bien de chanter : quand ça va pas bien dans ma vie, quand ça va très bien dans ma vie aussi… »
Même si elle est plutôt timide et n’arrête pas de se tordre les mains en me parlant, Léa adore monter sur scène pour chanter. « Quand je chante dans des circonstances bienveillantes, j’ai de la bonne adrénaline. J’ai bien sûr un énorme coup de stress (rires), j’essaye de me rassurer mais c’est surtout le moment de se dépasser et de faire des choses que j’ai pas l’habitude de faire et ça c’est top. J’ai des fourmillements partout, je ne tiens plus en place, je saute même derrière les coulisses. Et quand je chante, je n’ai jamais envie que ça s’arrête. »
Mais justement, qu’est-ce qu’elle chante Léa ? Un peu de tout, tant que la musique lui parle. « J’aime bien les chansons où ma voix peut partir. Hallelujah, maintenant je l’ai trop chantée mais c’était vraiment la première sur laquelle j’avais l’impression de pouvoir montrer mon potentiel. Sinon il y avait aussi , avec mon accent anglais de fou, « Read all about it » d’Emeli Sandé, où j’ai pu tout lâcher. J’écoute une musique et si elle me fait quelque chose, c’est là que je me dit qu’il faut que je la reprenne. C’est plutôt au coup de coeur, ou au challenge. »
Une vie bien remplie, entre musique et engagements
De la manière dont elle parle de la musique, je ressens rapidement qu’elle occupe une vraie place, intime et forte, dans sa vie. C’est une sorte de partenaire de tous les jours, quoiqu’il t’arrive. « Depuis que je me suis dit que « j’allais en faire quelque chose », ça prend de la place, parce que dès que quelque chose m’arrive j’écris des chansons. Quand ça va pas, c’est mon remède thérapeutique d’aller au piano et de me lâcher, donc au niveau de ma vie perso ça prend beaucoup de la place. »
Si la musique possède une grande place dans sa vie, Léa ne chôme pas non plus dans ses engagements. Elle est notamment dans une association qui lutte contre le réchauffement climatique et au quotidien, selon ses propres mots : « Je me bouge pour que ma vie quotidienne soit en accord avec ces valeurs. Disons que ça me fait vibrer et que ça donne du sens à mes actions de me battre pour la préservation du vivant, contre le réchauffement climatique aussi, pour l’égalité homme-femme et contre les violences sexistes et sexuelles. »
Des sujets qui lui tiennent à coeur : « Je pense que ce sont des sujets auxquels je suis confrontée et qui m’ont interrogée, révoltée et pour lesquels j’ai eu envie de passer à l’action ! Et aussi parce que j’ai vraiment la conviction que si on est là, on peut changer les choses qui apportent de la souffrance, qu’on doit avoir un impact positif. »
(Re)prendre du plaisir dans la musique
Maintenant que le conservatoire est terminé, Léa a plus de temps libre à consacrer à sa musique. Et surtout, elle souhaite reprendre du plaisir à chanter, qu’elle avait peut-être un peu perdu ces derniers temps. « À une époque j’avais une grosse panne d’inspiration. Quand j’étais au conservatoire parce que je chantais 8h par semaine dans un cadre très scolaire et la musique devenait davantage un travail technique qu’un plaisir. Depuis que j’ai mon diplôme je suis beaucoup plus inspirée et j’écris beaucoup plus. le confinement aussi d’ailleurs : quand t’es face à tes pensées t’as de quoi écrire, alors que dans le quotidien j’ai pas forcément le temps. »
Par ailleurs, au-delà de savoir si la musique deviendra un jour son métier, elle ne veut vraiment pas perdre le plaisir qu’elle ressent de nouveau sur le fait de créer : « Quand j’étais petite, que je me disais que j’allais chanter tous les jours, partir en tournée, je ne te cache pas que j’étais emballée à fond (rires). Puis, pendant très longtemps, je me suis dit non, mais de façon très rationnelle. Genre « non mais Léa ça ne va pas se faire ». Je ne sais vraiment pas si je pourrais aujourd’hui me dire d’y aller à 100% en ne faire que ça. Parce que c’est un plaisir de chanter, et je n’ai pas envie que ça redevienne un travail. »
Et en parlant de travail, Léa se destine vers celui qu’elle a vraiment envie de faire, ce qui lui facilite son rapport à la musique. « Je pense aussi qu’aujourd’hui, le métier vers lequel je me destine – assistante sociale, ndlr – est celui que j’avais vraiment envie de faire. En fait ça dépendra de quelle forme ça prendra, ce n’est pas de gagner de l’argent avec ça qui me motive, c’est plus faire des concerts, enregistrer, être sur scène, écrire des chansons. Ça je veux que ça garde une place importante dans ma vie. Le reste, on verra. »
Une envie de tester des choses nouvelles
Parlons du reste justement, parce que Léa a quelques objectifs pour l’année 2021 qui arrive. Elle n’a pas encore réellement testé la scène strasbourgeoise, malgré une prestation au Raven en 2016 et qu’elle fait partie de la chorale Hamadryade avec laquelle elle se produit deux fois dans l’année à Strasbourg.
Mais désormais, Léa semble vouloir se lancer. « J’ai envie. J’ai l’impression d’avoir clos un chapitre, que le diplôme m’a prouvé que j’avais un petit niveau et que c’était bon. J’ai des petits soucis de légitimité et je ne me pense parfois pas assez bonne, et le diplôme aide en cela. Je me sens prête, j’ai envie, faut juste que je réfléchisse à comment faire. » Si elle ne sait pas encore comment, elle sait déjà où : « Le Marché Bar s’ils accueillent des concerts, moi je suis très chaud, parce que je passe ma vie là-bas. »
Mais cette envie de tester de nouvelles choses veut aussi dire se lancer dans la composition de chansons originales. Ce qu’elle fait pour elle-même, sans pour le moment oser le montrer aux autres. « J’ai un carnet rempli mais que je n’ose pas encore montrer. Mais à une occasion, deux artistes que j’apprécie, Big Flo et Oli, avaient fait un concours où fallait écrire une chanson originale et je me suis dit que c’était l’occasion d’écrire une chanson. »
Et ce premier pas en appellera sans doute d’autres, en tous les cas c’est son objectif : « Si j’avais la chance de me produire à Strasbourg je la prendrais, pour toujours avoir ce challenge, de me dire « vas-y fonce » et publier une chanson originale. Je veux aussi faire des covers plus fréquemment. J’adorais faire ça sauf qu’à un moment ça m’a pris la tête, il y a eu beaucoup de vues, beaucoup d’attentes aussi et je voulais faire un truc hyper bien et travaillé. Maintenant je voudrais juste faire des covers tranquillement, sans pression, plus régulièrement, mais surtout pour le plaisir. » Après tout, c’est ça le plus important.
Pour suivre Léa, vous pouvez aller sur sa page YouTube.