En ce moment tout roule pour notre Racing Club de Strasbourg adoré : 5ème du championnat national, en course pour aller tutoyer les étoiles européennes ainsi qu’en demi-finale de Coupe de la Ligue ce soir contre Bordeaux. Pourtant, ces infos ont pu être éclipsées par une polémique qui n’a pas cessé d’enfler cette dernière semaine. La cause ? Un match de Coupe de France à Paris où Neymar s’est blessé. S’en est suivi un carnaval médiatique qui n’ont eu de cesse d’occulter les bons résultats strasbourgeois au profit d’une simple dénomination de bouseux et de bourrins. Gros (mais néanmoins nuancé) coup de gueule.
Un Racing sur un nuage
Les temps sont fastes pour nos petits bleus et blancs : grâce à leur quatre victoires consécutives en Ligue 1, la dernière au bout du temps additionnel contre Bordeaux samedi dernier, ils trônent à la cinquième place du championnat. Qui l’aurait cru, surtout après une saison dernière où le club s’est sauvé grâce à Miracle – c’est le nom que je donne à la patte gauche de Dimitri Liénard.
S’en est suivi une intersaison de toute beauté, avec des recrutements réussis (Matz Sels je t’aime, Lamine Koné, Stefan Mitrovic, Lionel Carole, Adrien Thomasson, Ludovic Ajorque et Lebo Mothiba), des jeunes intégrés à la rotation comme Anthony Caci, Youssouf Fofana et Kévin Zohi et des choix tactiques extrêmement judicieux de notre Raïs à nous Thierry Laurey, avec le replacement de Jonas Martin dans l’entrejeu ou la nouvelle composition d’équipe qui permet une meilleure assise défensive, tout en libérant nos meilleurs éléments.
Tous ces choix, auxquels s’additionne un public toujours aussi précieux, font que Strasbourg est sur son nuage en ce moment. Le club ne fait en effet pas les choses à moitié : non content de battre Lyon chez eux en Coupe de la Ligue, ils sont allés humilier un Monaco malade cinq buts à un, sonnant le glas de Thierry Henry sur le banc monégasque.
Le club se retrouve dès lors deuxième meilleure attaque du championnat et quatrième meilleure équipe à l’extérieur. Avec un jeu pas toujours chatoyant, mais en revanche diablement efficace. Selon la super page Racing Database, Strasbourg est la cinquième équipe en termes de buts marqués par tirs tentés. Pas de Ligue 1 non non, d’Europe ! Et à l’orée d’une demi-finale qui s’annonce somptueuse face à Bordeaux ce soir, c’est un Racing qui fait rêver qui évolue devant nos yeux.
Neymar ou le 5ème métatarse de la discorde
Pourtant, si vous retrouvez tout cela sur les médias de sport strasbourgeois, difficile de passer à côté des polémiques sur le Racing depuis mercredi dernier. En effet, Strasbourg a affronté Paris en Coupe de France et s’est incliné deux buts à zéro, sa seule défaite de l’année 2019.
Néanmoins, un fait de jeu a durablement marqué la partie : Neymar s’est blessé au pied droit, fragilisant à nouveau un 5ème métatarse de la cheville qui lui avait fait manquer une bonne partie de la fin de saison dernière. Plus grave pour le PSG : il manquera donc la double confrontation avec Manchester United en Ligue des Champions.
Deuxième problème : cette blessure, bien que Neymar retombe mal sur son pied droit, incarne aux yeux des supporters et joueurs parisiens la cerise sur le gâteau d’un match assez haché et physique, où les strasbourgeois n’ont pas hésité à bousculer les joueurs de la capitale. Ces derniers ont rudement mis en cause le comportement strasbourgeois, mais aussi l’arbitrage, bien trop passif lors de cette rencontre.
"S'il fait ça contre Manchester United, il sa se faire soulever !" L'entraîneur de Strasbourg Thierry Laurey a poussé un coup de gueule contre Neymar hier soir 😬 pic.twitter.com/YvvgaGo4tV
— GOAL France 🇫🇷 (@GoalFrance) January 24, 2019
Enfin, troisième problème : la conférence de presse d’après-match. Anthony Gonçalves a réagi à sa manière à la blessure du Brésilien ; ses propos ont par la suite été rapportés à Thierry Laurey en conférence de presse. Jamais avare en bons mots, l’entraîneur s’est lancé dans une explication de texte aussi incisive qu’un peu maladroite sur la forme, mais très intéressante sur le fond. Sauf que le ton provocateur a mis le raisonnement au second plan.
