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BDSM et fétichisme : rencontre avec une jeune pratiquante strasbourgeoise

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Je suis un “Vanilla”, une personne à la sexualité dite “classique”. C’est cette forme de normalité sexuelle supposée qui m’a poussé à m’intéresser aux personnes qui s’adonnent à des pratiques sexuelles bien moins conventionnelles, à des plaisirs moins terre-à-terre. Il y a quelques jours, je rencontrais Léa, une cam girl strasbourgeoise qui nous expliquait comment elle avait allié plaisirs sexuels et petites rentrées d’argent, notamment grâce au site Chaturbate. Aujourd’hui, c’est Anaïs* qui m’ouvre les portes de son univers : une jeune femme de 21 ans qui pratique le BDSM (bondage, discipline, domination, soumission, sado-masochisme). Elle nous parle d’une certaine forme de libération du corps et de l’esprit, des moeurs qui semblent évoluer, et d’une communauté d’adeptes qui grandit. Selon elle, les choses changent, l’opinion évolue, on s’intéresse davantage à des formes plus variées de plaisirs, même dans ses aspects les plus dérangeants, les plus étranges. Elle se livre ici sur ses pratiques, sans retenue, et espère libérer la parole, les corps aussi. Mais surtout, elle espère briser un tabou et éloigner la solitude de ceux qui sont marginalisés par peur du jugement.


Le consentement mutuel est à la base de toute relation sexuelle.

© Pietronave Bastien

Comment tout a commencé ?

Pendant le confinement, j’ai rencontré quelqu’un sur le net. J’avais déjà une sexualité assez libérée mais je me suis mise à essayer de nouvelles choses. Au début, j’ai commencé à m’infliger des souffrances en direct par caméras interposées… Puis, on s’est rencontré physiquement courant mai, et là c’est lui qui m’a infligé ces souffrances. Je dois dire que c’était incroyable. Incroyable parce que je me suis rendu compte qu’il existait d’innombrables facettes dans le désir, pas seulement dans le sexe, ça j’étais au courant depuis longtemps, mais dans le désir. On peut entrer dans un plaisir profond sans se toucher, en se frôlant à peine, en se regardant, et en se soumettant l’un à l’autre. C’est très mental, ça a ouvert une brèche dans ma sexualité, c’était l’épisode 1 d’une longue aventure.

Comment tu es arrivée à t’essayer à cela ? Ça s’est fait comme ça, spontanément ?

On s’est rencontré d’abord sur Tinder, comme beaucoup de gens. Puis, entre deux discussions, il s’est rapidement avéré qu’on avait les mêmes envies, les mêmes penchants. On s’est ouvert l’un à l’autre et puis on s’est donné rendez-vous, ici, chez moi. On a commencé à se côtoyer, d’abord assez simplement, puis c’est devenu rapidement assez hard une fois que la parole s’est libérée. En fait il y a eu un truc entre nous, quelque chose de chimique. Je ne peux pas l’expliquer. Puis, l’amour est entré en jeu, alors on s’est éloigné définitivement.

Ensuite, il y a quelques semaines, j’ai rencontré un autre garçon, un soumis, complètement soumis même. Avec lui et une amie, on a fait une espèce de plan à 3 assez surprenant. Je me suis alors rendue compte que je me faisais dominer par les garçons et que je dominais les filles, très naturellement. J’ai découvert que j’étais ce que l’on appelle “switch”, c’est-à-dire que j’aime être soumise autant que j’aime soumettre. D’un coup, je partageais des choses, pourtant pas courantes du tout, avec des personnes qui ressentaient des formes de désir semblables aux miennes, et ça m’a libéré l’esprit.

© Pietronave Bastien

Tu veux me raconter ce qui s’est passé ?

C’est un peu particulier… En fait, lui, ce qu’il adore, c’est être un objet, ne pas exister, que la femme soit gigantesque, presque une figure divine. Avec mes Doc Martens, je l’écrase, je l’attache aussi… Il n’aime pas qu’on lui fasse mal mais du coup, on joue vachement sur les mots, les émotions, les situations d’humiliations verbales. Des fois je travaille sur mon bureau juste là, il se met juste en boule en dessous et il ne bouge pas, il n’existe pas.

