Avec la Cathédrale et nos bretzels, la cigogne fait figure de star locale. Arborée par les touristes en porte-clefs ou en bonnet, on sourit quand on la croise posée dans un nid ou se déhanchant à l’Orangerie… De retour sur Strasbourg pour l’été, elle y fait ses quartiers. De la Krut à la Gare, la voilà même à faire le mur, s’affichant pixelisée aux quatre coins de la ville. Derrière ces centaines de pixel art pleins d’humour et d’amour made in Strasbourg : Stork. Attention, la chasse à la cigogne est ouverte !
Le street art strasbourgeois prend son envol
Fan de street-art depuis toujours, je ne visite aucune ville sans laisser mon regard se promener le long de ses murs. Rien de tel qu’un quartier pimpé pour capter l’identité d’une cité, comprendre ceux qui l’habitent. De Lisbonne à Barcelone, des quartiers londoniens à ceux de Berlin, pour chasser le tag, je me suis égarée au détour de rues pavées, de cours privées, ou de terrains abandonnés.
Imaginez donc ma joie quand notre pittoresque Strasbourg, longtemps figée dans son image de carte postale, a commencé à se muer, elle aussi, en galerie à ciel ouvert. Fresques, collages, pochoirs : de ci, de là, ces dernières années, les Strasbourgeois ont refaçonné la ville à leur sauce.
Et alors qu’à Paris ou ailleurs, je zieutais les coins de rue et comptais les Space Invaders, mon jeu strasbourgeois est, depuis quelque temps, de chasser la cigogne ! Venue pointer le bout de son bec il y a deux ans, déjà, elle fait désormais partie de notre patrimoine urbain.
Son papa ? Stork, caché derrière un pseudo bien à propos (très simplement : « cigogne » en anglais). Un anonyme qui souhaite le rester, ici « pour s’amuser plus qu’autre chose ». « Un adopté Alsacien et plus particulièrement Strasbourgeois » depuis 12 ans qui aime sa ville, et qui a choisi la cigogne « pour rendre hommage à cette région ».
Ramage, plumage et autres hommages
Au départ : la découverte des œuvres d’Invader, en pixel art, grâce à son neveu. « C’est l’étincelle de tout ce que je fais. […] Ça m’a beaucoup plu car c’est assez naïf et l’aspect géométrique me correspond bien. […] Au tout début, je me suis inspiré de son travail en collant un faux Invader dans Strasbourg [ndlr : voir photo ci-dessous]. J’ai fait cela beaucoup pour l’adrénaline que cela procure car je ne suis pas du tout vandale dans la vie. »Ne souhaitant toutefois pas copier le travail d’un autre, il finit par développer son propre univers, et voilà comment la cigogne a commencé à faire son trou dans le street art game.
©Fanny Soriano
À côté des quelques clins d’œil de Stork à Invader, sur Paris et Strasbourg, les hommages ne s’arrêtent pas : Vermeer en face du Trolley, Les Trois Brigands d’Ungerer à côté du musée, une grande galerie où Fairey, Magritte et Mondrian se rencontrent pas loin du MAMCS… La liste des réfs à l’art et la pop culture est longue, à celui qui saura les trouver et les reconnaître.
Une galerie qui trouve bien sa place à quelques mètres du MAMCS
©Fanny Soriano
« Je m’inspire de ce que je vois, ce que j’ai appris. Mes parents m’ont donné une belle culture artistique en m’emmenant (parfois en me traînant…) dans de nombreuses expositions. Du coup, j’ai appris, j’ai digéré et j’ai aimé la peinture et l’art en général. […] Quand je créé une œuvre, j’ai parfois envie de rendre hommage à ces artistes et c’est ce que j’ai fait avec ma frise de peintres [ndlr : entre le MAMCS et le Faubourg National].
Pour le street art, j’ai toujours aimé ça. J’adore me balader dans les rues du 13ème arrondissement de Paris ou au MAUSA Vauban à Neuf-Brisach pour découvrir ces artistes de rue. Ça fait donc partie de mon inspiration. Enfin, je suis un enfant du Club Dorothée… Période bénie des mangas japonais, des sitcoms de m.. mais qu’on regardait quand même et de la Super Nintendo. Alors, mes inspirations, ben forcément, elles en découlent ».
La cigogne fait son nid
Au-delà des hommages artistiques, avec ses cigognes, Stork s’amuse des symboles, des noms de rues, de bâtiments. Il « cherche aussi l’endroit pour les coller en essayant que cela se marie bien et que la perspective soit bonne » et fait des recherches pour choper le bon truc, trouver le dessin qui fera mouche, jusqu’à reproduire les écussons et blasons de villes. Un vrai souci du détail. Pour preuve : son Obélix, réalisé quelques semaines avant la mort d’Uderzo, posé rue du Sanglier. Un sablier, Quai au Sable, ou encore sa brique de lait, à la Laiterie. Bien vu.
©Fanny Soriano
Toute aussi manifeste : sa proposition de Une de DNA, collée à deux pas de l’Hôpital Civil, en soutien aux soignants, « au vu du travail qu’ils ont réalisé dans cette période extrêmement compliquée et dans laquelle ils ont répondu présent ». En plein dans l’actu, même s’il favorise l’ « intemporalité de ses œuvres [qui] leur permettent de survivre ».
Oiseau voyageur
Bien qu’adoptée par les Strasbourgeois, la cigogne n’est pas qu’Alsacienne. Stork dit d’elle que « c’est un oiseau migrateur qui ne demande qu’à visiter le monde ». Et justement, du monde, elle en voit, sa cigogne. D’abord Strasbourg, mais aussi Belfort, Paris, Liège, Clermont-Ferrand, le Sud… « La plus lointaine est aujourd’hui en Azerbaïdjan ».
©Fanny Soriano
Stork déclare avoir « pris l’habitude de poser quelques cigognes en fonction de [ses] déplacements ». Actuellement dans le Sud, il en a 12 avec lui « pour les poser dans différentes villes ». Et ajoute : « j’aime aussi en poser à la campagne. Elles ne seront peut-être pas beaucoup vues, mais j’adore l’idée que le rural art existe aussi. Pour le monde, le COVID a compliqué pas mal les choses, mais j’en prendrai pour mes voyages à l’étranger. Les œuvres seront forcément plus petites, mais c’est pas grave ».