Le 14 juin dernier, Emmanuel Macron annonçait la dernière partie (on l’espère) du déconfinement : présence obligatoire des élèves à l’école, réouverture des frontières, reprise accrue du travail. Plus récemment, le samedi 11 juillet marquait la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Bref, la vie semble reprendre son cours. À l’heure du bilan, je me suis demandé comment les jeunes des quartiers strasbourgeois avaient vécu ces derniers mois, entre épidémie, confinement et déconfinement progressif. Amine, Mélis, Abdel et Fayçal ont accepté de me raconter leurs expériences.
Pourquoi les jeunes des quartiers ? D’un côté parce qu’on leur donne rarement la parole alors que, finalement, que l’on vive en plein cœur de Strasbourg ou en périphérie, l’actualité nous touche de la même manière. D’un autre côté, l’idée m’est venue parce que j’étais moi-même confinée, donc plus attentive à mon environnement. Confinée en plein printemps, j’ai eu la chance de voir cet arbre, en face de chez moi, fleurir de jour en jour. Magnifique. Je me suis dit que nous n’étions pas tous logés à la même enseigne et je me suis rappelée de ce grand bâtiment immonde sur lequel donnait ma fenêtre étant plus jeune, lorsque je vivais moi-même dans une cité. Une cité dans ma ville d’origine, en Lorraine (outch !), que j’ai quittée il y a une dizaine d’années. J’ai donc eu envie de savoir comment les jeunes des quartiers de Strasbourg ont vécu ces derniers mois.
4 parcours, 4 lieux de vies
Mélis, Abdel, Amine et Fayçal vivent tous les quatre dans un quartier strasbourgeois. C’est leur seul point commun. Mélis habite à la Cité Erstein, aussi appelée le Quartier des écrivains, qui se situe entre Bischheim et Schiltigheim. Mélis a 23 ans et travaille pour un organisme en charge de mettre des amendes aux véhicules en stationnement payant, elle était donc en chômage partiel pendant le confinement.
Abdel a aussi 23 ans. Depuis 2009, il vit au quartier de Hautepierre, à l’ouest de Strasbourg. Avant ça, il vivait au quartier de Cronenbourg et encore avant ça, en Algérie. Il est étudiant en troisième année de Physique des matériaux et travaille comme barista à mi-temps chez Starbucks.
Amine, lui, est né au Maroc et a 27 ans. Depuis 2004, il vit à la Cité de l’Ill, un quartier au nord de Strasbourg, du côté de la Robertsau. Amine est étudiant en troisième année à la CCI de Strasbourg et en alternance à l’École ECAM en tant que commercial. Pendant le confinement, il était en télétravail et continuait, comme Abdel, de suivre les cours à distance.
Fayçal a quant à lui 25 ans. Il a vécu à Cronenbourg – « Cro » pour les intimes – toute sa vie jusqu’à l’année dernière. Dans ce quartier, à l’ouest de Strasbourg, beaucoup de bâtiments dont celui de Fayçal ont été détruits en raison de leur ancienneté. Lui et sa famille ont donc fait une demande pour être relogés, mais pas trop loin. Pari tenu : il vit aujourd’hui à trois minutes du quartier de Cronenbourg. Fayçal travaille dans la ventilation. Son CDD a pris fin juste avant le confinement, et il a repris le boulot depuis quelques semaines, comme beaucoup de Strasbourgeois.
