Certains Français s’expatrient en Nouvelle Zélande pour élever des moutons mignons, d’autres se taillent en forêt pour jouer de la flute et charmer des serpents un peu moins mignons. Frédéric Will allias DJ B-Kut a plutôt choisi la voie des platines et du gros son. Ce jeune Schilikois fan de hip hop a quitté les environs de Strasbourg il y’a 12 ans pour conquérir l’Empire du milieu. C’est donc en Chine et plus précisément à Shanghaï que Fred a choisi de poser ses valises pleines de bon vieux matos Pioneer. Un Bretzel qui perce dans le monde de la nuit à Shanghaï ce n’est pas tout à fait courant. Alors on a eu envie de vous parler de Fred mais aussi de B-Kut, de son parcours en tant que “simple” strasbourgeois, de ses soirées rythmées par les kicks balancés par les meilleurs beat makers mais aussi de sa transformation finale en DJ B-Kut. Un blase dans lequel il a au fil du temps glissé son personnage pour devenir l’un des chouchous du monde de la nuit et plus tard de la télévision. Désormais quand la nuit tombe il balance des mixtapes hip hop à des milliers de kilomètres de chez lui au milieu des tours de l’une des plus grande ville du monde. Petit portrait de Frederic Will aka DJ B-Kut et de sa folle histoire que l’on a presque du mal à croire.
Fred est né à Strasbourg d’une famille d’origine martiniquaise, il y a passé son enfance et a travaillé longtemps dans la capitale alsacienne. Il est passé par Micromania, Surcouf et Planet Saturne. Pas de doute, le mec kiffait déjà la technologie et devait à coup sûr faire du scratch et pousser les faders (boutons de commande) des platines exposées là. Ce genre de vendeur qui te fait une démo de folie et qui pousse le son au max quand tu veux acheter une simple chaine hifi.
Mais la vente dans les magasins ne lui suffisait plus, Fred avait besoin de voir plus grand et plus loin. Partir loin ? Aller, partons à l’extrême Est de la chine, yes ce sera Shangaï. Plus grand ? Ouvrons donc une entreprise d’import export. C’est ce qui s’appelle “changer d’horizons”. Certains vont en Allemagne ou en Belgique, d’autres traversent le putain de globe.
Tu es français, tu veux ouvrir une entreprise d’import export chez nous à Shanghaï ? 不 mon ptit pote (ça veut dire non). Nous en Chine le commerce et l’import export on connait, le gouvernement et nous on sait vachement bien le gérer. Alors pas touche au monopole et ne viens pas essayer de croquer dans notre galette petit étranger !
Premier râteau
Mais Fred est comment dire… acharné. Bon ok on va le dire clairement il a des couilles. Alors il a enchainé le petits boulots. Mais attention les petits boulots en Chine pour un européen ce n’est ni caissier chez Biocoop ni extra payé une misère dans un bar étudiant, 不 不 ! C’est plutôt figurant dans des films, acteurs de publicités, garde du corps pour acteur et chanteur chinois. Et ouais notre futur DJ a fait tout ça, on dirait un scénario de film presque exagéré.
Et puis un jour la nature des propositions que lui faisaient ses agents a changé.
- Hey pssst tu ne connais pas un DJ ?
Dans la tête de fred : Bouauoahiduuhdihhaihèèè !
- Dans la bouche de fred : laisse moi réfléchir… moi.
Frederic s’est alors proposé. Ses agents avaient besoin d’un DJ pour une soirée dans un club alors il a levé le doigt gentillement sans vraiment savoir ce qui l’attendait. Mais le problème c’est que DJ B-Kut n’était pas né, Fred n’était pas encore DJ. Il avait certes pratiqué quelques années auparavant et gagné quelques concours avec son pote Mystykalkut mais ses différents boulot avaient réduits sa pratique musicale à un simple passe temps.
Mais on est en Chine mon gars, rien à perdre il faut tout tenter. La perspective d’être payé pour jouer dans un club était une motivation en soi. Alors comme dans les séries américaines où l’acteur principal a 1 mois pour devenir basketteur professionnel ou patineur artistique Fred a taffé dur. Il a poussé un maximum de disques pour préparer comme il le fallait un set hip hop qui allait le faire décoller, ou pas.
