Parce que le Racing est porté par beaucoup plus de personnes que les seuls joueurs de foot, Pokaa vous propose une série de portraits sur ceux et celles qui font vivre le club et transmettent son esprit. Aujourd’hui : Jeoffrey Voltzenlogel, data journaliste à Bein Sports et auteur de quatre livres sur le Racing.
Jeoffrey Voltzenlogel : « Alsacien avant tout, amoureux du Racing et journaliste de sport aujourd’hui. »
Qui es-tu Jeoffrey Volzenlogel ? « J’aime bien me définir comme étant Alsacien avant tout. Je suis un vrai Alsacien, qui est malheureusement parti à Paris pour ses études de journalisme à dix-huit ans après le bac. »
Quand on est Alsacien et fan de foot, inévitablement, la passion du Racing nous prend un jour où l’autre. Jeoffrey n’y a pas échappé, et comme avec beaucoup d’entre nous, cette passion s’est transmise par son père : « Quand tu as sept huit ans et ton père te montre tous les matchs à la télé, il t’emmène au stade, tu n’as pas le choix (rires). Il te transmet presque cet héritage d’être supporter du Racing, tu tombes dedans et tu te prends au jeu. » Une prise au jeu facilitée par des grands événements, qui marquent un enfant : « J’avais dix ans quand le Racing a fait son parcours en Coupe d’Europe et c’est sans doute à cet âge-là qu’il y a eu un déclic : tu tombes amoureux et tu n’en sors plus. »
Dès lors, vous l’aurez compris, Jeoffrey est un véritable mordu du Racing : « Je suis abonné au Racing depuis l’âge de 10 ans, les déplacements, les entraînements, demander les gants du gardien après l’entraînement. Le malade, le mordu quoi. C’est sans doute ce qui m’a donné envie de faire le métier que je fais aujourd’hui. Donc si je devais résumer, je dirais Alsacien avant tout, amoureux du Racing et journaliste de sport aujourd’hui. »
« Depuis le début, il y a toujours eu chez moi cet intérêt de création de bases de données » : un intérêt des stats comme annonciateur de son futur travail
Avant d’être data journaliste, Jeoffrey était un enfant friand de recueils de données, comme les plus pointilleux des fans de foot : « Depuis le début, il y a toujours eu chez moi cet intérêt de création de bases de données : j’écrivais les buteurs, les affluences de matchs sur des feuilles de classeur, la minute du but aussi. J’apprenais tout par cœur pour donner aux copains le lendemain des matchs. » Par la suite, il a fait son école de journalisme, avec toujours une idée en tête lorsqu’il fallait justifier ses propos : « J’ai toujours eu ce côté d’aimer appuyer mes propos avec une stat, pour donner de la profondeur. Mon envie de me spécialiser dans les stats est partie de là et j’ai eu la chance de rencontrer des gens dans divers médias en proposant ce côté stats. »
S’ensuit une belle carrière dans le domaine : « J’ai fait le Multiplex d’Europe 1 où je faisais la stat en disant « tiens c’est son quinzième but de la saison », « c’est le meilleur buteur », « le plus jeune »… J’essayais d’être super réactif en direct pour donner une stat. En parallèle, j’étais sur le site de l’Equipe et j’avais une petite chronique vidéo qui s’appelait « Les Chiffres ont la parole » où j’analysais les journées de Ligue 1 en stat. Derrière, j’ai été repéré par Opta et Bein qui avaient besoin d’un statisticien et ça fait maintenant quatre ans que je fais ça. »
Le petit enfant qui notait les noms des buteurs dans ses classeurs peut être fier : « Je revois le gamin que j’étais à huit ans qui allait avec son père au stade de la Meinau, si on lui avait dit qu’il ferait ça plus tard. Je suis journaliste à la télé, à Bein Sports, j’habite à Paris, qu’est-ce que je peux vouloir de plus ? Mon travail c’est regarder des matchs de foot et les raconter, il y a quand même pire dans la vie. » Dans ce rêve, il n’oublie jamais le Racing : « On essaye toujours de mettre le Racing en valeur, toujours avec objectivité évidemment. C’est le plus important. »
« La stat, elle permet de raconter une histoire » : l’histoire d’amour entre Jeoffrey et les stats
Justement, le côté objectif tient énormément à cœur à Jeoffrey ; c’est même ce qu’il préfère dans les stats : « La première chose que j’adore c’est leur objectivité : tu enlèves toute émotion aux chiffres, les stats mettent de côté tout l’affectif. Un joueur qui n’est pas bon, tu le sauras en stats, un joueur qui est bon, tu le sauras en stats. » Sans jamais oublier le plus important :« La stat, elle permet de raconter une histoire. Et quand elle est bien racontée, elle raconte une belle histoire. Après, il ne faut pas croire que la stat c’est l’analyse elle-même : rien ne remplace la vérité du terrain. Il faut être humble quand tu fais de la stat, ne pas arriver sur tes grands chevaux. La stat, c’est un complément d’analyse. »
Si vous êtes quelque peu familiers avec le domaine de la statistique – et pas seulement dans le domaine du sport – vous devez savoir que, mal exploitées et mal contextualisées, vous pouvez leur faire dire tout et n’importe quoi. Et c’est pour cela qu’il existe des data journalistes comme Jeoffrey : « Les data journalistes, les analystes stats dans les clubs sont là pour interpréter les stats et le donner à des gens moins familiers avec ces données. Il faut expliquer et éclairer le grand public, dans un média ou dans un club. Quand tu bosses dans un média grand public, tu peux pas mettre des trucs trop compliqués à l’antenne, sinon tu perds les gens. Après, il y a vraiment des dérives, donc il faut faire attention. » En somme, savoir rendre simple ce qui est compliqué.
