Batorama, c’est une entreprise que les Strasbourgeois connaissent bien. Un emblème de l’économie locale qui a subi, lui aussi, un lourd tribut depuis sa fermeture le 17 mars dernier. Aujourd’hui, les 38 salariés de ce pionnier du tourisme fluvial se réjouissent de pouvoir à nouveau naviguer. Mais à quoi ressemble le Batorama du nouveau monde et vers quels horizons navigue t-il ? Nous avons rencontré son directeur, monsieur Reynald Schaich, afin qu’il nous parle de l’avenir de son entreprise.
Batorama fait battre le cœur économique de notre ville depuis 1947. En temps normal, ce ne sont pas moins de 800 000 badauds qui embarquent sur l’un des 14 bateaux de la compagnie, et ce chaque année. Une flotte importante pour l’une des plus vieilles entreprises de bateaux mouches de France.
Le staff est sur les starting-block, les bateaux sont lustrés de la cale jusqu’au pont, les nouveaux aménagements ont été mis en place, les jauges de clients ont été réduites, les salariés ont été équipés et toutes les mesures sanitaires ont été prises, en boutique comme dans chaque bateau. Le bilan est fait : il est lourd mais toute l’équipe a su surmonter la crise avec brio sans contamination et sans licenciement. Désormais, il faut espérer que les touristes reviennent. Un frémissement de reprise d’activité, très progressif se fait déjà ressentir. Il ne reste plus qu’à convaincre et pour cela, Batorama parie aussi sur un gigantesque plan de développement sur 5 ans. Mais avant de vous en dire plus, revenons sur cette période de confinement inédite, qui a forcé la flotte de Batorama a resté à quais.
Des salariés sur-motivés malgré deux mois sans naviguer
Huit kilomètres à l’heure : c’est la vitesse à laquelle navigue habituellement l’ensemble de la flotte Batorama. Une allure plutôt lente qui s’est réduite à néant à l’aube du confinement. Dès la mi mars, la grande boutique du centre ville, ainsi que tous les points de départ des circuits touristiques, ont fermés leurs portes brutalement etles bateaux ont jetés l’ancre bien à l’abri, pour une durée indéterminée.
Mais les quelques salariés qui sont restés prendre soin de ces géants flottants de plus de 220 places eux, ont charbonnés. Les équipes ont travaillé à la maintenance, nettoyé les bateaux de fond en comble, démonté les vitres, les sièges : tout, vraiment tout a été inspecté et lustré pour que la reprise soit parfaite.
Les salariés qui ont été invités à faire du télétravail ont eux aussi dû redoubler d’effort pour faire face à la crise, tout en prévoyant l’après avec minutie. Il y avait des chantiers en cours qu’il fallait stopper, d’autres qu’il a fallu lancer, et surtout, il a fallu annuler pas moins de 90 000 voyages prévus entre mars et avril. Un véritable crève cœur pour les salariés :
“Je voulais commencer par dire bravo à nos salariés ainsi qu’un grand et sincère merci, me dit Reynald Schaich. Certains sont restés sur site pendant deux mois, quasiment seuls, pour effectuer tout un tas de travaux de maintenance, de relance clients… D’autres ont travaillés de chez eux d’arrache-pied, parfois en étant isolés. Maintenir un rythme pareil pendant deux mois… Chapeau bas. Je sais que certains jours étaient très difficiles, mais vous avez tenu la barre, et grâce à ça, on reprend l’activité motivés et à block. Tout le monde est dévoué et cela donne envie d’aller plus loin. Jamais ils ne se sont mis en retrait, leur investissement était incroyable.”
Une importante perte de chiffre d’affaires à prévoir
Malgré les aides du gouvernement, les prévisions pour l’année 2020 sont pour le moins désastreuses, comme nous l’explique le directeur :
“Il faut être clair : nous sommes assez pessimistes sur les fréquentations à venir. Nous estimons que nous allons perdre 80% du chiffre d’affaire annuel. Mars et avril sont à zéro et nos prévisions nous amènent à penser que cet hiver, en décembre par exemple, nous ferons 20 000 personnes et non pas 70 000 comme d’habitude. Cependant, nous sommes en capacité de réagir, nous avons les reins solides : si nous avons fait des projections qui ne vont pas dans le bon sens nous tiendront le coup, même avec 20 % de notre activité habituelle. Aujourd’hui, nous avons tiré toutes les ficelles pour nous sécuriser, mettre à l’abri nos employés et nos collaborateurs. Nous avons utilisé nos ressources et une bonne partie de notre trésorerie, nous avons négocié avec les assureurs, avec notre bailleur pour la boutique ainsi qu’avec le syndicat des entreprises fluviales de France. Nous avons négocié un certain nombre de délais et profité du PGE de l’état. Nous avons également utilisé le dispositif de l’activité partielle, qui va d’ailleurs être reconduit jusqu’à fin septembre pour les entreprise de tourisme dont nous faisons partie”.
Pour l’entreprise, qui a du rester à quais pendant deux mois, la trésorerie a pris un coup. Les salariés ont bien évidemment été payés, une priorité absolue, mais les frais généraux ont continué à courir, même sans la moindre activité : “Lors des deux mois et demi qui viennent de s’écouler, les frais engendrés se situent aux alentours du demi million d’euros, explique monsieur Schaich. Et nous continuons de devoir sortir de grosses sommes. Évidemment nous allons être à perte encore quelques mois. Nous travaillons dur pour limier les pertes.”
