Tribune de l’association Zéro Déchet Strasbourg :
Avec ce texte qui se plonge dans le futur, nous avons voulu montrer qu’en prenant des solutions appliquées ailleurs en Europe actuellement, Strasbourg peut devenir une ville exemplaire en 10 ans. Bien sûr, les élections approchant, il s’agit d’un message très clair envoyé aux candidats strasbourgeois : soyez courageux, soyez innovants, ne reportez pas à demain des solutions qui fonctionnent ailleurs maintenant. Les citoyens sont demandeurs et vous en seront reconnaissants.
Nous sommes le 16 juin 2030. Après 10 ans de politique volontariste sur la réduction des déchets, moi, Adélie, bénévole chez Zéro Déchet Strasbourg, ai décidé d’arpenter les rues de la ville pour y interroger les habitants, comprendre ce qui a changé concrètement et mesurer le chemin parcouru.
En effet, entre 2020 et 2030, les poubelles de Strasbourg ont fondu : de 260 kilos de déchets incinérés par an, on est passé à 80 kilos. Strasbourg a ainsi rejoint le club des meilleurs élèves européens !
On interpelle Émeline, une jeune femme sortant sa poubelle bleue dans le quartier Esplanade. Elle se souvient encore : “En 2020, je voulais déjà réduire mes déchets mais c’était une vraie galère ! Je me retrouvais avec mes épluchures sur les bras, que je ne voulais surtout pas incinérer, mais malheureusement les quelques composts dans la ville étaient loin ou parfois trop remplis. En fait, tout a changé dès 2022 : on a fait partie du premier quartier de Strasbourg à profiter de la collecte des biodéchets ! En gros, j’ai une petite poubelle supplémentaire avec un sac biodégradable à l’intérieur et l’Eurométropole organise son ramassage. Certains de mes amis n’avaient pas la place pour avoir une poubelle supplémentaire, alors la mairie a installé des bacs, un peu comme les bacs à verre. Au moins comme ça, tout le monde peut composter ses déchets. J’ai vu le changement direct : des personnes assez sceptiques se sont finalement mises à composter ! Quand on y pense, quelle folie de cramer ces épluchures… Mine de rien, j’ai entendu que ça représentait 30% de la poubelle à l’époque.”
En remontant vers le quartier de la Krutenau, on rencontre Benoît qui revient sur les évolutions dans les années 2020 : “Quand je me souviens de tous ces emballages qui jonchaient le sol ! Les gobelets, les sacs, on a même eu les masques en plastique à un moment. Puis de toute façon, je savais bien que même recyclés ce n’était pas le top… J’avoue, la mairie a vraiment pris les choses en main. Déjà dès leur élection : ils ont été fermes avec les quelques bars et clubs qui utilisaient encore des gobelets jetables, et finalement même la Laiterie a basculé vers les verres consignés. Puis ils ont vraiment soutenu les projets qui allaient vers le réutilisable. Ils ont même soutenu l’installation d’une laveuse permettant aux petits embouteilleurs de la région de laver leurs bouteilles ! Là, vraiment, il y a eu un boom de la consigne. Peu à peu, les restaurateurs se sont adaptés et le réutilisable est devenu la norme. Quand on y pense, en 10 ans, ça doit être des milliards d’emballages évités rien que pour Strasbourg.
Mais le truc qui m’a le plus marqué tout de même c’est qu’au final il y a pas mal de choses qu’on pensait impossibles à faire, qui ont pourtant été mises en place. La mairie s’est contentée de prendre les meilleures idées en Europe et ça a fait évoluer les habitudes ! Je suis fier de vivre dans une ville si innovante et consciente des enjeux climatiques.”
On se perd un peu plus dans le quartier en se dirigeant vers la place de Zurich et on interroge Marion qui tient une entreprise de Vrac :“Nous on était déjà convaincus : j’ai moi-même ouvert ma boutique Vrac en 2018. J’avais peur, pendant un temps, que ce ne soit qu’un effet de mode. Mais c’est tout le contraire ! J’ai vu fleurir tout un tas de commerces prenant en compte la réutilisation, il y a même eu de nouveaux couturiers et cordonniers qui ont ouverts. Je pense que le vrai changement a commencé à se faire quand la mairie a déployé la tarification incitative, c’est-à-dire faire payer une petite partie de la facture, en fonction du poids de ce qu’on mettait en poubelle. À partir de là, il y a eu un réflexe de la plupart des gens : tout le monde a essayé de trouver des solutions pour diminuer ses déchets. Certains ont commencé à pester contre le suremballage, d’autres se sont mis à composter. C’est marrant comment le simple fait de lier son volume de déchets à son porte-monnaie, même si c’est l’histoire de quelques euros, a tout changé.”
En se dirigeant vers la Petite France, on croise Michel élu à la mairie et à l’Eurométropole. Lui aussi est satisfait du virage qui a été pris : “Nous on a été élus en 2026. Je dois dire que plein de choses étaient déjà bien lancées par la mairie précédente. Je me souviens qu’en 2020, la plupart des candidats étaient assez timorés sur la question des déchets et finalement l’équipe élue s’est dit “allez on va essayer de franchir un cap sur les déchets”. Et c’est là qu’ils se sont dit que si des villes comme Parme ou San Francisco ont réduit de plus de 50% leurs déchets, on pouvait le faire aussi à Strasbourg. C’est là qu’ils ont décidé de développer de front la collecte des biodéchets et la tarification incitative, sacré changement de cap ! Après, là où ils ont assuré, c’est qu’ils ont essayé d’être exemplaires dans leurs propres services.”
Pour terminer cette matinée, on rencontre Ludivine et Baptiste, parents et soulagés que leurs deux enfants n’aient pas trop subi les effets néfastes du plastique dans leur organisme : “On se souvient du contexte de l’époque : la mairie avait déjà pas mal avancé car ils avaient supprimé les barquettes jetables des cantines, c’était en 2017 je crois. À cette époque, une minorité de personnes étaient conscientes du danger des perturbateurs endocriniens sur la santé, c’était vraiment le début de la remise en question. Ce qui est bien c’est que la mairie a continué ce travail ! Ils ont même travaillé avec le département du Bas-Rhin pour faire la même chose dans les EHPADs.
J’ai l’impression qu’ils ont vraiment mis le boost juste après la crise sanitaire du coronavirus, ils ont eu l’intelligence de comprendre qu’il y avait vraiment une envie d’aller plus vite. Du coup, ils ont fixé des sacrés objectifs sur les barquettes mais aussi sur le bio et local. D’ailleurs, depuis 2028, on est en 100% bio, local et sans plastique dans tous les espaces de restauration publics ! Je me souviens encore de certains élus qui disaient que c’était impossible. Finalement c’est une alimentation de meilleure qualité, mais aussi des débouchés pour l’agriculture locale. Aujourd’hui, alors que nous étions méfiants des politiques, et bien ça nous a redonné confiance en eux, au moins au niveau local en tout cas…”
Dans cette matinée de juin 2030, j’ai entendu de nombreux témoignages en plus de ceux cités plus haut. Il est vrai que même si chacun a envie d’y mettre son grain de sel, globalement les habitants en conviennent : il ne faut pas revenir en arrière. Ça serait un très mauvais signal vis-à-vis de la crise environnementale.
Adelie, bénévole chez ZDS