Le flop
Fred avait prévu un bon gros set hip hop carré et dynamique, un truc à l’ancienne dans le but de faire groover Shanghaï. Mais personne ne pouvait s’imaginer que quelqu’un quelque part dans le monde pensait que le hip hop était composé de sons comés à la Lady gaga ou à la Britney. Et ben si, cette vision du hip hop semblait être partagée par presque 1,3 millards de chinois (on abuse un peu). Le résultat ? Seulement quelques personnes dansaient, les autres fixaient le DJ dans le blanc des yeux, dépités.
“Tu ne seras pas payé mon gars, tu n’es pas un bon DJ”.
Malgré ça Fred avait vraiment apprécié sa soirée, et puis sa préparation avait remis le DJ qui sommeillait en lui sur pieds. Alors il s’est dit qu’il serait vraiment dommage d’abandonner, de ne pas tenter une nouvelle fois sa chance. Il a alors arpenté les clubs tous les soirs pour diguer de l’inspiration dans les sets chinois et étrangers, leurs points forts et leurs points faibles pour se former au final sa propre identité.
Fred était à nouveau DJ.
On est bien dans un film ricain et les films ricains finissent toujours bien. Alors quelques mois après sa seule et unique gifle un club l’a contacté, les patrons cherchaient un DJ résident comme de putain de par hasard. Un petit test de compétences et tadaaa Fredi est embauché. Il est le nouveau résident du club. Mais la progression fut lente. Le nouveau résident jouait alors pas mal de comé pour satisfaire les chinois mais aussi du hip hop qu’il glissait au fur et à mesure dans ses sets pour faire bouger ses potes. Le résultat fut que tout ce public diversifié commençait à danser ensemble dans une joyeuse et belle mixité.
Frederic Will est devenu LE français qui joue du hip hop américain et qui fait danser les chinois.
Bien-sûr cette réputation lui a ouvert un maximum de portes, il a joué dans les plus gros clubs de la ville, on lui a consacré un reportage dans le 7 à 8 de TF1, il est devenu le chouchou de Nike pour ses événements NBA avec entre autre Lebron fucking James et Kobe foutu Bryant.
Mais le film hollywoodien ne pouvait pas se terminer sans un coeur meurtri, un sentiment de non satisfaction ou une pluie de météorites. On connait tous ce sentiment de ne pas pouvoir faire ce qu’on aime exactement comme on le voudrait. Comme un comédien qui réciterait indéfiniment la même pièce mais qui en rentrant chez lui noircirait les pages de son cahier pour créer son oeuvre, sa propre pièce.
C’est plus ou moins ce qui est arrivé à Fred (en moins romancé). Malgré une bonne réputation il n’était pas satisfait du son qu’il faisait résonner. Les sons qu’il mixait étaient trop commerciaux. Alors avec un autre DJ canadien et un ami parisien (qui est devenu son colloc) ils ont décidé d’organiser leur propre soirée. Une soirée de totale liberté créatrice dans laquelle les trois potes passeraient leurs musiques préférées.
Les soirées HIP HOP HIJACK étaient née.
Le trio a donc mis la main à la pâte et à la poche pour organiser la teuf de l’année. Pour cela ils ont fait venir à Shanghaï de bons gros djs hip hip comme DJ Jazzy Jeff, DJ Green Lantern ou encore Dj Scratch.
Et le film hollywoodien continue.
La soirée a été votée “meilleure soirée de Shanghaï” sur trois années consécutives. Une première pour une soirée hip hop dans cette ville qui ne dort jamais. Elle était là la consécration.
Attends attends c’est pas tout à fait fini.
Quelques temps plus tard Frédéric a été repéré par la télévision chinoise pour participer à un talk show en tant que DJ / acteur / intervenant dans l’émission. Et vous savez quoi ? L’émission a été votée “meilleure émission de variété” dans toute la Chine. Cette fois ci non pas 3 mais 4 années de suite. Un show dans lequel sont passés Mr Bean, Paris Hilton, Lionel Ritchie, Dwayne Wade, Far East Movement ou encore Rita Ora.
Aujourd’hui DJ B-Kut est toujours à Shanghaï où il continue de bosser en clubs. Il est désormais résident du club ASL et engagé ponctuellement pour des évènements organisés par des marques comme Nike, Swarovski, Chevrolet, redbull ou les français de Ubisoft. Et pour aiguiser son oreille ainsi que sa passion pour la musique urbaine monsieur Will fait également parti d’un collectif international de DJ.
Mais l’histoire ne fini pas là, il y quelques mois Fred a été repéré par Thomas Pesquet la station spatiale internationale pour poser un set sur la lune à la cool.
- C’est vrai monsieur ?
- 不
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Merci à Frédéric Will de m’avoir parlé de son parcours