Le confinement : protéger sa famille et prendre de nouvelles habitudes
Confinés au quartier, je me suis demandée comment Mélis, Abdel, Amine et Fayçal avaient vécu ces derniers mois. Fayçal m’explique tout de suite que chacun perçoit le confinement à sa façon, « c’est une question de personnalité. C’est pas un paramètre d’habiter au quartier. Moi ça ne me gêne pas de rester chez moi, mais j’ai un pote il passe sa vie dehors. Lui, il a pété un câble, au bout de deux semaines il ressortait comme avant. Mais c’est un relâchement de tout le monde, c’est pas que les gens dans les quartiers, ça je le sais. Moi j’ai tenu, mais au bout d’un mois, c’était trop ». Mélis, elle, n’a pas vécu de grands changements par rapport à ses habitudes. Confinement ou pas, elle n’aime pas vraiment aller au centre-ville, elle préfère rester avec ses copines dans son quartier. Du coup, même au chômage partiel, elle n’a pas vraiment ressenti le confinement : « notre confinement était très bizarre à nous. On est dans un quartier donc j’allais en bas, on discutait devant les bâtiments. On n’avait pas vraiment le poids de se cacher. Le confinement chez nous, on n’en a pas vraiment eu ». Une frustration quand même : « il faisait beau ! Et on ne pouvait pas aller à la piscine ». Pour Fayçal, c’est surtout la salle de sport et le fait de ne pas pouvoir manger dehors qui lui ont le plus manqué pendant le confinement.
La peur de contaminer les membres de sa famille
Amine et Abdel m’ont quant à eux fait part de la peur, pour les jeunes, de contaminer leurs familles, « la plupart des jeunes ils pensent comme ça, ils s’en foutent de leur santé, ils ont peur pour leurs parents. Du coup personne ne sortait ». La Cité de l’Ill et le quartier de Hautepierre étaient donc déserts les premières semaines de confinement. Abdel m’explique qu’au bout de deux semaines il y a eu, comme partout, un relâchement progressif au quartier de Hautepierre : parents et enfants en bas âge descendaient s’aérer dans les zones vertes de son quartier. « Ils sortaient une heure, une heure et demi et ils rentraient. Ils sortaient avec des masques et des gants, histoire de se dépenser un peu. Ensuite les jeunes comme moi, on a commencé à vouloir sortir aussi ». Les jeunes sortaient donc le soir, à 20h-22h, et les parents et enfants en bas âge vers 17h. Comme le résume Abdel, « inconsciemment on a fait des créneaux » pour qu’il n’y ait pas trop de proximité.
À la Cité de l’Ill, Amine fait justement partie de ces jeunes qui avaient peur pour leurs familles et qui se sont imposés un confinement strict : « les seules fois où je sortais c’était pour amener à manger. Ma grand-mère est assez âgée, mon petit frère est asthmatique, je ne pouvais pas me permettre de sortir. J’avais cette responsabilité pour ma famille. Bien sûr des fois on a envie de sortir, mais c’est pas pour nous, c’est pour les autres ». Double-difficulté puisqu’Amine était en télétravail et continuait de suivre ses cours en ligne : « je me suis retrouvé enfermé à la maison en train de travailler. Rester enfermer avec sa famille, mélanger le travail et les cours, organiser des réunions, c’est un peu compliqué. Il faut un temps d’adaptation, mais après c’est parti tout seul ». De son côté, Mélis était plutôt sereine. Elle et sa grand-mère sont tombées malades durant l’épidémie, et son médecin aussi, « il l’a surmonté. Du coup, j’ai pas vraiment connu de personnes pour qui ça a été très grave. J’étais confiante, on faisait attention un minimum et ça allait ».
De nouvelles habitudes à adopter
Comme beaucoup d’entre nous, Mélis, Amine, Abdel et Fayçal ont adopté de nouvelles habitudes depuis le début de l’épidémie. Pour Fayçal, en ville, c’est port du masque et distanciation physique. Mais au quartier, il a fallu s’organiser un peu différemment : « si on devait sortir en ville, on respectait les règles : masques etc. Mais par exemple j’ai mon pote, il habite à 5mn de chez moi, quand je vais chez lui… On se considère comme des frères, quand tu vois ton frère tu peux pas te masquer etc. On limitait déjà beaucoup les sorties ». Du côté d’Abdel, « les jeunes se mélangeaient, ils restaient en bas des bâtiments assis ensemble. Par contre on a adopté un nouveau check, avec le poing. Avant ça se serrait la main, ça se faisait la bise, maintenant c’est juste un check du poing et ça suffit comme salutation ». Mélis aussi m’explique qu’elle et ses copines, se font rarement la bise : « quand on est ensemble, on parle directement, on n’est pas vraiment proches [physiquement] ». Quant à Amine, il voyait surtout ses potes en soirée « comme ça il n’y a personne, on est entre nous, on essaie de pas voir beaucoup de monde pour limiter les risques ». Ces derniers mois, le mot d’ordre était donc le même pour tous les 4 : se voir oui, mais en comité restreint.
