Aujourd’hui nous n’allons pas entrer dans le temple du fun mais nous allons t’emmener à la rencontre d’un alsacien plein de volonté et d’abnégation. Cet alsacien, c’est Ben. Il a 28 ans et il a réalisé un film poignant sur un sujet qui l’est tout autant : les soldats Malgré-Nous. À 12 ans, un âge où on arpente les tabacs et les papeteries pour enfin choper un dragon blanc aux yeux bleus, lui, il écrivait un scénario. Quinze ans plus tard, à une période où l’on a envie de s’acheter un van et de quitter ce monde de brutes capitaliste pour aller planter des arbres en Tanzanie, lui réalise, monte et diffuse son film. Un film dédié aux hommes qui ont un jour été enrôlés de force dans l’armée Allemande. Une histoire qui fait particulièrement écho en Alsace, sur ces terres qui encore aujourd’hui portent les stigmates de la grande guerre.
Ça se passait dans une rue près de chez vous, dans la cour de votre actuelle maison, sur les champs de blés de votre enfance. Au détour d’une ruelle dont l’histoire n’a laissé qu’un petit nom sur un panneau bleu à l’écriture gothique. Tous ces lieux communs qui, il y a plus de cent ans étaient le théâtre naturel d’une guerre qui faisait rage. Une bataille qui emportait avec elle, comme une vague meurtrière, un paquet de gaillards qui n’avaient comme fardeau que leur courageuse stupéfaction.
C’est bon, bien déprimés ? Alors on peut passer à une partie plus légère. Parce que la légèreté passe en premier lieu par l’insouciance de la jeunesse. La jeunesse souriante et décomplexée de Ben et de ses potes. C’est cette bande de potes qui a voulu parler du pire avec respect, évoquer le mal pour qu’il ne revienne pas (si seulement). Une manière d’honorer les anciens aujourd’hui trop silencieux en évoquant leur discret combat et la mémoire de tous ces soldats.
Rencontre avec Benjamin, un petit gars de 1m95. Un mec qui a réussi à amener de la pédagogie, du temps de recul et encore un peu de prise de conscience sur un sujet qui restera actuel pour l’éternité. Il a aussi ramené avec lui de belles petites anecdotes sympa, des sourires naïfs pour un film quant à lui bien sérieux.
Afin de présenter le contexte cinématographique et avant de recueillir le témoignage du réalisateur (et acteur) Benjamin Steinmann, voici le synopsis du film afin de se plonger brièvement dans le contexte historique.
SYNOPSIS | Août 1942, les Alsaciens et les Mosellans sont incorporés de force dans l’armée allemande durant la seconde guerre mondiale. Certains sont incorporés dans les unités de la Wehrmacht, la Kriegsmarine (marine allemande), la Waffen SS dites Unité d’élites, plusieurs se retrouvèrent principalement sur les fronts russes à combattre l’armée de Joseph Staline. André Balzinger, jeune incorporé alsacien, décide de déserter les fronts russes pour rejoindre la Résistance ou la France libre. Accompagné par d’autres soldats alsaciens, ils partent sur le chemin du retour, sans identité, sans patrie. Traité de lâches par les allemands et d’ennemis par les soviétiques, ces soldats sont condamnés à avancer dans l’incertitude et le doute de perdre la vie à chaque instants.
Est-ce que tu peux te présenter s’il te plaît ?
Je m’appelle Benjamin Steinmann, j’ai grandi à Hunspach et je vis désormais à Haguenau. J’ai 25 ans et je travaille sur le projet de ce film en même temps que mon travail depuis trois ans maintenant. J’ai fini la réalisation d’un film sur la mémoire des Malgrés-Nous. Un film que j’ai tourné et réalisé en Alsace et en Allemagne, avec une seule caméra que j’ai loué, une poignée d’acteurs (dont moi), tout cela le weekend sur mon temps perso en dehors de mon travail. Le budget total pour le long métrage de 1h30 se monte à 5000 €, l’un des petits budgets pour un film programmé en salles. Autant te dire qu’on a crée le film avec un bout de bois et un bout de ficelle. En réalité tout ce dont nous avions besoin c’est de reconstituer une période historique bien précise, et pour cela les associations m’ont beaucoup aidé, pour les costumes notamment. Et mes amis ont été tellement investis que tout roulait particulièrement bien, je ne pourrai jamais assez les remercier.
Comment s’est passée la genèse d’un tel projet ?
