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De la Nouvelle-Zélande à Strasbourg : le rapatriement compliqué d’un expatrié

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Nicolas Besson est un citadin strasbourgeois comme vous et moi. En novembre dernier, du haut de ses 26 ans, il décide de s’envoler à 19 000 km de Strasbourg, direction la Nouvelle-Zélande. L’une des terres promises préférées des Européens en manque de montagnes abruptes et de paysages luxuriants. Avec un diplôme de “Français Langue Étrangère” en poche, il souhaitait s’évader le temps d’une année. Partir, s’éclater, puis travailler loin de l’Hexagone. Grâce au PVT (Programme Vacances Travail) qu’il venait d’obtenir, il voulait voir du pays, donner des cours de français et se perdre au cœur de l’un des pays les plus lointains au monde. Alors il est parti, seul. Nicolas avait de longs mois devant lui pour se gorger d’exotisme et de souvenirs, le retour ne devant se faire que dans quelques mois. Mais un certain virus est arrivé et les plans de Nico ont été quelque peu chamboulés…

Randonnée Tongariro © Nicolas Besson


Une aventure qui avait si bien commencé

Novembre, le mois le plus déprimant de l’année lorsque l’on vit sous nos latitudes humides et froides. Mais Nicolas a le sourire : de Francfort il part pour Auckland, en Nouvelle-Zélande. Là-bas, à l’autre bout du globe, c’est l’été qui l’attend, un autre monde, d’autres latitudes. Il ne reste plus que quelques heures de vol avant de rencontrer le peuple maori, loin de l’Europe, loin de Strasbourg.

Quelques perturbations et un tour de cadran plus tard, Nicolas atterrit à Auckland. Le vol était long, très long. À son arrivée il s’implante rapidement dans cette nouvelle vie. Il profite, sort, découvre, rencontre, apprivoise : il n’est pas seulement en vacances, mais bel est bien en voyage. Ce nouveau pays sera le sien pendant toute la durée de son visa : un an très exactement.

Abel Tasman National Park © Nicolas Besson

Après avoir flâné un peu au nord puis au sud, Nico décide de gagner sa vie. Fini de taper sur les réserves. Il se tourne tout d’abord vers de petits jobs alimentaires, là-bas, ils ne manquent pas. Mais ce qu’il souhaite faire, et il s’est formé à cela, c’est donner des cours de français aux habitants néo-zélandais.

Il postule ici, puis là. Quelques coups de fil plus tard, on lui fait une promesse d’embauche :

“Félicitation vous êtes pris, vous commencez en avril !”

Nous sommes en janvier, les semaines passent. Nicolas fait sa vie, il a le temps. Il sait qu’il va bientôt exercer un travail qu’il aime, la France et ses tracas sont bien loin, l’année 2020 commence à la perfection.

© Nicolas Besson


Le début de la désillusion…

Un matin de février, un grondement se fait entendre. C’est celui des médias qui, aidés par les médecins et les lanceurs d’alertes, commencent à tirer la sonnette d’alarme. “Le virus chinois“, comme on l’appelait encore maladroitement à l’époque, est plus destructeur que prévu. Il tue, à Wuhan d’abord puis dans toute la Chine. Ce sont les prémices d’une pandémie que personne ou presque, n’avait vue venir.

Nicolas s’informe : il passe des coups de fil, contacte l’ambassade de France en Nouvelle Zélande, il se renseigne sur la situation. L’heure n’est pas à la panique ni aux plans de secours, mais il faut s’organiser, au cas où. Ce qui se passe est inédit. Il se doit de rester alerte si par malheur, il devait rentrer en urgence. Il attend sagement et se tient prêt à toute éventualité.

© Nicolas Besson

Quelques jours s’ajoutent alors au compteur, tout comme les premiers morts hors de Chine. Le virus est en Iran et il est aux portes de l’Europe, c’est du sérieux. En tant que ressortissant français, Nicolas attend toujours des instructions de son pays.

Le 17 mars précisément, après l’allocution du président Macron, le ministre des Affaires Étrangères Jean-Yves Le Drian envoie un message vidéo à tous les Français de l’étranger, les appelant à retourner en métropole s’ils le peuvent.