Racing Database : raconter l’histoire du Racing avec les stats
En plus de son poste de data journaliste, Jeoffrey est également auteur de quatre livres sur le Racing. Plus qu’une simple déformation professionnelle, c’est d’abord le plaisir : « Je ne gagne pas d’argent avec ça, c’est vraiment pour le kiff. J’ai une base de données que j’ai constituée sur le Racing, ce qui m’a permis d’avoir toute l’histoire du Racing. Je me suis dit que ce serait bête de pas le partager, de pas raconter l’histoire justement du Racing sous un autre angle, en rendant ça fun. »
Les débuts n’ont pas été simples, surtout pour trouver une maison d’édition :« J’ai pris beaucoup de râteaux de la part de maisons d’édition alsaciennes mais j’ai eu finalement la chance de rencontrer mon éditeur d’aujourd’hui, qui est désormais un ami, et aussi un mordu du Racing. Aujourd’hui, on en est à notre quatrième livre. C’est juste génial. Depuis le début, notre promesse éditoriale et notre ligne directrice c’est l’analyse : à travers les stats, la tactique, des datas un peu poussées, des graphiques, des tableaux… pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé cette saison. On ne dit pas : « Le Racing a bien joué », on dit « Le Racing a bien joué parce que… ». »
Cette année néanmoins, il y a une différence de taille : le Racing a gagné la Coupe de la Ligue ! Dès lors, il fallait faire quelque chose de différent pour Strasbourg-Joie : « On ne pouvait pas rester juste sur ce qu’on faisait avant, il fallait raconter les émotions. On a tous vibré, pleuré et râlé à la Meinau, et on a voulu retranscrire ça. Du coup, on a fait la part belle aux photos : des doubles pages avec juste un petit peu de texte pour que dans 10/15/20 ans, les gens ils ouvrent leur bibliothèque et se disent « Je me souviens de la marche à Lille », « Je me souviens de la Place Kléber noire de monde »… »
Mais n’ayez craintes, les stats sont toujours bien présentes : « Cette année, c’est analyse, avec beaucoup d’émotions. On raconte chaque match de championnat et de Coupe de la Ligue, à travers les stats, les photos et on fait de l’analyse : pourquoi le Racing a joué avec ce système, pourquoi ça a fonctionné, les points forts, les points faibles… on sait tout, pour qu’on se souvienne de cette saison de dingue dans 10/15 ans. »
Que d’émotions !