La vie au quartier en général : quel quotidien ?
Une ambiance conviviale tout au long de l’année
Mélis, Amine, Abdel et Fayçal apprécient tous les 4 l’ambiance de leur quartier. Mélis aime sortir à la Cité Erstein avec ses copines. Elles ne vont pas souvent en ville, elles préfèrent se rejoindre en bas des bâtiments et discuter, rigoler, « chacune assise sur un plot ». Elles font aussi beaucoup de vélo. Pour Mélis, c’est donc comité restreint et convivialité tout au long de l’année. Et elle se sent à l’aise dans son quartier, « les gens me connaissent, je les connais, c’est bonne entente ». Du côté d’Amine et de la Cité de l’Ill, c’est aussi bonne ambiance : « quand je suis avec des amis du quartier, on a un petit coin où on se pose entre nous, c’est un petit parking. On a notre petite chaise on rigole, on joue à des loups-garou et on mange des petits trucs ».
Amine précise par ailleurs que « certes c’est un quartier, mais c’est très propre. À chaque fois que j’ai des amis qui viennent au quartier, du Neuhof, de l’Elsau ou autre, ils disent toujours ‘votre quartier il est propre, il est très bien entretenu’. Après je pense que c’est parce que c’est collé à la Robertsau. En tout cas moi j’apprécie beaucoup mon quartier, on a tout ce qu’il faut. Un terrain de foot, on peut faire du basket, etc. »
La vie de quartier, c’est aussi des liens d’amitié. Abdel m’explique d’ailleurs que pendant le confinement, beaucoup de jeunes ont pu renouer des liens avec leurs anciens potes. De son côté, il a par exemple renouer avec plusieurs amis de son quartier qu’il ne voyait plus, « en général, ceux qui squattaient surtout en ville. Là, on n’avait plus le choix, tout le monde restait au quartier. On a fait plein de retrouvailles ». Aujourd’hui, même si tout le monde a désormais repris le travail, Abdel me fait part de la bonne ambiance au quartier de Hautepierre : « à la fenêtre, je vois des gens qui font des barbecues, des familles qui sortent, qui s’amusent. Je pense que la vie reprend son rythme au quartier. C’est une ambiance de grandes vacances ».
Malgré tout, peu d’activités proposées aux jeunes
Malgré la bonne ambiance, peu d’activités sont proposées pour les jeunes dans les quartiers. C’est certainement ce qui explique l’engouement des plus jeunes pour les City, ou « City-stades » – des petits stades de foot qui leur permettent de se dépenser un peu. Par exemple, confinement ou pas, le City du quartier de Hautepierre est toujours occupé : « les plus jeunes font des foot quasi tous les jours ». Amine souligne aussi l’importance du City à la Cité de l’Ill, d’ailleurs « il faudrait le rénover, parce que malheureusement il est en béton et pas en synthétique… C’est le seul bémol, contrairement aux autres quartiers où tout le monde a un City avec du synthétique. » Quel que soit le quartier, les City représentent une part importante de l’activité des plus jeunes. Les espaces communs à Hautepierre ont été réinvestis durant le confinement. C’est aussi le cas du petit parc de fitness devant chez Abdel : « la plupart des gens que je connais ici, c’est des sportifs. Il y a des footballeurs, des basketteurs, des boxeurs, des lutteurs, la plupart sont inscrits dans un club et vu que leur club était fermé ils s’entraînaient dehors ».