Déclaration de Jean-Yves Le Drian envoyée aux Français à l’étranger. © YouTube du ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères


C’est le chaos, il faut partir…

Les nations du monde mettent petit à petit leur peuple en confinement. Les pays commencent à fermer leurs frontières. C’est le début des emmerdes pour Nicolas comme pour des milliers de Français à l’étranger.

La machine étatique se met en route. La France joue de sa diplomatie à l’international pour que les ressortissants puissent rejoindre l’Hexagone au plus vite et dans les meilleures conditions. Le ministre J.Y Le Drian annonce alors avoir demandé aux compagnies aériennes de “maintenir leurs liaisons aériennes ouvertes vers la France et de modérer leurs prix”.

Mais le message s’envole et il n’en est rien : les prix des vols commerciaux grimpent en flèche, parfois jusqu’à 4000 euros. Par chance, Nicolas trouve un vol au départ de Christchurch pour moins de 1000 €. Il passera par Sydney puis par Dubaï, deux escales avant la délivrance et le retour au bercail.

© Nicolas Besson


Trop beau pour être vrai

Le lendemain de son achat de billet low cost, l’Australie interdit les transits sur son territoire. Puis c’est au tour de Dubaï de suivre le mouvement. Il annule son billet, le voilà bloqué.

Nicolas s’informe via les médias français, il est toujours confiant. De nombreux articles précisent que le rapatriement des ressortissants a déjà commencé. Il se dit que, d’ici une semaine, il devrait être rentré grâce à un rapatriement officiel en bonne et due forme.

Les jours passent, pas de nouvelle. L’ambassade de France en Nouvelle-Zélande ne peut rien annoncer. Les consignes précises du Quai d’Orsay à Paris se font toujours attendre et pendant ce temps, le 25 mars, la Nouvelle Zélande se recroqueville encore un peu plus. Le pays passe en phase 4, obligeant le confinement total et la fermeture de tous les commerces et services non essentiels. Plus de travail, plus de déplacement, Nico a simplement de la chance d’avoir encore un lieu où dormir, ainsi que quelques réserves.

Nico a des potes allemands sur place. À l’année, ils sont 12 000 d’entre eux à vivre au pays du ballon ovale. Eux reçoivent des informations claires de leurs autorités. Leur ambassade obtient des vols de rapatriement, deux vols quotidiens depuis Auckland et Christchurch jusqu’à Francfort, une ville à deux heures de voiture de Strasbourg…

Il se dit : pourquoi eux et pas moi ? Que font les autorités françaises ? Nico n’a pas de nouvelle et le temps passe, le virus a désormais un nom : Covid-19.

Il veut en savoir plus, qu’est-ce qui va se passer pour lui ? Alors il se rapproche alors de groupes Facebook de Français bloqués en NZ. Des pétitions se créent, plus de 3000 Français semblent bloqués là bas, et ils attendent eux aussi.

Cap Regina © Nicolas Besson

Des nouvelles de l’ambassade de France ? Elle ne peut rien faire tant qu’elle n’a pas d’instruction directe du Quai d’Orsay.


Le plan de secours, la dernière chance…

La situation devient intenable, alors Nicolas prend les devants et fait jouer deux trois contacts qu’il avait obtenu lorsqu’il travaillait à l’ESN de Strasbourg (Erasmus Student Network). Celui-ci contacte alors directement madame Nawelle Rafik-Elminiri. Adjointe au maire, notamment en charge des Affaires Européennes et Internationales. Elle saisit alors le ministère des Affaires étrangères.

Deux longs jours se passent. Au début du confinement, la tension était au maximum, alors pour Nicolas, perdu à presque 20 000 bornes de chez lui, c’est insoutenable.

Slope point © Nicolas Besson

Et puis, il reçoit un appel miraculeux de l’ambassade. Bientôt, il pourra embarquer exceptionnellement sur un vol de rapatriement allemand jusqu’à l’aéroport Francfort. Pourquoi ? Parce qu’il est Européen et de surcroît Strasbourgeois, notre ville étant frontalière de l’Allemagne. Ces éléments jouent en sa faveur, l’Europe et les accords qui existent entre les pays membres étaient-ils en train de lui sauver la mise ?

Nico saisit sa chance, mais il ne sait pas quand ce vol partira ni de quel aéroport il décollera… il sait juste qu’il doit partir très très vite.

