Le 30 juin prochain, le second réacteur de la plus ancienne centrale nucléaire de France, mise en service en 1977 et encore en activité, sera arrêté. Le site de la centrale de Fessenheim entamera ensuite une longue phase de démantèlement, qui devrait durer près de vingt ans. Cette fermeture aura-t-elle des conséquences à notre échelle en tant que particulier ? De la vaste machinerie, au téléphone en charge sur ta table de nuit, comment fonctionne notre réseau ? Sans ce grand mastodonte à proximité, doit-on s’attendre à une augmentation du prix de l’électricité dans la Grand Est et à Strasbourg ? C’est l’occasion de faire le point sur ce gigantesque réseau.
Avec un site de 106 hectares, deux réacteurs d’une puissance de 900 MW(mégawatt) chacun, produisant en moyenne 11 milliards de KWh (kilowatt heure) par an et fournisseur d’environ 2% de l’électricité en France, la centrale de Fessenheim est le colosse de la région Grand Est.
Mais voilà, son âge avancé (43 ans) et les engagements en matière de réduction de la part du nucléaire en France, notamment avancée par François Hollande durant sa campagne à l’élection présidentielle de 2012 puis affirmée dans la loi de transition énergétique de 2015, ont mené à l’arrêt du réacteur n°1 le 21 février dernier. L’arrêt du second réacteur est lui prévu pour la fin du mois. S’en suivra une procédure de démantèlement complet qui devrait prendre une vingtaine d’années. Si la vaste installation est sur le point de laisser un vide conséquent, notre approvisionnement en énergie dans le Grand Est, est loin de s’effondrer.
Comment circule l’électricité dans le Grand Est ?
La centrale de Fessenheim n’est pas l’unique équipement nous permettant de produire de l’énergie dans notre région. De nombreuses autres installations existent, et parmi elles, quatre centrales nucléaires (celle de Cattenom, de Nogent-sur-Seine et de Chooz). Pour que l’électricité soit transportée d’une centrale de production (nucléaire, hydraulique, éolienne, etc.) aux appartements strasbourgeois, celle-ci doit circuler via un vaste réseau de lignes aériennes et souterraines. Ce réseau est construit selon le schéma suivant :
Production d’électricité (Centrales) ➡ Transport (lignes Haute Tension) ➡ Distribution (lignes Basses Tension)
À la sortie d’une centrale, l’électricité est transportée via des lignes à très haute tension avant d’être dirigée vers un poste de transformation qui va permettre de baisser largement le nombre de volts et ainsi transformer la très haute tension, en haute et moyenne tension. À partir de là, l’électricité va ensuite circuler via le réseau de distribution et être ainsi réduit en basse tension. Ce n’est que sous ce voltage réduit que l’électricité sera distribuée dans les foyers. Les plus hauts voltages quant à eux, seront utilisés pour les grandes industries, la sidérurgie ou encore la SNCF.
Autopsie de la consommation d’électricité dans le Grand Est
Au cours de l’année 2018, l’ensemble du territoire du Grand Est a consommé près de 41.8 TWh d’électricité. Ce qui fait de nous la quatrième région française la plus gourmande en électricité, puisque l’on représente à nous seuls9.4% de la consommation nationale. Mais le Grand Est est aussi un très grand producteur : près de 104.6 TWh par an (toujours selon les données de 2018). La région produit donc bien plus qu’elle ne consomme, plus précisément deux fois plus (environ 228%). On est donc capables de répondre largement à nos besoins et on est loin d’être frappés par une pénurie.
Pour produire toute cette électricité, il est nécessaire de s’appuyer sur différentes sources d’énergie. Et sans grande surprise, même si cette répartition tend à évoluer ces dernières années, plus de la moitié de l’énergie produite dans notre région provient du nucléaire.