Bien évidemment, si l’on me met dans une pièce avant un fan du Racing, je suis obligé de les cuisiner sur leurs moments préférés avec le club. Pour cette année, Jeoffrey n’a que l’embarras du choix : « J’ai particulièrement aimé la série de quatre victoires consécutives en championnat où tu fais Nice, Toulouse, Monaco et Bordeaux. Il y a eu un mois de janvier où on a vécu notre meilleure vie de supporters à ce moment-là. J’ai 31 ans, j’avais jamais connu ça ; la dernière fois où ils avaient fait quatre victoires consécutives j’étais trop jeune pour le vivre. Là on gagnait tous les matchs, c’était facile, c’était le rêve, comme dans une partie de Football Manager. C’était incroyable. »
Avec comme point d’orgue, la victoire face à Bordeaux en demi-finale de la Coupe de la Ligue : « Ponctuer ça par la qualification en finale en battant Bordeaux après avoir été mené 1/0 et en marquant trois buts en 11 minutes… c’est fort. » Les frissons remontent alors qu’il continue : « C’était un chaudron, j’en ai fait des matchs à la Meinau, mais les onze minutes quand ils mettent les trois buts… »
Dans ses moments favoris tout court, les émotions ont encore leur place : « En 2004/2005, la victoire contre Marseille dans les arrêts de jeu. Niang marque, c’était Barthez dans les buts. C’était un feu incroyable, j’avais seize ans, j’ai pleuré de joie dans ma tribune. J’ai pris mon voisin dans mes bras, je savais pas qui c’était. C’était une libération des sentiments, quand j’en parle j’ai encore les poils. »
Vous pensiez vraiment que le coup-franc de Lienard passerait à la trappe ? Impossible, surtout que pour Jeoffrey, il y avait un enjeu supplémentaire : « L’an dernier c’était particulier, j’étais pas au stade, j’étais au travail. On avait le livre qui devait sortir la semaine d’après, on avait déjà communiqué sur le nom « 38 leçons de maintien » et on savait pas si on se maintenait. On avait tout qui était prêt : 20000 flyers au stade, achetez notre livre, mais sans savoir si le club serait maintenu ou pas. Quand il marque le but, je pense que j’ai battu le record du 100m d’Usain Bolt (rires). J’étais dans un état second, c’est l’une des plus grandes émotions de foot de ma vie.»
« Quand je rentre, il y a un frisson : un goût, une saveur, l’odeur de la ville… »
S’il est parti très tôt à Paris, Jeoffrey se sent toujours toute chose lorsqu’il revient dans notre capitale alsacienne : « Quand j’arrive à Strasbourg, y a un frisson : je suis parti d’ici à 18 ans, ça va faire 12 ans que je suis à Paris ; quand je rentre, il y a un goût, une saveur, l’odeur de la ville… Je pourrais passer une journée à me balader à Strasbourg : tu mets la musique, tu te balades et tu kiffes. C’est quand je suis parti que je me suis rendu compte de la beauté de cette ville et de son âme. »
Jeoffrey étant plutôt amateur des longues balades sur les quais et dans la ville, les endroits où sortir ne sont pas ses favoris. Il a néanmoins ses petites adresses : « J’aime bien aller au Starbucks prendre mon petit café, après je suis pas un grand fêtard, loin de là, mais j’aime bien le Vapiano. C’est mon petit point de ralliement ; j’aime y manger mes pâtes saumon carbonara. Et sinon, c’est la ville en général : me balader le long du canal, prendre la voiture et aller dans les Vosges, sortir… c’est un kiff. »
Se maintenir tranquillement et grandir à son rythme
Pour clôturer l’interview, je profite d’avoir un statisticien émérite pour lui demander ses pronostics pour l’année prochaine – et pour mieux les lui ressortir si on fait moins bien évidemment. Si beaucoup de monde se montre extrêmement inquiet pour la saison prochaine, Jeoffrey ne l’entend pas de cette oreille- tout comme moi d’ailleurs : « Je ne suis plus du tout inquiet : on est en train de franchir des caps saison après saison et l’équipe dirigeante le fait vraiment bien. Dans le recrutement, on va pouvoir aller taper des joueurs encore un peu au-dessus. » Il existe néanmoins un petit risque : « La Coupe d’Europe : Bordeaux cette année fait une saison totalement quelconque alors qu’ils ont fait le même parcours que nous. Au final, ils étaient rincés. Mais je fais confiance au Racing. »
Ne pas viser trop haut et ne pas grandir trop vite, voilà les objectifs de l’année prochaine : « Pour l’année prochaine, il faut faire comme cette année : il ne faut pas viser trop haut. On reste encore aujourd’hui Strasbourg ; l’objectif à terme c’est de devenir Nice, Bordeaux, Saint-Etienne. Pour l’instant on profite, on se maintient, comme cette année quoi. Quel pied de ne pas avoir cette appréhension permanente ! Donc ouais : 9ème ou 10ème, tranquille. » En attendant, préparons-nous déjà à vibrer pour la Coupe d’Europe, et nul doute que Jeoffrey sera aux première loges niveau émotion : « On est statisticien certes, mais on a quand même des émotions. » Le petit garçon fan du Racing a repris le dessus.
Crédit photo : Léa DTN/Photographie, Panoramic et Sebastien Bozon/Icon Sport
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