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Strasbourg : le grumeau de la Place Broglie

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Au marché de Noël, Place Broglie, il y a de tout, même du vin chaud aux myrtilles. Des cabanons où ça sent la crêpe, les lardons grillés et la sueur des touristes qui transpirent dans leurs vestes Northface imprégnées. On joue du coude dans les allées. Les gamins regardent les décorations, émerveillés. Les parents scrutent les prix, dégoûtés. Papa est en haut, à tester les liqueurs en titubant. Maman est en bas, à baver sur les crèches artisanales fabriquées en Chine

Ça parle fort. Ça rigole. Les barquettes de frites tanguent dans un équilibre précaire et terminent sur les guibolles.

Ça clignote de partout, la place est interdite aux épileptiques, hypnotisés par des milliards de guirlandes psychédéliques. Du LSD dans les yeux. Pink Floyd dans un coin de la tête. Les santons portent des gilets jaunes et arborent des panneaux sur le toit d’une crèche. “Rois Mages, démissions !”. “Le SMIC à 2000 euros, on est à la déche”. Demain, une manif aura lieu au deuxième étage d’un frigo. Un churros au chômage, traînant contre un présentoir, tente de s’immoler, au bout du rouleau. Des cacahuètes grillées se jettent au sol pour finir en une minuscule flaque caramélisée qui viendra se coller sous la semelle d’une paire de Air Max décolorée.

Les amoureux se tiennent par la main. Elle lui fait comprendre qu’elle aimerait la bague argentée qui brille beaucoup. Il lui rappelle qu’ils sont surendettés et qu’il a mal au genou à force de rester debout. Les odeurs d’épices et de fritures emplissent les narines. Le souk s’invite dans un verre de grenadine. Les billets dansent de mains en mains pour qu’un maximum de paquets termine sous le sapin. L’Opéra National de Strasbourg veille sur ce ballet désarticulé. 

Les danseurs valsent entre knacks, moutarde et baguettes flambées.

Le crêpier plonge la louche émaillée comme un druide dans son chaudron magique. Panoramix au pays du bredele. Un grumeau poète est projeté dans une flaque de lait faisant office de piscine. De la farine plein le nez, sur son bateau pneumatique, il hallucine. « Je suis le maître du monde » hurle-t-il, avant de s’enliser tel le Titanic, au fond du saladier. Las Vegas parano au Festival du sucre de Cannes. D’infimes bulles remontent à la surface. Flatulences de spleen. Sa manière à lui de faire face aux levures assassines qui pullulent. Léonardo di Caprio sans jambes et sans bras. Il se morfond, collé à l’obscurité du métal, prêt à mordre une cuillère inconsciente de ses bactéries de morfal. Kate Winslett git au sol entre un morceau de confiture et une allumette. On peut entendre Céline Dion dans un vieux transistor qui crache le générique de fin comme une trompette.                     

Every night in my dreams, I see you, I feel you.That is how I know you go on.

Les vapeurs de fleurs d’oranger attaquent son système graisseux, le transportant dans un trip estival à Alger. Loukoum en smoking, il smoke la chicha comme un pacha, gobant des morceaux de barbe à papa et fantasmant sur un plan à trois avec une pomme d’amour et un carreau de chocolat. Se prélassant les lipides dans un froid de canard, il cogite à son existence livide et sans gloire.

« Je ne suis qu’un morceau de pâte diluée, moi qui rêvais d’être une création de Ladurée ».

Les dieux de la pâtisserie lui font payer son anormalité, le résignant à faire une demande de reconnaissance de dessert handicapé. Il se voyait déjà s’étaler sur les plans de travail les plus prestigieux et terminer son existence sur le palais d’un japonais trop curieux. Les grumeaux du monde entier crieraient son nom, en réponse au diktat de la divinité Perfection.

Secoué par un tsunami de mixeur plongeant, il est projeté contre un bout de beurre dégoulinant. « C’est là que ma route s’arrête » pense-t-il, corrosif. Dans une moule à cake antiadhésif. Un pop-corn au bandeau rouge avec un arc dans le dos, se jette à son secours.“Prends ma main gamin ou tu finiras en petit-four”

Le labrador observe la scène de sa truffe rugueuse, sanctionnant de sa langue,  les gouttelettes les plus courageuses.  Le grumeau glisse dans un ultime cri sourd.

“Dites à Suzette que ce fût la meilleure crêpe  de Strasbourg”.

Un manala verse une larme en chocolat.  Tétanisées, les gousses de vanille restent figées sur place. Dans le soleil noir du mois de décembre, il neige de fines perles de sucre glace.


Mr Zag

Mr Zag a une voisine, un chat, des collègues, un job, il aime Lynch, Radiohead et Winshluss. Mr Zag a un Pinocchio tatoué sur le bras, quelques gribouilles en islandais, il ouvre les yeux et décrit le monde avec une vision bien à lui.

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