© Pietronave Bastien

Et toi, qu’est-ce que ça te fait ?

Honnêtement ? Ça fait tellement du bien à l’égo, on se sent surpuissant. Mais à l’inverse, lui, est touché dans son égo, et ça le fait kiffer… J’ai conscience que c’est complètement bizarre, mais c’est tellement satisfaisant, tu peux pas imaginer. Avec une ex à lui on a fait un plan à 3 et il n’était rien… Absolument rien. Il était le sol, comme si il n’existait pas. Cette fille me dominait, sur lui, comme si c’était un drap ou un tapis… C’était fou. C’était il y a deux jours, j’en reviens toujours pas. Bientôt, on va faire un autre plan où j’aurai deux soumis, un ami et une amie, je pourrai aussi essayer le Shibari (bondage japonais).

Est-ce qu’il y a une sorte de protocole à respecter, des règles à ne pas oublier ?

Déjà, on en parle pas assez, mais le consentement est indispensable, c’est d’une évidence absolue mais on a pas fini de le dire. Ensuite, il faut se mettre d’accord jusqu’où tu veux aller (dans la souffrance, la soumission, etc…), quels endroits du corps tu ne veux pas qu’on te touche, ce que tu as déjà fait auparavant, ce que tu veux faire absolument et ce que tu ne veux pas faire du tout. C’est très important, et honnêtement, ça peut être dangereux. Il faut juste parler.

© Pietronave Bastien

Avant ces expériences, comment était ta sexualité ?

J’avais l’impression de me faire chier. Bien sûr, j’ai toujours eu une sexualité libérée, je n’ai jamais considéré ça comme un tabou, j’en parle librement avec les gens qui souhaitent en parler. On baise tous, on a tous envie de s’envoyer en l’air, je ne comprends pas que l’on soit si gêné de parler de sexe à ce point. Bien sûr, il ne faut pas en parler avec tout le monde, mais il faut savoir écouter ceux qui ont besoin d’en parler et essayer de libérer la parole quand c’est nécessaire. Nombreux sont les gens qui cherchent des interlocuteurs pour parler de cul et de tout ce qu’il y a autour. Moi j’en ai trouvé et ça a tout changé. Je me sens mieux dans ma peau, une certaine pression est retombée.

© Pietronave Bastien

Comment tu expliques cette forme de plaisir ?

Dans le coté dominé il y a clairement un rapport au mal, à la douleur bien sûr, mais aussi au mal, à l’interdit. Et puis c’est le lâcher-prise : quand je me fais dominer je lâche tout, on s’occupe de moi, ça me détend complètement, j’ai l’impression qu’un petit chimiste me balance constamment de la dopamine et de l’adrénaline. Puis, il y a l’après, le lendemain. Lorsque je vois les marques sur mon corps je trouve ça magnifique, plein de couleurs… C’est bizarre non?

Le coté dominant c’est la puissance, le pouvoir, un rapport à la brutalité, aux coups. L’étranglement, cracher sur quelqu’un, s’en servir pour quelque chose, un meuble par exemple. Oublier qu’il est là… Et vu qu’il prend du plaisir, toi aussi tu en prends. C’est mutuel, et quand tu prends du recul sur la scène c’est putain de badass, c’est la puissance féminine alliée à l’étrange, au dérangeant. Tu es là, puissante, tu lui craches dessus, tu lui mets des cendres sur le visage… Il y a un coté fatal, c’est fou.

© Pietronave Bastien

Tu es jeune et tu parles déjà avec une facilité déconcertante, pourtant tu n’est pas une adepte de longue date?

C’est vrai..j’ai commencé vraiment le coté dominant/dominé il y a peu c’est un fait. En fait, récemment j’ai fait une pause dans ma vie, j’ai éloigné les drogues, l’alcool, je sors beaucoup moins… Et du coup j’ai trouvé dans le BDSM une autre forme de divertissement pour pallier à tout ça. C’est devenu mon passe-temps favori. Mais c’est vrai, j’ai toujours eu une forme d’admiration pour le plaisir, le mien et celui des autres.