À Cronenbourg, Fayçal m’explique que les activités tournent essentiellement autour du foot et du basket : « il y a plein de petits terrains de foot, plein. Pour les plus jeunes, il y a aussi quelques évènements l’été. Je me rappelle qu’il y avait un centre culturel qui faisait beaucoup de sorties pour les jeunes jusqu’à 15 ans max. Après 15 ans t’es plus trop là-dedans de toute façon ». À la Cité Erstein, Mélis me fait remarquer qu’il y a très peu d’activités pour les plus jeunes : « à un moment, le centre avait un bon budget pour les mineurs, il y avait des activités. Mais on a l’impression que plus le temps avance, moins il y a de budget, peut-être que je me trompe mais quand j’avais 13 ans je me rappelle que les activités étaient plus intéressantes. Europapark, des activités gratuites, des barbecues, des jeux de société… Mais maintenant quand je passe devant le centre, c’est plus comme avant. Par exemple dans mon bâtiment il y a au moins 10 enfants, facile, qui s’ennuient et font du foot chaque jour… ». Ancienne animatrice, Mélis organise souvent des activités pour les plus jeunes, il arrive aussi qu’elle les emmène faire du vélo ou à la piscine : « Je fais en sorte que chacun s’amuse. Moi je m’occupe, je suis en formation. Quand je rentre, je joue souvent avec les plus jeunes ou je parle avec eux ».
Concernant les sorties dans les restaurants ou les bars, c’est plutôt au centre-ville que cela se passe. Au quartier de Cronenbourg, il n’y avait jusqu’ici qu’un PMU qui a fini par fermer ; de toute façon « ça n’a rien à voir avec un bar du centre-ville, c’est pas la même ambiance ». Pour manger, pas de restaurants, mais des snacks, des tacos, des döners : « si tu veux de la malbouffe, t’es servi » plaisante Fayçal. Pareil à la Cité de l’Ill, Amine m’explique : « il y a des snacks, mais c’est tout. Il manque aussi un petit supermarché pour les personnes âgées… à l’époque il y avait le COP ça permettait aux personnes âgées d’en profiter, maintenant il y a le Match mais c’est compliqué pour les plus âgés, il faudrait un petit supermarché ou un super U ».
Diversité et accès à l’information
Abdel a connu deux quartiers : celui de Cronenbourg, puis celui de Hautepierre depuis 2009. Quand son père est arrivé en France depuis l’Algérie, les autorités lui ont précisé : « il y a des quartiers pour les gens qui viennent du Maghreb. » Il s’est donc installé à Hautepierre, et a travaillé en tant qu’enseignant. Et quand il a réussi à mettre un peu de sous de côté, il a pu faire venir le reste de la famille. « C’était dur de vivre à quatre dans son studio étudiant ». Abdel et sa famille ont ensuite vécu à Cronenbourg, avant de finalement revenir à Hautepierre en 2009, où ils ont obtenu un F3. Niveau voisinage et accessibilité, Abdel m’explique qu’il préfère le quartier de Hautepierre à celui de Cronenbourg : pour les transports, les courses, le médecin, l’école. Il voit son quartier comme un endroit où rentrer, « il n’est pas parfait, mais il est bien comme il est. De base, ce sont des zones où étaient accueillis les étrangers pour pas qu’ils soient mêlés aux gens de la ville, d’où la certaine polyvalence des quartiers (hôpitaux, hypermarché, pharmacie). Il y a assez à faire dans les quartiers ».
D’ailleurs, la diversité des personnes habitant au quartier de Hautepierre a été très bénéfique durant la crise sanitaire. Certaines personnes ne parlent pas encore le français, « les personnes qui sont venues du pays il y a pas longtemps, en 2017-2018, elles sont en plein apprentissage du français. Et comme elles n’ont accès qu’aux informations télévisées, elles peuvent passer à côté d’informations importantes. Et vu que dans le quartier il y a beaucoup de cultures, beaucoup de langues parlées, du russe, de l’arabe, du turc, du chinois, du mandarin, tout le monde a accès à l’information ici. Et les jeunes on a tous les réseaux sociaux, on parle entre nous, on partage les infos et on les traduit à nos proches ». Diversité et solidarité vont donc de pair au quartier de Hautepierre !