Il patiente, encore. Le gouvernement néo-zélandais annonce alors que d’ici peu (sans plus de précision), toutes les liaisons aériennes vont se couper et que le pays fermera totalement ses frontières pour douze mois.

L’angoisse…c’est maintenant ou jamais…des précisions sur le vol à prendre vite !


L’appel de la délivrance ?

Quatre jours passent dans la douleur et l’inquiétude, mais au matin, un coup de fil survient enfin :

“Nous avons un vol pour vous le dimanche 12 avril au départ de Christchurch”.

La randonnée volcanique Tongariro© Nicolas Besson

Ils ne peuvent rien lui dire de plus, ni l’heure, ni le numéro du vol en question. Rien. Mais il doit recevoir un mail de confirmation des autorités dans la journée avec toutes les infos nécessaires. Mais celle-ci se termine, le soleil se couche, Nicolas est dans la plus grande confusion.

Le lendemain, il reçoit ce mail tant attendu. Nico est en “Stand By” pour un vol de rapatriement de la compagnie Lufthansa prévu le lendemain à 18h à Christchurch. L’ambassade précise :

“Ne vous inquiétez pas, le statut de votre vol est confirmé, vous êtes sur la liste et vous passerez en vertu des partenariats européens”.


On remballe tout, on se casse !

Nico se situe à quatre heures de voiture de Christchurch. Il demande alors à son pote Luca s’il peut le déposer à l’aéroport. Huit heures de route en tout, il accepte. Arrivé sur place il fait la queue comme tout le monde, ou plutôt comme tous les Allemands qui l’entourent. Car lorsqu’il tend l’oreille, rien ne lui est familier, pas un seul Français, uniquement des Allemands. Il est le seul mangeur de grenouilles de la place.

Luca, son ami Italien © Nicolas Besson

Ce jour là, à l’aéroport de Christchurch, un seul vol était prévu, celui qu’il devait prendre. C’est celui là ou rien. Soit il le prend, soit il reste en Nouvelle-Zélande pour une année supplémentaire.

Une nouvelle forme d’inquiétude entrecoupée de méfiance se fait ressentir. Nicolas avance lentement dans la queue, des heures durant, il se retrouve alors devant un bureau couvert d’un drapeau noir jaune et rouge. Il se sent un peu désemparé, tout ça n’est pas clair, il y a un loup quelque part.

Le bureau de l’ambassade d’Allemagne dans l’aéroport de Christchurch © Nicolas Besson


Le coup de massue…

Une jeune femme approche vêtue d’un gilet orange sur lequel est inscrit “German Embassy”. Elle lui demande son nom, en allemand bien sûr. Nicolas répond en anglais, il lui explique qu’il est Français et qu’il est prévu sur ce vol grâce aux accords entre l’ambassade de France et celle d’Allemagne.

Elle grimace…

“I am truly sorry Sir, this flight is organised by the German Embassy for its citizens only.”

(Je suis désolée monsieur, ce vol est organisé par l’ambassade allemande uniquement pour ses ressortissants)

Il insiste…évidemment qu’il insiste.

Mais elle a reçu des ordres. D’autres Européens ont déjà tenté le traquenard en essayant de prendre ce vol mais elle précise qu’aucun étranger ne montra dans cet avion. Selon elle, des erreurs ont été commises et il y a eu un manque d’informations entre les ambassades. L’attribution des vols n’a pas été faite correctement, ce vol est bel et bien réservé aux seuls Allemands présents dans cet aéroport.

Nicolas lit la détresse dans ses yeux, elle l’a lit dans les siens…

Un vol, un seul. © Nicolas Besson

La dame au gilet orange le prend en amitié, mais que peut-elle faire ? Elle appelle alors son supérieur, celui-ci lui pose des questions à Nicolas :

“Vous avez des problèmes de santé, vous faites partie du personnel soignant ?”

Non, mais il n’a nulle part où aller, et il vient de se taper 4 heures de route. Mais comme elle, ce monsieur lui dit qu’ils ne peuvent rien faire pour lui. Dernier baroud d’honneur : Nico dégaine le mail que l’ambassade de France lui avait envoyé, une preuve, au moins une… mais est-ce qu’elle suffirait ?