Est-ce que le porno a influencé ta sexualité ? Tu regardes quoi comme porno ?

Peut-être. Je sais que j’ai toujours regardé des pornos un peu particuliers, du hentaï (mangas ou animés à caractère sexuels, ndlr), des cartoons et même des Disney. En fait, j’adore pouvoir m’imaginer que mes personnages préférés ont une vie sexuelle, qu’ils prennent du plaisir. Et puis franchement, c’est tellement bien dessiné ! Je sais pas si tu as déjà vu mais c’est une forme d’art à part entière, les gens qui dessinent ça sont de vrais créateurs, des artistes un peu barrés mais de grands artistes quand même.

Est-ce que selon toi on peut parler d’une forme de dépendance ?

Complètement. Si tu as pas ta dose, c’est pas agréable. Je parle pas d’un vrai manque comme l’alcool, les drogues ou même la clope dans certains cas. Mais tu es en demande, tu en as très envie. Mais heureusement on est nombreux à aimer ça, et on a plein d’amis. Il faut pas croire qu’on passe notre temps à se sauter dessus, souvent on boit juste un thé tranquillement comme on le fait toi et moi. On met des mots là-dessus, on en rigole et on a même des projets, tout ça prend une ampleur folle tu peux pas savoir!

© Pietronave Bastien

C’est-à-dire ? Tu trouves que ça bouge à Strasbourg?

Je suis allée dans beaucoup de villes, mais il n’y a qu’à Strasbourg que j’ai ressenti ça, une forme de liberté et un sentiment d’appartenance très particulier. Il y a une grande communauté qui émerge, et à l’intérieur il n’y a pas de tabous ! On a des projets de rassemblement, on veut tenir un carnet pour voir où les gens en sont dans leur sexualité, savoir ce qu’ils ont fait, ce qu’ils désirent faire etc. Mais on va aussi faire des partouzes, clairement, s’essayer à des plaisirs sexuels nouveaux et découvrir des choses inédites, pour cela on s’organise !

Comment tu définis ta sexualité ?

J’arrive pas à mettre des mots dessus, pour moi, très honnêtement c’est juste un jeu. Comme si tu jouais aux cartes avec tes amis, je te jure. Moi en tout cas, je ne me prends pas plus au sérieux que cela. Par exemple, il y a quelques jours, la fois où il y avait ma pote et mon soumis, on a bu un petit verre de vin, le lit était déplié, et c’est parti tout seul. Comme si on avait commencé à distribuer des cartes. En fait, au début on était là toutes les deux (l’une sur le lit et l’autre sur la chaise), lui était en train de lui lécher les pieds (en vrai c’est assez banal – il adore ça parce que c’est une forme extrême de soumission), moi je lui tenais les jambes, on lui marchait dessus, on lui crachait dessus et on rigolait tellement, on s’amusait vraiment, quelle scène! En plus, la soumission mentale que l’on a installé à ce moment là est allée au-delà de mon appartement, il m’est soumis même quand je suis pas là. Par exemple, on ne l’a jamais laissé jouir ce jour-là, et quand il est parti je lui ai ordonné de ne pas se toucher, interdiction jusqu’à la prochaine fois. Et je peux te dire qu’il ne le fera pas, il va m’obéir. Ça le rend fou mais ça lui procure une certaine forme de plaisir. Mais oui, pour répondre à ta question, c’est bel et bien un jeu, un jeu physique et mental assez délirant.

© Pietronave Bastien

Qu’est ce que ça te fait de dominer un mec ?

Je n’avais jamais rencontré un garçon soumis, jamais. J’ai toujours rencontré des garçons dominants, un peu comme dans la société…
Ah je vois où tu veux en venir. Oui c’est assez représentatif de ce qui se passe dans notre société. De par ma courte expérience, c’est toujours le mâle dominant qui soumet, et la femme qui “subit”, c’est vrai. Là, pour une fois, c’était moi qui avais le pouvoir. Mais il m’a quand même changé la vision du soumis, parce que dans l’imagerie collective un mec soumis c’est un garçon timides à lunettes, pas très joli, en plus avec une petite b***. Pas du tout, c’est les clichés d’internet, du porno mainstream.