Un environnement architectural parfois vétuste
Mélis et Fayçal font partie des nombreuses personnes concernées par la destruction des bâtiments trop anciens dans les quartiers. C’est ce qui explique que Fayçal ait dû quitter le quartier de Cronenbourg, même s’il n’a pas déménagé très loin. C’est aussi ce qui explique que Mélis n’habitera bientôt plus à la Cité Erstein. Le bâtiment dans lequel elle vit actuellement avec sa famille, et plusieurs bâtiments aux alentours, seront bientôt démolis : « les bâtiments sont anciens, ils tombent, franchement c’est horrible. Quand je monte les escaliers, on voit que ça tombe ». C’est donc ambiance échafaudages en ce moment à la Cité Erstein.
Et le rapport avec Strasbourg city dans tout ça ?
Un centre-ville facilement accessible
Mélis, Fayçal, Amine et Abdel apprécient tous les quatre la facilité d’accès au centre-ville de Strasbourg et ses alentours. Pour Amine, qui vit à la Cité de l’Ill, c’est 15mn en bus, 10mn en tram, et 20-25mn à vélo pour aller au centre-ville : « J’aime beaucoup faire du vélo, et Strasbourg est une des villes de France qui favorise le plus les cyclistes. C’est très accessible. Et contrairement à Paris, on n’a pas de métro on a des trams, on profite des paysages et franchement c’est magnifique. ». Abdel aussi trouve le centre de Strasbourg « super accessible en tram, en bus, en voiture, et même à pied » depuis le quartier de Hautepierre. Fayçal, lui, m’explique que c’est depuis la mise en service de la ligne G, en 2013, que Strasbourg est facile d’accès depuis Cronenbourg : « Avant ça, c’était plus compliqué d’accès. Tu pouvais y accéder en 20-25mn. Un été je suis même allé à l’UGC à pied à partir de Cronenbourg, ça me prenait 45-50 minutes de marche. Donc c’était pas non plus mortel ».
Un manque de proximité avec la vie politique et culturelle du centre-ville
Les élections municipales du 28 juin dernier, Mélis, Amine, Abdel, et Fayçal ne s’y sont pas tellement intéressés. Mélis est plutôt méfiante : « tout ce qu’ils disent pour la plupart c’est des mensonges. Jusqu’à l’élection, ils nous sourient quand ils nous voient etc. Mais une fois l’élection passée et qu’ils ont leur place, ils prennent plus compte de ce qu’on est, ils s’en foutent totalement. C’est mon avis. Même à Bischheim le maire est comme ça. Il nous sourit et quand tu leur demandes un truc, il te dit cette phrase ‘si après les élections je suis élu maire, je vous rappelle pour vos projets’. C’est juste qu’il veut qu’on vote pour lui, à part des pions on n’est rien ». Quant à Fayçal, il sait que les candidats écologistes ont eu de bons résultats dans beaucoup de villes et en est satisfait, « mais je ne juge pas sur le parti, je juge vraiment sur les actes. Je comprends l’idée qu’il faudrait une ville plus verte. Il faut voir ce que ça va donner. J’ai pas regardé son programme, je suis de loin, je juge les actes ».
Le taux d’abstention des dernières élections témoigne d’ailleurs de ce manque de proximité entre les jeunes et la vie politique. À ce sujet, Abdel m’explique que « les élections, c’est arrivé dans une mauvaise période. J’ai pas eu le temps de lire ce que proposaient les candidats et de m’intéresser à ceux-ci. Et dans les quartiers on n’a pas beaucoup de personnes qui viennent toquer aux portes afin de promouvoir tel ou tel candidat, ou alors rarement. Du coup il y a que des prospectus qu’on trouve par terre ou entassés au-dessus des boîtes aux lettres pour nous informer… ». Amine non plus n’a pas suivi les élections municipales. En revanche, il me fait part d’un manque de proximité avec la vie culturelle du centre-ville. Il observe notamment une meilleure communication à destination des personnes résidant en ville, « il y a plus de com’ quand tu viens de Strasbourg-centre que si tu viens d’un patelin ou d’un quartier. Il y a un écart. À part sur les médias, il n’y a pas de communication visuelle, par exemple des flyers, dans le quartier. T’auras jamais un flyer ou un prospectus sur un nouveau resto qui a ouvert en ville par exemple. Il y a pas assez de com’ pour ça, ils s’aventurent pas jusqu’au quartier. La com’ sera plutôt basée à Strasbourg-centre ».
