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Strasbourg : anatomie du Printemps

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L’odeur du gazon fraîchement coupé emplit les narines de souvenirs enfantins dans ce parc, Place de la République.

Il neige des fleurs de magnolias sur le dos nu d’une étudiante en deuxième année de médecine. La courbe de ses reins, dunes caramélisées où les vers d’un poète fou se poseront comme les ailes d’un papillon égaré. Un tatouage japonais représentant un dragon en feu remonte le long de sa colonne vertébrale. Une brise maternelle caresse sa peau fragile. La chair de poule fait de son épiderme, une plage de sable fin sur laquelle les enfants du monde entier rêvent de chercher des coquillages nacrés. C’est une planète inconnue, terrifiante, sur laquelle des lèvres inexpérimentées se perdront maladroitement tel un tatouage Malabar trempé.

C’est un petit pas pour l’Homme, un grand pas pour le baiser.

Derrière une paire de Prada, elle bloque depuis plusieurs minutes sur la même page soporifique d’un chapitre d’anatomie sans arriver à se concentrer.

« Situé dans la région antérolatérale du cou, au-dessous de la peau et au-dessus du muscle sterno-cléido-mastoïdien, le muscle peaucier est une large lame musculeuse, quadrilatère et fort mince, étendue de la partie supérieure du thorax au bord inférieur du maxillaire ».

Aucun membre ne peut combattre le printemps qui la taquine via des appels de phares ensoleillés.

Une fourmi kamikaze grimpe sur sa jambe droite, elle la sent comme elle sent le regard insistant de cet homme qui sirote un coca sur le banc juste derrière elle. Elle peut deviner le parcours de ses yeux sur sa nuque mais elle a la flemme de bouger. Le gazon est une couette végétale qui la prend dans ses bras. C’est la fin de l’hibernation, des pulls en laine qui grattent et des mains rougies par le froid.

Elle décroche les pétales d’une marguerite qui n’avait rien demandé à personne, une par une, comme lorsqu’elle voulait savoir si elle était vraiment amoureuse de Gaétan, en 6 ème D. Être au mauvais endroit, au mauvais moment, c’est le destin des marguerites et d’Alexandre Benalla.

Je t’aime – pas du tout – un peu – beaucoup – passionnément – À la folie.

Les fleurs, comme les enfants, ne mentent jamais. Elle tombe sur « pas du tout » parce qu’elle est célibataire depuis presque deux ans. Le mystère des sentiments que seule l’encyclopédie de la vie peut expliquer. C’est malheureusement seulement sur son lit de mort que nous achevons achève la lecture de ce style de bouquin.

Son souffle tiède propulse les plumes d’un pissenlit dans le ciel arrogant. C’est un oiseau-fleur qui s’envole vers l’infini. Elle ferme les yeux et se couche sur le dos, les bras étendus au maximum au-dessus de la tête. La respiration lente et apaisée d’un nouveau-né qui tète le sein de sa mère. Se sentir exister en s’effaçant dans le décor, l’espace de quelques minutes. Un bouton pause. Le cerveau qui se déconnecte. Le parfum des tulipes multicolores. Deviner la forme des nuages. Ici c’est une fée qui joue à saute-mouton avec un crapaud.Là, un poisson-chat qui fume la pipe.

Son cœur raisonne dans ses tempes comme les basses au concert du Bal des Enragés, hier soir à la Laiterie.

Elle y a croisé les yeux gourmands d’un maigrichon qui roulait une clope comme si c’était la première fois. Ça ressemblait davantage à un cornet de frites qu’à une cigarette. Le temps qu’il sorte fumer, elle disparaissait dans la foule suintante. Fumer nuit aux coups de foudre, il devrait le rajouter sur le paquet.

Sur sa gauche, un couple d’adolescents se bécote discrètement derrière un buisson. Il lui mange la langue en gloussant comme un paon. Elle gémit en lui chatouillant les côtes.

Debout, le joueur de diabolo aux dreadlocks-lianes enchaîne des figures improbables sur sa ficelle magique.

La fumée d’un spliff la sort de sa rêverie.

Deux glandeurs passent le temps adossés à un arbre. Le premier inspire une taffe interminable pour montrer au monde qu’il aurait pu jouer Jacques Mayol dans le Grand bleu. L’autre dit qu’il abuse, qu’il pourrait faire tourner parce que c’est lui qui a payé le matos. Les yeux rouges et gonflés, il rigole en toussotant. Tiens, prends-le il dit, et arrête de me casser les couilles, j’ai déjà mon daron pour ça.

Le soleil qui commence à se coucher met tout le monde d’accord. Il est temps de remettre son t-shirt, de jeter son mégot dans le cadavre d’une Heineken et de se diriger vers le Baggersee où se tiendra un barbecue pas si improvisé que ça finalement.

Elle observe les deux silhouettes courbées se lever. Les girafes en Lacoste prennent le large.

« Faudra choper des saucisses blanches aussi parce que les merguez ça commence à me soûler. On fait que ça, bouffer des merguez et de la harissa, j’ai le cul comme un chou-fleur à force. J’espère trop qu’il y’aura la meuf de l’autre fois, t’sais la rousse qui rigole comme une hyène ».

Vas-y ferme bien ta gueule avec tes histoires de Roi Lion dit l’autre. T’es même pas capable de faire une bise à ta mère et tu parles de choper une meuf. Chope toi d’abord une paire de couilles et ensuite on discutera, bouffon.

Le tram B démarre, laissant des brins d’herbes orphelins derrière lui. Une belle journée de printemps s’achève comme celle que nous passions à la mer quand nous avions cinq ans, la main dans celle de notre grand-frère.

A Strasbourg, c’est vrai, nous n’avons pas la mer. Mais nous avons des parcs qui font des vagues à l’âme.


Mr Zag

Mr Zag a une voisine, un chat, des collègues, un job, il aime Lynch, Radiohead et Winshluss. Mr Zag a un Pinocchio tatoué sur le bras, quelques gribouilles en islandais, il ouvre les yeux et décrit le monde avec une vision bien à lui.

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