Est-ce que tu penses que tu vas revenir à une sexualité plus “conventionnelle” ?

Oui, quand l’amour arrivera, l’amour ça rend “Vanilla”. Avec des câlins, des bisous tout mignons, de petits regards tendres. Mais pour l’instant je vais continuer tout ça, c’est une forme de passion, comme le fait de fabriquer des bijoux ou des objets sexuels est une passion pour moi, le BDSM est une aussi une passion.

Tu fabriques des bijoux ? Je peux voir ?

Je suis designer et sertisseuse de métier, meilleur apprenti de France. Je fabrique des bijoux sur commande, des formes un peu étranges, des bijoux BDSM, des colliers, des bijoux de bouche, des sculptures, et des sextoys…tu imagines pas ce qu’on peut faire avec de la matière durcissante. Et en fait, c’est marrant mais je suis passionnée par la multifonction, du coup j’ai pour projet d’inventer une gamme de sextoys portables, et ouais ! En fait je fais des jouets pour enfants mais pour adultes.

Tu vois bien (elle me montre les objets en photo ci-dessous), c’est du design de jouets pour gosses, avec des couleurs criardes et tout, mais ce ne sont vraiment pas du tout, mais alors pas du tout des jouets pour gosses ! Ces couleurs, pas du tout discrètes, sont un autre moyen de briser le tabou du BDSM. Histoire de rendre ça un peu plus funky, un peu moins dark, tout cela est aussi un cliché.

En fait j’adore l’incongru, j’adore détourner des objets, penser les matières autrement. En France on est pas beaucoup à réfléchir à ces tendances, j’ai peut-être un truc à faire avec ça, on verra.

Pourquoi je me sens tellement largué quand tu me montres tout ça ?

Parce que personne ne t’a guidé, personne ne t’a montré. Moi on m’a amenée là-dedans pas à pas et j’ai accroché direct. D’autres peuvent avoir la passion du cheval, moi c’est la création d’objets, la soumission, tout ça m’éclate complètement. Mais il faut dire qu’en France, en général, par rapport à d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre, je trouve qu’on est carrément en retard. Là-bas l’ouverture d’esprit est bien plus large, l’acceptation de l’autre est bien plus présente. Là-bas, à Berlin par exemple, une fois que le taff est fini, tu fais ce que tu veux, c’est ta vie, ton univers, tu peux te lâcher et personne ne te fera chier. Pour te donner un exemple, un jour, on est allé au Berghain et un mec tout simple faisait la queue à l’entrée, il avait un long trench-coat et à peine entré, il l’a ouvert d’un coup! Il avait plein de lanières en cuir sur le corps, il entrait dans l’arène comme un super-héros, c’était magnifique. Ici, des lieux dans ce style n’existent pas vraiment, et globalement les gens se cachent davantage. Mais les choses évoluent doucement, c’est aussi pour ça que j’ai accepté d’échanger avec toi aujourd’hui, pour ouvrir un peu les esprits.

Est-ce que tu aurais un petit mot pour ceux qui se sentent obligés de cacher leurs pratiques ?

Il faut COM-MU-NI-QUER. Il faut toujours en parler avec son entourage ou tenter de rencontrer les membres de communautés. Le pire c’est de se sentir seul, de se sentir marginalisé. Aussi, et c’est important, il y a ceux qui n’ont jamais essayé mais qui ont un attrait pour une forme ou une autre de sexualité, pour le BDSM mais ça peut être mille autres choses. À ce moment-là il faut en parler puis essayer, doucement. Si vous ressentez l’envie d’essayer, essayez, et si ça ne vous plaît pas tant pis, on passe à autre chose. Et puis surtout, il faut se PROTÉGER! Personne n’a envie de tout gâcher, si tu ne te protèges pas la fête est finie, et c’est une histoire de confiance mutuelle, parce que le sexe, quel qu’il soit, est un échange, un accord de corps à corps.


*Le prénom a été modifié

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Commentaires (1)

  1. Excellent reportage.
    De bonnes questions répondues avec sincérité et lucidité.
    Bravo mademoiselle pour votre ouverture d’esprit.
    Et oui. La communication est la base de toute relation.

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