« On est d’abord Strasbourgeois avant d’être résident de quartier »
Pour Mélis, la ville « c’est quand il y a des achats à faire, ou le soir avec des amis. Quand je vais en ville, je vais devant la cathédrale et le plus souvent je vais au rafiot sur le quai, boire un mojito avec des amis, ou manger une glace au petit glacier. Ensuite je marche, mais je le fais le plus souvent le soir. Je trouve que c’est apaisant de marcher le soir, là-bas, avec des amis ». Amine aussi aime aller au rafiot ces derniers temps, « posés au bord de l’eau. Des fois on va aussi sur le campus, il y a des rassemblements souvent, il y a souvent des jeunes, on se pose là-bas on écoute de la musique, on boit un petit verre, il y a de tout. Des gens de quartier, des gens de la ville, il y a tout Strasbourg là-bas, des petits groupes, beaucoup d’étudiants aussi ».
Fayçal, lui, reste un éternel casanier : « je vais en ville toutes les deux semaines ou moins, mais c’est mon cas personnel ». Il apprécie beaucoup Strasbourg, « c’est une très belle ville. C’est une ville détente, pas de stress, il y a du respect, du calme, dans le tram c’est tranquille. Les gens sont polis, il y a beaucoup de choses à faire dans le centre, des petites activités etc. C’est vraiment agréable, il faut juste savoir l’apprécier, comme beaucoup de choses finalement ». Même son de cloche du côté d’Amine, « je suis tombé amoureux de Strasbourg, c’est une ville magnifique. Même pour aller boire un verre, la ville est très belle ». Un attachement à la ville de Strasbourg partagé par Abdel, qui estime : « on est d’abord Strasbourgeois avant d’être résident de quartier. On est un minimum concerné par ce qui se passe en ville, la plupart d’entre-nous travaillent ou ont leurs habitudes en ville ». Il relève d’ailleurs qu’en raison de la crise sanitaire, « il n’y a plus beaucoup de touristes. Le centre-ville marche en grande partie grâce aux Strasbourgeois, aux résidents de quartiers et de villages aux alentours ».
Pour conclure, je me suis rendue compte que recueillir des témoignages de jeunes de quartier dans ma ville d’origine aurait été rapide, même si je n’y vis plus depuis longtemps. À Strasbourg, où je suis venue pour faire une bonne partie de mes études, je ne connais personne qui vive dans un quartier. C’est absurde, non ? J’ai évolué dans un milieu étudiant puis universitaire, et j’ai dû contacter pas moins de 10 personnes pour avoir les contacts de Mélis, Abdel, Amine et Fayçal. Si peu de mixité sociale, c’est bien dommage… Ces quatre entretiens m’ont rappelée que, moi aussi, j’aimais bien communiquer par bâtiments interposés, en faisant des appels de lumière à ma copine Anne, qui vivait dans le bâtiment en face du mien. Ils m’ont rappelée que moi aussi j’aimais bien rester en bas, discuter et rigoler avec mes amis, même s’il n’y avait rien de bien joli à regarder. C’est cette volonté de vivre ensemble qui nous lie, comme partout finalement.
LAUREN
Je suis contente qu’ils trouvent que l’ambiance ça fait vacances, j’ai été confiné avec mes parents (qui vivent en cité)et ce fut l’enfer, car oui c est cool que les gamins jouent au foot toute la journée pour eux pas pour ceux qui vivent au rez de chaussée et les hurlements,bruit de ballon sous les fenêtres ou les ados qui se collent dessous… Oui parce que le confinement c était 1 mois ,après sans école c’était du 24/24,(bon allez 10h par j non stop) , et oui les nuisances sonores tout le monde s’en fout en cité…