Polémiques polémiques
Le cirque des polémiques était désormais lancé, et plus rien ni personne ne pouvait le rattraper. Tous les chiens de garde éditorialistes sportifs pro-PSG ont réagi au quart de tour : Riolo, Rothen, Pierre Ménès (pourtant pas le dernier à défendre le Racing), et plein d’autres encore. Même Julien Cazarre n’a pas digéré. Pour eux, ces propos sont inacceptables, Strasbourg n’est qu’une équipe de bourrins et Laurey un général obnubilé par l’impact physique en lieu et place de la technique. Je leur recommande, comme à vous lecteurs d’ailleurs, d’aller lire son interview à Onze Mondial en deux parties, ici et là, vous allez être surpris de l’intelligence et de la pertinence du propos.
Ils auraient mieux dû fustiger l’arbitrage bien trop laxiste de la rencontre. Tu as le droit de dribbler et même de provoquer, ton défenseur a le droit de mettre des coups. Mais surtout, l’arbitre se doit de faire son boulot aussi. Que l’on soit clair : je déteste la violence et les agressions. On parle de protéger les artistes de la Ligue 1, ce qui est un débat intéressant, et cela commence par des arbitres essayant de mettre des cartons au bon moment. Parce que si ceux qui mettent des coups ne sont jamais sanctionnés, il peut y avoir des abus.
Aussi critiquables qu’ils puissent l’être dans la forme, les propos de notre Titi illustrent finalement cette situation. Ils se révèlent ainsi dignes d’intérêt et ne méritent pas ce genre de déferlement. Parce que, au fond, qu’est-ce qu’il dit vraiment notre coach ? Que Neymar est un joueur fragile – ce qui est vrai –, qui provoque presque plus qu’il ne dribble – ce qui est affaire d’interprétation –, qui se perd parfois en gestes superflus et qu’il doit se préparer à prendre des coups. Rien de cela n’est faux.
Je comprends tout à fait ces réactions à chaud, de la part des fans parisiens : Neymar est leur vedette et qu’il soit blessé juste avant un grand match n’est pas une bonne chose. Surtout lors d’un banal match de Coupe de France. Tout ce qui s’est néanmoins enclenché après cette soirée du 23 janvier m’énerve au plus haut point : oubliées toutes les prouesses strasbourgeoises, les qualités tactiques de Laurey et même le titre de joueur du mois de décembre de Ligue 1 pour Kenny Lala. Désormais, dans la tête des gens, Strasbourg est une équipe qui blesse. Une équipe de brutes sans cervelle. Non mais on va arrêter les carabistouilles là !
Un mépris de classe au niveau du foot
C’est assez incroyable ce mépris que les petites équipes se mangent de la part des plus grosses écuries. Ça me fait penser au mépris des Parisiens sur le reste de la France, qui incarne la « banlieue » par rapport à la capitale. Si bien entendu je me focalise sur Strasbourg, c’est le même Gewurtz pour Angers, Amiens ou Nîmes. Il existe une vraie condescendance envers les « petites équipes », comme si la Ligue 1 n’était réservée qu’aux plus grands. Certes ce sont eux qui ramènent les annonceurs et in fine l’argent des droits télévisés. N’empêche que la Ligue 1 n’est pas qu’une affaire de gros sous et Strasbourg fait mieux que de le prouver cette saison.
Mais quand je lis des commentaires de fans de Bordeaux qui se réjouissent de n’avoir eu aucun blessé contre nous, cela me fait doucement fulminer. Objectivement, quel joueur s’est retrouvé blessé face à nous, avant Neymar ? Alors que nous, face à Monaco, tout le monde n’en avait cure que l’on perde notre maître à jouer Jonas Martin pendant plus de deux mois à la suite d’une intervention limite limite de Kamil Glik.
Je ne prends pas la position de victime ; je pense juste que ce mépris envers les strasbourgeois qui a désormais une semaine n’a pas de sens. En revanche, il est la formidable incarnation du nouveau café du commerce made in réseaux sociaux. Tout le monde a son mot à dire – ce qui est bien – mais tout le monde pense toujours avoir raison – ce qui l’est moins. Et cela va des experts de notre chère Ligue 1 qui nous considèrent comme des bouseux aux supporters strasbourgeois qui se moquent de la blessure de Neymar.
Le seul truc positif de cette histoire, c’est que l’on peut compter sur certains pour tourner en dérision toute cette situation.
En fin de compte, que reste-t-il vraiment de cette polémique ? Un Neymar blessé, une réputation de bourrins pour les strasbourgeois, des détournements humoristiques, un tribunal du web et des éditorialistes quasi tous scandaleusement condescendants. Comme un lundi quoi.
Le Racing continue néanmoins son bonhomme de chemin sans sourciller et sans se soucier de tout ce bruit qui les entoure. Et c’est sans doute la meilleure réponse possible. Le terrain ne ment jamais, et à ce jeu-là, nous supporters peuvent continuer à rêver de lendemains encore plus ensoleillés que ceux que nous vivons actuellement. Alors supporters strasbourgeois, échauffez bien votre voix, puisque tout le club a besoin de vous pour gagner cette demi-finale. Pour rêver au-delà de la fureur de ce mercredi soir ; pour que dans toute la France, l’hymne des bouseux résonne.