Une reprise lente mais pleine d’espoir
Batorama et toutes les équipes ont pris le temps de réagir : dans un premier temps financièrement, même si les frais on été lourds, mais aussi en anticipant l’après. Aujourd’hui, même si la reprise est faible (8 tours par jour au lieu de 40, 4 salariés au travail au lieu de 18) toutes les mesures sont en places pour affronter une affluence normale et raisonnée. Chaque chose en son temps, mais chaque détail a été repensé pour que l’activité reprenne sans risque sanitaire, mais également pour que Batorama brille encore plus une fois que la crise sera derrière nous : “Soyons honnête, pour la journée de vendredi nous avons eu huit réservations. Mais ce qui est important, et qu’il faut savoir, c’est que nous sommes prêts. L’ensemble de nos circuits ainsi que tout notre fonctionnement ont été repensés. Moins de personnes à bord, une distanciation sociale solide et bien appliquées (nous y veillerons) : le nouveau Batorama est pratique, toujours aussi ludique mais désormais aussi sécurisée. Les clients s’attendent à une image propre. Pour eux Batorama véhicule une certaine image de Strasbourg ! Aussi, bien évidemment, nous demandons à nos clients de bien vouloir réserver par internet pour limiter les contacts.”
La bonne nouvelle, c’est que le téléphone sonne de plus en plus et les réservations pour l’après 15 juin se multiplient. Les clients étrangers s’impatientent et attendent de pieds fermes l’ouverture des frontières à partir de cette date. Batorama, c’est 35 à 50 % de clients Français mais surtout 35 % de clients Allemands. Alors tous les regards sont tournés vers nos voisins, adeptes du slow-tourisme depuis la première heure. Mais les locaux et les Français, susceptibles d’arriver dès le 2 juin sont aussi très attendus, mais eux… Viendront t’ils naviguer sur nos eaux ?
“À partir du 2 juin nous allons commencer à retrouver une clientèle française naturelle, ce qui représente habituellement entre 35 et 50 % de nos clients, détaille Reynald Schaich. Mais la vraie question c’est : parmi les personnes qui vont être amenées à se déplacer pour faire du tourisme, combien d’entre elles vont choisir d’aller marcher dans le Larzac plutôt que de venir chez nous ? Est ce que les gens voudront se regrouper plutôt que de se perdre en forêt ? On peut penser que les grands espaces seront privilégiés, et ce sera certainement le cas. Mais lorsqu’on observe certains exemples à l’international, notamment le cas d’Europa Park, qui a enregistré plus de 60 000 connexions sur son site le jour de l’annonce de sa réouverture, on peut se poser la question. Il y a une espèce d’ambiguïté. En fait, il est simplement impossible de prévoir quoi que ce soit mais je suis très confiant pour l’avenir, simplement parce que nous avons su prévoir.”
25 millions d’investissement : un gigantesque pari sur le futur
Batorama se réinvente donc discrètement depuis quelques mois et la crise n’a fait que rajouter des frais et rallonger les délais de commande engendrées par un projet plus qu’ambitieux : un investissement de 25 millions d’euros sur 5 ans. Un gigantesque pari technique et technologique pour renouveler entièrement la flotte afin de la transformer en pionnier du tourisme fluvial électrique à l’Alsacienne :
“Nous finançons un plan d’investissement de plus de 25 millions d’euros sur les cinq prochaines années afin de proposer en exclusivité aux Strasbourgeois une flotte de bateaux avec zéro émission de carbone, de nouvelles technologies à bord, des écrans, des chargeurs pour chaque passagers, une plage arrière, des tablettes tactiles. Les bateaux sont déjà conçus et le premier prototype devrait sortir dans à peu près 15 mois. Ce plan d’investissement sera dans les temps seulement si l’activité reprend au plus vite. Mais j’y crois dur comme fer.”
Pour finir, on laisse la parole à monsieur Reynald Schaich :
“Aux Strasbourgeois, je leur dirai que nous sommes prêts et très impliqués, les gestes barrières sont respectés au maximum. On ne va pas s’embrasser sur la bouche tout de suite mais le cœur y est. Et si gouvernement annonce la reprise, c’est que les Français et donc les Strasbourgeois ont respectés les règles strictes qui leur ont été imposées. Et puis n’oublions pas : l’Alsace est la deuxième destination touristique Française. Strasbourg quant à elle est un musée à ciel ouvert. Pourquoi on ne prendrait pas le temps de redécouvrir notre ville ? Je ne sais pas si c’est une fierté ou du chauvinisme, mais les Français parfois n’imaginent pas ce qui se passe sous leurs fenêtres. Combien de Strasbourgeois n’ont jamais mis les pieds dans un bateau pour découvrir un autre visage de leur ville ? Alors faîtes vous plaisir, découvrez ou redécouvrez la, que ce soit chez nous avec Batorama ou ailleurs. Votre présence dans les cafés, les bars, les musées et sites touristiques est indispensable, il en va de la santé de nombreuses entreprises.”
BATORAMA
18 Place de la Cathédrale
67000 Strasbourg
03 69 74 44 04
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