Après plusieurs longues minutes mêlant agacement, inquiétude et tout un tas d’autres synonymes chiants, ce monsieur revient avec une phrase qu’on n’a pas l’habitude d’entendre par chez nous :

“Puisque l’erreur ne vient pas de vous, et que nous déplorons votre situation, je vous laisse exceptionnellement prendre ce vol”

Nico respire, mais pas d’éclat de joie. Tant qu’il n’est pas entré dans ce putain d’avion il ne criera pas victoire. Mais cette fois-ci c’est fait, il reçoit sa carte d’embarquement et une heure plus tard il prend place.

© Nicolas Besson


Le dernier coup de chance qui passe bien…

Nico ne s’installe pas sur un siège en pierre d’avion militaire, non monsieur. Plus de place en éco pour le Nico, direction le lit couchette de la classe business, le vol le plus luxueux de sa vie, le confort total pendant 26 heures. Ça y est, il est parti, toute cette histoire est presque finie, il va rentrer chez lui…

Le vol se fait sans encombre, Nico ouvre les yeux, il voit les buildings de Francfort et les tours de son aéroport se dessiner entre les nuages. À travers le hublot il sait que l’Europe est là, cette Europe qui l’a tant aidé.

C’est l’heure de la dernière étape, l’immigration allemande. Nico montre son billet de train Francfort/Strasbourg et ça passe. Il est sommé de rentrer en France immédiatement, direction le confinement. Quatre heures plus tard il passe le pont reliant Kehl à Strasbourg, tout un symbole. Selon ses mots :

Une inimaginable odyssée”.

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Le retour à Strasbourg © Nicolas Besson

***

Nicolas Besson est désormais confiné chez lui à Lipsheim. Il est chanceux d’avoir pu rentrer aussi vite, contrairement à des centaines de Français qui attendent encore dans l’inquiétude là-bas, en Nouvelle-Zélande, ou ailleurs dans le monde. On lui a passé un petit coup de fil pour savoir comment son retour se passait.

Le retour de Nico se passe très bien, il a eu chaud. Il est désormais seul, son retour est encore frais. Après toutes ces péripéties, il a simplement hâte de retrouver sa famille, il les rejoindra dès qu’il le pourra. Il sait la chance qu’il a eue, celle d’avoir eu la mention “Union Européenne” inscrit sur son passeport. Pour lui, les voyageurs ne se rendent pas comptent de la chance qu’ils ont d’être soutenus par les accords européens. Si l’Europe ne l’avait pas aidé, il y serait encore.

Selon lui, le pire dans cette histoire a été l’incertitude après l’annonce du ministre J.Y Le Drian. Il n’y avait plus de règles, plus de lois, que des informations contradictoires ou erronées… C’était le chaos. Aussi, il a été stupéfait de l’action et des manœuvres misent en place en local, à Strasbourg. C’est eux qui l’ont aidé en premier lieu. Ils l’ont écouté et ils ont agi. Il ne pensait pas qu’une telle mécanique, aussi bien ficelée, pouvait se mettre en route aussi rapidement. Mais cette mésaventure ne l’a pas abattu, dès qu’il le pourra, il repartira.

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Le Mont Cook © Nicolas Besson

***

Notes de l’auteur : par son témoignage, celui-ci ne voulait pas s’enorgueillir en racontant ses propres aventures, il a bel et bien un message personnel et des remerciements à transmettre :

“Tous ces Français qui sont coincés dans de nombreux pays du globe attendent du soutien, ils attendent un message, ils veulent qu’on les rassure. J’ai eu de l’aide et beaucoup de chance, je souhaite qu’ils en aient autant que moi. J’espère que le gouvernement français prendra des mesures fortes, très rapidement, afin de ramener tous nos ressortissants sur notre sol. À eux, je leur souhaite bon courage. Je souhaite aussi remercier la mairie de Strasbourg, madame Rafik-Elminiri et son assistant M. Dolisi. Mais aussi M. Jad Zahab, assistant parlementaire de la députée de ma circonscription qui a fait preuve d’une incroyable disponibilité. Toutes et tous étaient bien entêtés à faire évoluer la situation tout au long de mon périple.”

***


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Commentaires (1)

  1. Nicolas a surtout eu pas de chance. Un ami était aussi bloqué en NZ. Il a demandé à être rapatrié debut avril. Une semaine après il etait dans un avion pour la France…

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