L’idée trotte dans ma tête depuis que j’ai douze ans, c’est à cette époque que j’ai commencé à écrire ce qui deviendrait un jour un scénario, mais ça je ne le savais pas encore. J’avais commencé à écrire à la suite d’une maladie qui m’a immobilisé dans un fauteuil roulant. Forcément quand tu ne peux plus jouer au foot tu trouves d’autres activités, tu bouquines, tu prends ton temps. Tu écoutes les gens et surtout les anciens : ceux qui ont vraiment quelques choses à dire. Grâce aux histoires et témoignages de mes grand-parents et à travers des livres consacrés aux Malgré-Nous, j’ai commencé à écrire une fiction. Je suis arrivé à mettre en place, petit à petit des un récit, une histoire. C’est l’hommage aux ancêtres et le travail de mémoire qui m’ont animé dès mon plus jeune âge. C’est peut-être chelou pour un gamin mais c’était un besoin (assez précoce je dois dire). Ce besoin de faire le relais pour ce fameux travail de mémoire qui me semble indispensable.
Tu as attendu tout ce temps pour te lancer ?
On peut dire ça oui. En réalité, en 2016, après avoir laissé dormir le projet, je suis tombé sur une association de Weitbruch qui s’appelle Weitbruch Libéré. Lorsque j’ai vu la photo des Malgré-Nous je me suis dit qu’il serait temps de ressortir le scénario et de le faire vivre pour de bon, il avait assez trainé dans les cartons et ce n’est pas comme ça que le relais de mémoire serait réalisé, il fallait se bouger. Dès lors, j’ai repris le scénario et j’y ai ajouté quelques références historiques, le projet prenait alors forme.
Parle nous du tournage…
Le tournage a duré 1 an et demi. On a commencé en Février 2017, et il s’est terminé en avril 2018. Pour être honnête j’y suis allé au feeling, j’ai demandé à mes amis de participer au projet et de faire les acteurs. Tous étaient de mon village, concernés de près ou de loin par cette notion d’incorporation de force. Il ont donc joué le jeu sans se poser trop de question. Nous avons tourné en Allemagne, du coté de Wissembourg, au col du linge (haut lieu de la première guerre). Aussi du coté de la ligne Maginot, essentiellement des lieux chargés d’histoire. J’ai loué la caméra pour 25 jours de tournage, à la fin nous avions 2500 heures de rush… un sacré paquet à découper, redécouper… c’était un travail de titan dans lequel je me lançais, encore une inconnue de plus pour résoudre l’équation de mon film. Mais après 400 heures de montage je me suis dit que je tenais quelque chose, j’avais entre les mains ce qui semblait être un vrai film, à petit budget certes mais un vrai film de fiction.
Une fois le film terminé, quelle a été ta réaction ?
Notre première projection a eu lieu le 28 Septembre dernier, à la Saline de Soultz-sous-Forêts. Un moment incroyable et émouvant pour nous. Le budget du film était si faible, c’était une fierté de le réaliser de cette manière, avec nos tripes. Je me suis entouré de copains, d’amis d’enfance, tous concernés par l’histoire des Malgré-Nous. Ils ont tout de suite accepté de jouer dans le film, sachant qu’ils ne sont pas acteurs, ni comédiens, tout comme moi d’ailleurs. J’ai réalisé un film avec mon propre savoir et mon ressenti, c’est mon bébé et je me devais de donner plus que le maximum. Je devais surtout surpasser mes capacités de réalisation. C’est peut-être l’oeuvre de ma vie. J’en suis très fier et très reconnaissant.
Près de 1800 personnes ont assisté à mon Premier Film ce qui est incroybale et merveilleux. Je suis très fier du résultat ainsi que du ressenti et des critiques du public. Cela est très positif pour la suite. Pour ma part, j’avais à coeur de porter ce sujet sur grand écran, et de voir que le film s’exporte au delà de l’Alsace c’est véritablement un privilège, un honneur. Je pense que la justesse du film a beaucoup fait écho dans de nombreuses de familles. Certaines ont souffert de cette Histoire, c’était important pour nous de leur rendre hommage. De manière plus personnelle je ne pensais jamais que le film puisse avoir un tel impact auprès du public. Je vais réaliser un rêve en le diffusant à l’UGC à Strasbourg. Cela restera une étape importante de ma vie. Si je pouvais revoir le gamin que j’étais, je pourrais lui faire un gros tchek et lui dire qu’il a réussi.
Les prochaines dates pour visionner le film ?
- LUNDI 25 MARS À 20H UGC CINÉ CITÉ STRASBOURG (5,00 €)
- SAMEDI 6 AVRIL À 20H MILLÉNIUM | WEITBRUCH
- LUNDI 16 SEPTEMBRE CINÉSAR | SARREBOURG
- DIMANCHE 17 OCTOBRE NEF | WISSEMBOURG
- DECEMBRE GRC COLMAR
Réservations billets Mail
Si vous souhaitez écouter son témoignage audio lors de l’émission Pokaa Airlines du mercredi soir, vous pouvez écouter le podcast suivant à partir de la 33 ème minutes :
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