Puisque l’on produit davantage que l’on consomme, alors que faire de ce surplus d’énergie ? Eh bien, c’est simple, l’électricité est considérée comme un bien comme un autre et n’échappe pas au commerce. On peut donc en acheter à certains, et en vendre à d’autres. Et du côté du Grand Est, on est plutôt généreux. Parmi toutes les régions françaises, c’est la seule à exporter de l’électricité uniquement vers ses voisins. En 2018, le territoire a ainsi exporté pas moins de 57 900 GWh aux régions et pays situés à proximité. Un business plutôt rentable, qui est loin de nous laisser sur la paille.
Le prix de l’électricité : du coup, va-t-on payer plus cher ?
Le prix de l’électricité est calculé à partir de plusieurs valeurs : les coûts de fourniture de l’énergie (production, approvisionnement, frais de services), le coût d’acheminement de l’énergie (via le réseau de transport et de distribution) et les taxes. De la somme de ces valeurs, résulte le tarif à payer en tant que consommateur.
Si les consommateurs strasbourgeois peuvent choisir leur fournisseur d’électricité entre Électricité Strasbourg (ÉS) et ekWateur (présent depuis 2018), les autres étant pour la plupart actifs sur le marché des entreprises, le réseau de transport et de distribution est lui, assuré par Strasbourg Électricité Réseaux, en situation de monopole. Chaque consommateur participe au coût d’acheminement de l’électricité via le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics de distribution d’Électricité (TURPE). Et cette tarification repose sur le modèle du « timbre-poste ». Peu importe la distance entre les centrales de productions et le logement du consommateur, le tarif est le même pour tous les citoyens en France. Il est fixé par l’État, d’après l’avis de la Commission de Régulation de l’֤Énergie (CRE). En conséquence, si Strasbourg Électricité Réseaux doit faire une croix sur Fessenheim et acheminer l’électricité depuis une installation plus éloignée, il n’y aura aucune répercussion sur le TURPE. Les taxes appliquées sont également les mêmes pour tout le monde.
En ce qui concerne les coûts de fourniture (donc de production, d’approvisionnement et frais de services), ceux-ci peuvent varier selon le fournisseur d’accès choisi. Mais tout comme EDF, ÉS propose à Strasbourg le tarif réglementé d’électricité. Le prix est fixé par les pouvoirs publics, encore une fois, à partir de l’avis de la CRE. “ÉS achète son électricité sur les marchés de gros comme les autres opérateurs, et bénéficie du dispositif de l’ARENH. L’ARENH est un droit pour les fournisseurs d’acheter de l’électricité à EDF à un prix régulé et pour des volumes déterminés par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). Les Tarifs réglementés de vente sont fixés par les pouvoirs publics, ainsi que les différentes taxes qui font partie du coût global de l’électricité.” confirme Sandra Gauthier, responsable communication chez ÉS. À l’inverse, le fournisseur ekWateur, propose lui une offre de marché et fixe ainsi lui-même ses tarifs en fonction des conditions de sourcing. La responsable communication ÉS ajoute que si le prix de l’électricité proposé dans les offres de marché, est fixé par chaque opérateur, les taxes associées sont quand à elles fixées par le gouvernement : “Cela comprend la Taxe sur la consommation finales d’électricité (TCFE), la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), et la contribution au service public de l’électricité (CSPE, qui finance notamment le développement des énergies renouvelables).”
En résumé, sur sa facture d’électricité, les taxes et les coûts d’acheminement sont les mêmes pour tout le monde. Et les coûts de fournitures peuvent varier selon le fournisseur d’accès choisi en fonction des conditions de sourcing, hormis pour EDF et ÉS qui proposent un tarif réglementé fixé par l’État pour tous les consommateurs. Le niveau de taxes fixé par le gouvernement est le même sur l’ensemble du territoire. Sandra Gauthier assure : “Il n’y a pas de lien entre les problématiques de distribution d’électricité et celles de production. Effectivement, le prix de l’électricité n’est pas directement lié à la production locale. Il n’y a donc pas de lien direct entre notre sourcing d’électricité et la fermeture de Fessenheim.“
Il suffit de regarder l’allemagne qui a fermé ses centrales nucléaires, aujourd’hui c’est le pays ou l’électricité est la + cher en Europe. Dire que ça n’augmentera parce que les taxes sont les même c’est mensonger.